Le rapport de la Cour des comptes dresse un bilan contrasté de la Stratégie nationale énergétique 2009-2030. Gouvernance insuffisante, projets retardés, objectifs manqués, autant de défis qui freinent une transition pourtant indispensable. Mais des solutions sont sur la table.
Un programme ambitieux, mais des résultats mitigés. C’est le constat fait par la Cour des comptes dans son rapport annuel 2023-2024 sur la Stratégie nationale de l’énergie (SEN) 2009-2030. Même si des progrès notables ont été réalisés dans certains domaines, notamment les énergies renouvelables, des retards importants, une gouvernance incomplète et des mesures inachevées compromettent la réalisation des objectifs fixés. Face à ce constat, la cour formule des recommandations claires pour corriger la trajectoire et relancer une transition énergétique indispensable pour le pays.
Un cadre stratégique fragilisé
L’objectif du SEN était clair : sécuriser l’approvisionnement énergétique, promouvoir une énergie accessible et durable, tout en préservant les ressources naturelles. Toutefois, les échecs en matière de gouvernance ont mis à mal ces ambitions.
Le rapport met en avant une gestion trop centrée sur le secteur électrique, négligeant d’autres aspects essentiels comme l’efficacité énergétique ou la diversification des sources d’énergie. La faible fréquence des réunions des instances de gouvernance illustre ces lacunes.
Par exemple, le conseil d’administration de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) n’a tenu que cinq réunions entre 2010 et 2023, loin des 28 prévues par la loi. Ce manque de suivi entrave la coordination des efforts et ralentit les réformes structurelles nécessaires.
Des retards qui pèsent sur les ambitions
Malgré des progrès indéniables, notamment dans le développement des énergies renouvelables, les résultats restent en deçà des objectifs. La part des énergies renouvelables dans le mix électrique, en termes de capacité de production installée, a certes augmenté, de 32 % en 2009 à 40 % en 2023, mais reste inférieure à l’objectif de 42 % initialement fixé pour 2020.
Ces retards s’expliquent par des projets inachevés et une capacité insuffisante du réseau électrique à intégrer de nouvelles sources d’énergie. À cela s’ajoutent des blocages administratifs, comme le transfert non finalisé des installations d’énergies renouvelables de l’ONEE au MASEN, prévu pour 2021 mais toujours en attente en 2024.
Cette situation ralentit également la création d’un gestionnaire de réseau électrique indépendant, pilier essentiel de la loi n°48.15.
Des vulnérabilités persistantes
Le secteur pétrolier souffre d’un déficit chronique de stocks de sécurité. En 2023, les réserves de gaz, d’essence et de gaz butane ne couvraient respectivement que 32, 37 et 31 jours de consommation, bien loin des 60 jours requis. Cette faiblesse est aggravée par une diversification limitée des points d’entrée des produits pétroliers.
En effet, depuis 2009, seul le port de Tanger Med a été ajouté à la liste. Du côté du gaz naturel, l’absence d’une stratégie nationale claire limite les efforts visant à réduire la dépendance au charbon dans la production d’électricité. Les projets lancés depuis 2011 n’ont pas abouti, ralentissant le développement d’un marché gazier attractif et pénalisant la transition vers des énergies moins polluantes.
L’efficacité énergétique, la grande oubliée
L’efficacité énergétique, bien que déclarée priorité nationale, reste largement négligée. Les deux versions successives du SEN, développées en 2014 et 2019, n’ont jamais été validées. Cette inertie prive le pays d’un levier essentiel pour réduire sa consommation énergétique et améliorer sa compétitivité économique.
Le rapport souligne l’absence de programmes d’incitation et de financements dédiés pour soutenir les réformes dans les secteurs les plus énergivores. Cette situation ralentit l’adoption des mesures prévues et compromet les gains potentiels d’efficacité.
Relancer la dynamique énergétique
Pour surmonter ces obstacles, la Cour des comptes appelle à une action rapide et concertée. Elle insiste sur la nécessité de valider et de mettre en œuvre un SEN, accompagné d’un système d’incitations pour encourager l’investissement privé.
Dans le secteur de l’électricité, l’accélération des réformes structurelles est cruciale. Cela comprend la séparation des rôles de production, de transport et de distribution, la finalisation des textes juridiques en suspens et l’achèvement du transfert des installations de l’ONEE à MASEN.
Par ailleurs, le développement d’un marché gazier compétitif et la diversification des infrastructures d’importation font partie des priorités susceptibles de renforcer l’indépendance énergétique.
Faïza Rhoul / Inspirations ECO
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