La société montréalaise Deep Sky envisage de capter et de stocker le CO2 venant de l’atmosphère de mars prochain.
Publié hier à 21h41
Stéphane Blais
La Presse Canadienne
En marge d’une conférence de presse à Montréal mardi, le président et cofondateur de Deep Sky a annoncé que l’entreprise franchirait une étape importante au cours des prochains mois.
« Au printemps, on supprimera le CO2 de l’atmosphère, nous le stockerons et nous commencerons à inverser la concentration de CO2 qui est à l’origine du réchauffement climatique, rien de moins», a déclaré Frédéric Lalonde, en entrevue à La Presse canadienne.
“Nous ne voulons pas essayer une nouvelle technologie à la mi-janvier en Alberta”, alors “nous attendons que la neige fonde” pour extraire les gaz à effet de serre, a-t-il déclaré.
Un laboratoire expérimental
L’été dernier, Deep Sky a mis en place un laboratoire pour tester différentes technologies de captage et de séquestration du dioxyde de carbone à Innisfail, en Alberta.
Près de 100 technologies venues du monde entier auraient été évaluées sur ce site, baptisé « Deep Sky Alpha Lab » et qui serait entièrement alimenté par l’énergie solaire.
Deep Sky prévoit d’éliminer 3 000 tonnes de CO2 de l’atmosphère par an sur ce site, une quantité évidemment trop modeste pour avoir un impact sur le climat.
L’industrie du captage du dioxyde de carbone n’est pas encore prête à éliminer ce gaz à effet de serre de la planète à grande échelle, mais l’objectif de Deep Sky est de tester différentes technologies, de trouver les plus prometteuses et d’accélérer leur commercialisation.
« Certaines technologies fonctionneront et d’autres non » et grâce à ces expérimentations, nous découvrirons « de façon empirique et réelle » les options les moins énergivores, les moins coûteuses et les plus efficaces, a expliqué M. Lalonde.
Un accord avec RBC et Microsoft
Les rêves de la firme montréalaise, qui a obtenu du financement du gouvernement du Québec, mais aussi du gouvernement fédéral, retiennent l’attention.
De plus, la quantité de molécules de CO2 que Deep Sky prévoit de retirer de l’atmosphère à partir de ce printemps, aussi petit soit-il, sera compté et échangé contre des crédits carbone.
« Nous avons annoncé la participation de Microsoft et de la Banque Royale du Canada comme premiers clients et tous les crédits carbone qui seront générés par ce site. [le site d’Innisfail] ont déjà été vendus», a expliqué Frédéric Lalonde.
L’accord avec les deux clients prévoit l’élimination initiale de 10 000 tonnes de CO2 par Deep Sky et « la possibilité d’éliminer un million de tonnes supplémentaires grâce aux futurs projets commerciaux de l’entreprise », selon un communiqué publié il y a quelques semaines.
Un cadre législatif présent en Alberta
Le dioxyde de carbone capturé sur le site Deep Sky en Alberta devrait être injecté à deux kilomètres sous terre, « où il restera en toute sécurité pendant des milliers d’années », selon le site Internet de l’entreprise.
« En Alberta, contrairement au Québec, pour le moment, c’est légal et structuré. Il existe un cadre législatif pour l’injection de CO2 en toute sécurité, sous terre. Au Québec, nous sommes en train d’élaborer le protocole, alors nous sommes allés nous implanter en Alberta parce que nous pouvions lancer nos opérations immédiatement », a indiqué Frédéric Lalonde.
Il a précisé que son entreprise poursuit ses projets exploratoires au Québec.
Elle a récemment réalisé une étude de préfaisabilité pour analyser la géologie de la région de Bécancour.
«Nous avons découvert un potentiel de stockage de plusieurs millions de tonnes, sous notre vallée énergétique», explique l’entrepreneur.
La géologie du Québec et du Canada, la capacité à séquestrer le CO2 ainsi que les ressources naturelles trouvées sur le territoire garantissent que « nous avons le potentiel pour être l’Arabie Saoudite du changement climatique », selon lui.
En raison de « ce potentiel », selon le PDG de Deep Sky, « nous avons la responsabilité morale de développer » l’industrie du captage et du stockage du CO.2 et « si nous ne le faisons pas, quelqu’un d’autre le fera à notre place ».
Un outil, mais pas une panacée
Dans un rapport récemment publié, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) reconnaît que le captage du carbone est un outil important dans la lutte contre le changement climatique, en particulier lorsqu’il s’agit de compenser les émissions de secteurs qui n’ont pas d’alternatives viables.
Cependant, le rapport met en garde contre les « attentes excessives » et le recours à ce type de technologie.
Le rapport indique également que limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius, l’objectif auquel la communauté internationale s’est engagée avec l’Accord de Paris, nécessiterait que 32 milliards de tonnes d’émissions soient séquestrées par le captage du carbone d’ici 2050.
“La quantité d’électricité nécessaire pour alimenter ces technologies serait supérieure à la demande mondiale actuelle en électricité”, indique le rapport, qui ajoute que cette quantité de carbone capturé nécessiterait également une augmentation des dépenses mondiales consacrées à cette technologie, qui passeraient de 4 milliards de dollars. en 2022 à 3 500 milliards d’ici 2050.
Selon un autre rapport rédigé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui se concentre sur les moyens d’atténuer le réchauffement climatique, une réduction radicale de la consommation d’énergie fossile est nécessaire pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré.
Le rapport du GIEC publié en avril 2022 indique que, parallèlement à des réductions substantielles des émissions, des technologies telles que le captage et la séquestration du carbone offrent un potentiel important de réduction des GES.
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