Aller à Bakou n’est pas la meilleure façon de prendre le pouls des Québécois.
Tout juste revenu de la COP29 dans la capitale azerbaïdjanaise, le ministre provincial de l’Environnement, Benoit Charette, aurait dû retirer ses lunettes roses avant de vanter l’appétit de la population pour les véhicules électriques en Le Journal de Montréal.
Car en réalité, même si le gouvernement a atteint ses premiers objectifs d’adoption, les Québécois sont loin d’être convaincus à l’idée que leur prochain véhicule sera électrique.
Préoccupations
Parmi ceux qui ne possèdent pas encore un tel véhicule, seuls 31 % estiment que leur prochain véhicule sera électrique, selon une enquête IEDM-Ipsos réalisée en septembre dernier. Les Québécois ont plusieurs inquiétudes légitimes. Il y a d’abord la question du coût. Un véhicule électrique coûte en moyenne 15 000 $ de plus qu’un véhicule à essence. On comprendra que cela soit reçu comme une douche froide par les familles québécoises, qui ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts avec l’argent qui leur reste une fois l’Agence du revenu passée.
Le prix d’achat élevé demeure la principale préoccupation chez 73 % des Québécois qui ne souhaitent pas faire ce saut, toujours selon le même sondage. Malgré l’optimisme du ministre Charette, des analyses indépendantes menées par le bureau du directeur parlementaire du budget démontrent que cet écart de prix risque de persister au cours des prochaines années.
Outre la question du coût, se pose celle de la durée de vie de la batterie. Sur ce point, le ministre a au moins l’humilité de reconnaître comme « légitime » cette préoccupation des citoyens qu’il sert.
Cette question est étroitement liée à celle de la température, qui réduit l’autonomie des batteries de ces véhicules. Le manque d’adaptation des véhicules électriques au froid des hivers québécois est une préoccupation majeure, touchant près de 60 % de ceux qui envisagent encore un véhicule conventionnel comme prochain achat.
Électricité
Car les Québécois comprennent que, lorsqu’un concessionnaire leur vend une autonomie de quelques centaines de kilomètres, cela est conditionnel à des conditions météorologiques parfaites. La perte d’autonomie des véhicules électriques est d’environ 34 % par - froid, comme le rapporte la plateforme de vente de véhicules électriques Recurrent.
Une autre inquiétude légitime de la population, que le ministre tente d’écarter, est celle de la pénurie d’électricité annoncée à Hydro-Québec.
Le mois dernier, Hydro-Québec a révisé à la hausse ses prévisions de demande en 2035 et a notamment demandé à la population de baisser le chauffage et de limiter la recharge des véhicules électriques en pleine nuit, en période de pointe. – qui coïncide avec le froid intense de l’hiver.
Et même si la société d’État a un plan ambitieux pour augmenter son approvisionnement en électricité, rien n’indique que nous serons tirés d’affaire d’ici 2035.
Il n’est pas étonnant, dans ce contexte, que plus de deux Québécois sur trois jugent irréaliste d’interdire la vente de véhicules neufs à essence à partir de 2035. Ils demandent au gouvernement de mettre sur pause ce projet.
Peut-être que le ministre devrait consacrer plus de - à écouter ce que disent les Québécois plutôt que de tenter de les convaincre d’adopter les discours qu’il a entendus à Bakou il y a quelques semaines.
Photo fournie par Gabriel Giguère.
Gabriel Giguère
Analyste principal des politiques publiques à l’IEDM, un groupe de réflexion ayant des bureaux à Montréal, Ottawa et Calgary
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