Avec le développement rapide de l’intelligence artificielle, les clients et les financements ne manquent pas pour QScale et ses centres de traitement informatique. Mais l’entreprise fait face à un enjeu majeur qui bloque sa croissance au Québec : elle ne parvient pas à obtenir les blocs énergétiques nécessaires à la construction d’autres centres.
QScale vient d’amasser 320 millions pour le développement des phases 3 et 4 de son centre de Lévis. L’argent provient d’un syndicat de prêteurs comprenant le Mouvement Desjardins, la Banque Scotia et Exportation et développement Canada (EDC).
Lorsqu’elle a bouclé sa première ronde de financement en 2021, l’entreprise a misé sur l’explosion de l’intelligence artificielle, et elle a eu raison.
« La demande est complètement folle. Nos phases 1 et 2 sont pleines, et les phases 3 et 4, nous sommes dans de très grosses négociations. À ce rythme, les huit phases prévues seront construites le plus tôt possible. Au départ, nous parlions d’un plan de cinq à huit ans, alors qu’ici, nous le coupons en deux en termes de vitesse et de croissance », explique le président de l’entreprise, Martin Bouchard.
Les grandes entreprises de plusieurs secteurs doivent recourir à des services de ce type en raison des besoins de capacités informatiques avancées – on peut notamment penser aux activités de recherche dans les domaines de la santé, des véhicules autonomes, des services financiers ou encore de la recherche sur le climat.
Le piège : les blocages énergétiques
Les choses se passent donc bien pour QScale. Après la mise en exploitation des phases 3 et 4, prévue pour le début de 2026, l’entreprise prévoit réaliser à Lévis les quatre autres phases qui étaient incluses dans le projet initial. Le projet total représente un investissement compris entre 1,2 et 1,3 milliard.
Les centres de données comme ceux de QScale nécessitent beaucoup d’énergie. Les 142 mégawatts qui lui ont été accordés lors de la genèse du projet permettront de réaliser les huit phases à Lévis comme prévu.
Mais au-delà de ça, ça devient compliqué. En effet, depuis l’adoption du projet de loi 2, en février 2023, les entreprises qui souhaitent disposer d’un bloc énergétique de plus de cinq mégawatts doivent obtenir un agrément spécifique du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE).
QScale a récemment proposé un projet de centre informatique à Saint-Bruno, dont les émissions de chaleur pourraient être récupérées pour chauffer un futur complexe d’habitation. Mais elle ne parvient pas à obtenir les 48 mégawatts demandés. Même chose pour un futur agrandissement du centre de Lévis, qui aurait nécessité 72 mégawatts.
«En à peine un an, on est passé d’une logique d’excès d’énergie à se faire dire qu’on est dans un secteur qui n’est plus privilégié», raconte Martin Bouchard.
L’entrepreneur a du mal à expliquer ces refus. Pourtant, ses projets lui semblent « cocher plusieurs cases » : ils intègrent la valorisation énergétique, ils ont déjà une bonne clientèle, ils ne nécessitent pas de subventions… et en plus, le pic de consommation énergétique d’un data center se situe en été, pendant la saison où la consommation d’énergie est plus faible au Québec.
Martin Bouchard affirme que la nouvelle ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, a semblé « réceptive » aux demandes de QScale.
La presse a reçu une réponse laconique du MEIE, dans laquelle le Ministère mentionne que, les analyses étant confidentielles, nous ne pouvons pas connaître les raisons du refus.
« Chaque dossier fait l’objet d’une analyse rigoureuse. La sélection des projets s’effectue selon les critères d’analyse décrits sur le site Internet du [MEIE]. Les critères sont les mêmes pour tous les projets soumis et aucun secteur d’activité n’est exclu du processus d’analyse », peut-on lire dans une réponse donnée par email.
QScale n’est pas seul dans cette situation. Un autre opérateur de centre de données, Vantage Canada, a rencontré le même problème en 2023.
QScale pourrait-il faire des affaires à l’extérieur de la province, voire aux États-Unis ? « On ne peut pas dire qu’on ne le fera jamais, mais notre vision était vraiment de faire ça au Québec, dans un endroit où le climat est froid, où l’énergie est verte et où on crée de la valeur pour nos citoyens », répond Martin. Bouchard.
« La réalité est que les gens n’arrêtent pas d’utiliser Internet et l’intelligence artificielle. Donc, au lieu que le prochain site de traitement de l’intelligence artificielle soit créé au Québec, cela se fera aux États-Unis dans une centrale au charbon et nous trouvons cela très triste», ajoute Martin Bouchard, citant également des inquiétudes quant au stockage de données sensibles à l’échelle internationale. .
Le projet de serre avance
QScale a toujours mentionné vouloir récupérer la chaleur émise par ses centres pour que les mégawatts aient une seconde vie, allant même jusqu’à acheter des terres agricoles autour de son centre de Lévis en prévision de ces développements. L’entreprise passe des paroles aux actes. Tomates, laitues et petits fruits devraient être cultivés sous serre sur plus de 40 hectares grâce à la chaleur récupérée des phases 1 et 2 du centre de traitement informatique. Les serres seront situées à environ 1 km de QScale. Le projet est dirigé par André Gosselin, agronome à la retraite de l’Université Laval et producteur de Fraises de l’Île d’Orléans. Une seule chose reste à résoudre : la serre attend… l’approbation d’un bloc d’énergie de 12 mégawatts pour faire fonctionner des systèmes non chauffants, comme l’éclairage. «C’est la seule pièce qui manque, on espère que la réponse sera positive», mentionne Martin Bouchard.
QScale en bref
- Année de fondation : 2018
- Actionnaires : Martin Bouchard (président et co-fondateur), Vincent Thibault (co-fondateur), Dany Perron (co-fondateur), Investissement Québec, Desjardins Capital de risque et autres investisseurs privés principalement du Québec
- Siège social : Lévis
- Nombre d’employés : 57
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