Le groupe de presse et d’édition a annoncé dans un mail interne se retirer du projet controversé de rachat de l’école de journalisme parisienne, et renoncer à l’embauche de l’ancien collaborateur de Pierre-Edouard Stérin. Il déplore « une chasse à l’homme ».
La victoire est totale pour les salariés de Bayard qui ont fait chuter leur direction en seulement une semaine de mobilisation. Le groupe de presse et d’édition, notamment propriétaire du quotidien la Croixannoncé lundi dans un mail interne consulté par Libération qu’il a renoncé à deux décisions rejetées par les salariés. Qui craignait une intrusion de l’extrême droite dans cette maison fidèle à une ligne sociale catholique.
Premièrement, la participation controversée au financement de l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris sera revendue. Dans cette affaire, les salariés reprochaient à Bayard de s’associer au milliardaire ultraconservateur Vincent Bolloré. En effet, le projet lancé par l’entrepreneur Vianney d’Alançon vise, selon une partie prenante au dossier, à créer une école « économie non réveillée, favorable aux entreprises et au marché ». La revente de ces actions ESJ Paris « doit être confirmé par le Conseil de Surveillance » qui se tiendra mercredi, indique le mail interne de la direction de Bayard.
Défense insuffisante
Autre dossier volcanique aux yeux des syndicats du groupe : le recrutement annoncé d’Alban du Rostu, ancien collaborateur du milliardaire libertaire et d’identité catholique Pierre-Edouard Stérin, comme futur directeur de la stratégie et du développement de Bayard. Entre 2021 et juillet 2024, ce trentenaire a dirigé le Fonds du Bien Commun, une structure philanthropique développée par Pierre-Edouard Stérin. Alban du Rostu a indiqué avoir pris ses distances avec le milliardaire ces derniers mois. Mais les salariés lui ont vigoureusement critiqué sa participation au projet Périclès : selon des documents révélés par Humanité Lundi, son nom figurait dans un document listant les fondateurs de ce plan entrepris par Stérin pour financer et porter au pouvoir une alliance de la droite libérale et de l’extrême droite.
Le conseil d’administration du groupe Bayard, présidé par François Morinière, lui-même ancien collaborateur de Pierre-Edouard Stérin comme président de la Nuit du Bien Commun, indique en interne avoir proposé aux salariés de rencontrer Alban du Rostu, sans succès. . Finalement«conscient de la situation créée par sa nomination, [Alban du Rostu] proposé de renoncer à son entrée dans le groupeécrit la direction de Bayard dans sa communication interne. Nous saluons son grand sens des responsabilités, et convenons mutuellement de ne pas l’engager pour mettre fin à la campagne injuste dont il a été victime. Ses compétences reconnues dans les domaines du développement et ses grandes qualités humaines nous manqueront. Dans ce courriel interne, le conseil d’administration précise toutefois que le poste de directeur du développement sera pourvu prochainement.
“Chasse à l’homme”
Devant LibérationAlban du Rostu déplorait, en fin de semaine dernière, de se retrouver victime “une chasse à l’homme”se présentant comme “un bouc émissaire” et “une cible”tandis que les salariés de Bayard qui manifestaient jeudi après-midi brandissaient des pancartes “De Rostu, il n’y a pas de salut”, « Rostu à Bayard, l’extrême droite au pouvoir ». “C’est complotiste de penser que je suis envoyé par Pierre-Edouard Stérin pour racheter Bayard, qui est de toute façon une entreprise à mission intransmissible”a-t-il affirmé. Dans une chronique publiée dans la Croix le 28 novembre, François Morinière a également souligné l’importance de ces « dispositions légales ». Le groupe, qui appartient à la Congrégation des Augustins de l’Assomption, est en effet « une entreprise avec une mission » : « Par une disposition particulière demandée par le Vatican, la congrégation a déclaré l’œuvre entreprise par Bayard « patrimoine stable », ce qui la rend intransmissible. Bayard n’est pas à vendre”» a martelé le patron dans la tourmente. Largement insuffisant.
Pour les syndicats Bayard, le triomphe est donc total. «C’est un énorme cadeau de Noël. Nous saluons l’ampleur de la mobilisation qui a permis cette victoire, indicates Véronique Badets, section head at Pèlerin et délégué syndical CFDT chez Bayard. Ce sont les salariés, les auteurs, les lecteurs qui se sont mobilisés. C’est une victoire à 360 degrés. Ce week-end, 300 auteurs et illustrateurs publiés par Bayard et Milan (maison d’édition et de presse également propriété de Bayard) ont signé une tribune exprimant leur inquiétude. « valeurs conservatrices et réactionnaires » qui semblait « se propager à la direction du groupe » : “Nous soutenons la démarche des salariés et ne permettrons pas que nos œuvres soient exploitées au profit d’une stratégie contraire à nos valeurs”, » a annoncé cette chronique signée notamment par des auteurs comme Lewis Trondheim, Susie Morgenstern et Emmanuel Guibert.
Dans un communiqué diffusé lundi matin, l’intersyndicale du groupe (CFDT, CFTC, CFE-CGC-CSN, CGT, SNJ) remercie les salariés pour leur mobilisation : “Une très belle victoire pour un très bon combat qui a souligné le degré d’engagement des salariés autour des valeurs fondamentales de Bayard : humanisme, solidarité avec tous, ouverture envers les autres, tolérance, dialogue notamment.” « Mais il faut rester méfiant, souligne Bruno Arbesu, délégué syndical CGT. Ces deux décisions ont été prises par François Morinière, dont on sait la proximité avec un catholicisme très conservateur. Nous ne savons pas encore quelles étaient les intentions implicites derrière ces décisions. C’est à nous de rester vigilants.»
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