Après la Colombie-Britannique, la plateforme Uber a lancé cette semaine en Ontario un nouvel algorithme qui modifie la rémunération de ses chauffeurs. Les militants craignent qu’avec ce système d’intelligence artificielle, les courses coûtent plus cher aux consommateurs et les travailleurs soient moins payés.
George Wedgeun chauffeur Uber à Toronto, recevait auparavant un montant calculé à la fin du trajet, en fonction de la distance et de la durée du trajet. Mais, depuis plusieurs jours, c’est un algorithme qui détermine combien il va gagner.
Nous n’avons aucune idée de commentIA décidera de nous payer.
Uber a trouvé un moyen de consommer une plus grande part de nos revenus
dit-il.
Le nouvel algorithme calcule le montant de l’avance en fonction, entre autres, de l’heure de la journée et de la semaine, de l’offre et de la demande – y compris à destination – et des données d’itinéraires similaires.
George Wedge, un chauffeur Uber à Toronto, craint que le nouveau système ne réduise ses revenus.
Photo : Radio-Canada / Joe Fiorino
Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, Uber affirme que cette approche permet de mieux équilibrer le marché
et assurez-vous qu’il y a suffisamment de chauffeurs pour répondre à la demande à tout moment de la journée. L’entreprise ajoute que ses chauffeurs connaissent mieux les trajets qui leur sont proposés avant de les accepter.
Ce système offre aux conducteurs plus de transparence et de choix lorsqu’ils décident de faire ou non un voyage.
déclare Keerthana Rang, directrice des communications chez Uber Canada.
Le porte-parole souligne que ces changements font suite à des consultations auprès des chauffeurs et du Syndicat uni des travailleurs et travailleuses de l’alimentation et du commerce, qui ont signé une entente en 2022 pour représenter les chauffeurs et coursiers canadiens en cas de litige avec Uber.
Viet Vu, directeur de la recherche économique chez Dais, un groupe de réflexion sur les politiques publiques de l’Université métropolitaine de Toronto, estime qu’une meilleure gestion de l’offre et de la demande pourrait réduire les périodes de hausse des tarifs (hausse des prixen anglais), ce qui serait bénéfique pour les consommateurs.
Même si l’approche d’Uber se veut plus transparente, l’algorithme reste secrète
note-t-il.
Même si les conducteurs savent exactement combien ils sont payés, ils ne connaissent pas les facteurs qui ont été utilisés pour le calculer. Cela leur laisse donc très peu de marge pour réellement comprendre et optimiser leurs horaires de travail.
explique l’expert en nouvelles technologies.
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Viet Vu, de la Toronto Metropolitan University, salue l’idée de mieux informer les conducteurs à l’avance, mais estime que la formule de rémunération reste trop opaque.
Photo : La Presse Canadienne / Jonathan Hayward
Baisse des revenus aux Etats-Unis ?
Ce modèle de rémunération, déjà en place depuis deux ans aux Etats-Unis, suscite la grogne parmi les chauffeurs Uber. Beaucoup d’entre eux postent sur les réseaux sociaux qu’ils gagnent moins d’argent depuis ce changement.
Une étude de l’Université de Columbia a montré que le revenu moyen par voyage a chuté d’environ 12 % au premier trimestre 2023, peu de temps après que l’entreprise ait mis en œuvre son nouvel algorithme sur ses marchés américains.
Uber n’a pas commenté cette analyse, mais l’indique dans un article de blog (Nouvelle fenêtre) publié en décembre 2023, que le revenu médian de ses conducteurs aux États-Unis avait augmenté de 30 % en six ans.
Brendan Agnew-Ilerde la coalition RideFair Toronto, une organisation défendant les droits des travailleurs sur des plateformes comme Uber et Lyft, est indignée que ce changement s’infiltre au Canada.
C’est très inquiétant. Les chauffeurs ne gagnent déjà pas le salaire minimum. Après cela, ils gagneront encore moins.
Ce modèle de rémunération existe aussi, depuis le mois dernier, en Colombie-Britannique, où les travailleurs à la demande doivent être payés au moins 20,88 $ de l’heure, à partir du moment où ils acceptent leur mission jusqu’au moment où cette dernière est terminée.
La coalition RideFair craint également qu’avec le recours à l’intelligence artificielle, les conducteurs n’auront pas tous droit à la même rémunération pour un même travail. Cela semble changer à chaque voyage, chaque conducteur, chaque jour. C’est impossible de vivre ta vie comme ça
déclare le porte-parole Brendan Agnew-Iler.
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Brendan Agnew-Iler, porte-parole de la coalition RideFair Toronto.
Photo : Radio-Canada / Joe Fiorino
L’organisme Une union plus parfaite a réuni sept chauffeurs américains dans une même salle pour tester cette hypothèse (Nouvelle fenêtre) : ils ont découvert qu’Uber leur proposait des montants différents pour un même trajet, notamment les trajets les plus longs. Les variations de prix étaient encore plus évidentes chez Lyft, qui utilise un outil similaire.
Les conducteurs se sont vu proposer les mêmes trajets pour des montants différents. Il existe clairement une discrimination salariale qui se manifeste par leIA
affirme Earla PhillipsChauffeur Uber à Toronto et vice-président du groupe des chauffeurs Association des conducteurs de covoiturage de l’Ontario.
Une nouvelle loi bientôt en vigueur
Le gouvernement de l’Ontario n’a pas souhaité commenter ce nouveau modèle de rémunération ni répondre aux questions précises de Radio-Canada. Dans un court communiqué envoyé par courriel, le ministère du Travail rappelle que la province a adopté une loi pour encadrer les droits des travailleurs des plateformes numériques, qui entrera en vigueur en juillet 2025.
Ces nouvelles protections garantiront un salaire minimum pour les heures travaillées, la transparence sur les missions et le droit d’obtenir des explications sur le fonctionnement des algorithmes, y compris sur le mode de calcul de la rémunération.
dit le ministère.
Earla Phillips demande à la province de prendre des mesures immédiates contre cette pratique de rémunération qu’elle juge injuste et discriminatoire. Cette loi a reçu la sanction royale il y a plus de deux ans et n’est toujours pas entrée en vigueur
se lamente-t-elle.
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