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un frontalier a passé un an à tout analyser

« J’ai tout lu et entendu tout et son contraire sur les voitures électriques. Au point où je me suis dit que les impressions ne suffisaient pas et qu’il fallait comparer les sensations avec les chiffres sur la première année d’utilisation. C’est ainsi que Cédric Mauny, 45 ans et actif dans la cybersécurité au sein de la société Proximus Luxembourg, présente la petite étude personnelle qu’il a réalisée, puis publiée le 16 septembre.

« En matière de cybersécurité, il existe un adage : «Nous ne pouvons pas gérer ce que nous ne pouvons pas mesurer ». Ce que je traduirais, en français, par « on ne peut pas gérer ce qu’on ne connaît pas » » ajoute-t-il lorsque nous le rencontrons début octobre. Un précepte très présent chez lui, au-delà même de son œuvre. « Après, je ne sais pas si c’est dû au fait que je fais ce métier ou si je fais ce métier parce que c’est un principe qui correspond à ma personnalité… » sourit-il.

Pourtant, ce frontalier, originaire de la région orléanaise mais qui a fait toute sa carrière au Luxembourg, a pris l’habitude de collecter toutes les données fournies par ses véhicules. Et ce depuis sa première voiture, acquise en 2006. Ainsi, pour les huit véhicules thermiques qu’il a eu en sa possession, il a « enregistré chaque déplacement à la pompe, au péage, au garage, au lave-auto, ou même à chaque changement de pneu. Oui, on peut dire que j’aime l’analytique», s’amuse celui qui vit sur le territoire français, à une trentaine de kilomètres de son lieu de travail luxembourgeois.

Alors, lorsque vous avez commencé à conduire une voiture électrique, en mai 2023, on imagine que réaliser cette petite étude était une évidence…

Oui, j’ai simplement continué à collecter les données comme je le faisais auparavant. Sauf qu’un véhicule électrique est, par nature, encore plus connecté que son équivalent thermique. Et cette application qui l’accompagne offre beaucoup plus de données. Ces derniers sont également plus précis. J’ai donc collecté toutes les données basées sur mon utilisation pendant une année complète, précisément entre le 22 mai 2023 et le 23 mai 2024. Avant de les analyser.

Près de 80 % du temps, ma voiture se chargeait silencieusement pendant que j’étais occupé à la maison ou que je dormais.

Après avoir lu votre étude, on se dit que la principale conclusion à tirer est que si l’on acquiert une voiture électrique, il faut garder en tête qu’il va falloir adapter sa façon de conduire. Ou, en d’autres termes, que nous ne pouvons pas nous comporter avec un véhicule électrique comme avec un thermique…

Pour moi, il faut avant tout être cohérent. La voiture électrique doit donc être compatible avec votre style de vie. J’entends souvent dire que « l’électrique, c’est de la foutaise », que « ça ne marche pas ». Alors que leur inquiétude vient surtout du fait qu’une voiture électrique ne correspond pas à leur vie. Je prends un exemple : si vous habitez à 220km de votre lieu de travail et que vous n’avez pas de capacité de recharge en journée, il sera forcément problématique de faire l’aller-retour avec une seule charge. Parce que l’autonomie de votre véhicule peut ne pas être suffisante pour couvrir la distance. De la même manière que si votre objectif est de parcourir 1 000 km d’un seul coup, l’électrique ne conviendra pas non plus. Mais qui pense encore aujourd’hui qu’il parcourra 1 000 km d’un coup ? Tout le monde a désormais compris qu’il est dangereux de ne pas s’arrêter toutes les deux heures…

“Quand on regarde le réseau de bornes électriques au Luxembourg, j’avoue que je ne comprends pas ceux qui disent qu’on ne peut pas rouler électrique ici”, explique le frontalier. © PHOTO : Gilles Kayser

La base pour pouvoir rouler sans souci avec une voiture électrique n’est-elle pas d’avoir une borne de recharge à la maison ?

Oui, c’est l’essentiel à mes yeux. On peut recharger avec une simple prise électrique, mais c’est lent. Très lent. Genre 1% d’autonomie par heure. Le terminal est donc un « must ». Ainsi, j’ai déterminé que, sur mon année d’utilisation, 53% de mes recharges étaient effectuées à domicile. Et ceux-ci représentaient 79% du temps de recharge total de ma voiture sur cette période. Ainsi, près de 80 % du temps, ma voiture se chargeait silencieusement pendant que j’étais occupé à la maison ou que je dormais.

Le seul moment où j’ai dû attendre, c’était à l’entrée d’une pompe à essence… car la file des voitures thermiques voulant faire le plein était si longue qu’elle empêchait les voitures électriques d’accéder aux bornes.

L’une des plus grandes réticences des gens est de ne pas trouver de borne de recharge et donc de se retrouver à court de carburant…

Quand on regarde le réseau de bornes électriques au Luxembourg, j’avoue que je ne comprends pas ceux qui disent qu’on ne peut pas rouler électrique dans notre pays. Ils sont partout ! Je vois vraiment la différence lorsque je retourne voir mes parents, qui habitent dans le centre de la France. Ils n’ont pas de borne chez eux et la première est à 25 km de chez eux… Mais, au final, ça se passe très bien aussi. Cela demande juste un peu d’organisation.

Cela rejoint un peu la fameuse question que se posent tous ceux qui envisagent de passer à l’électrique : mais comment partir en vacances avec un électrique ?

Avec une voiture électrique, on ne monte plus dans sa voiture sur un coup de tête pour faire un long voyage en se disant que la carte bancaire en poche suffira à faire le plein en cas de besoin. Car l’inattendu peut devenir problématique. Il faut donc s’organiser, comme je l’ai dit. Mais soyez également prêt à vous adapter et sachez le faire sans paniquer lorsque vous n’êtes pas sur votre territoire habituel. Par exemple, vous faites vos achats dans des magasins où vous savez que vous pouvez recharger votre voiture. Alors, si je prends mon cas personnel, je connais par cœur tous les magasins Lidl à proximité de mes parents… (il sourit, ndlr). Mais, c’est comme tout, plus on pratique, plus les barrières ont tendance à disparaître devant soi.

Pour revenir à votre question, lorsque vous partez en vacances, vous empruntez majoritairement les autoroutes. Et, à ce niveau-là, il n’y a pas de problème : on trouve des bornes de recharge partout. L’ordinateur de bord prédit même vos options d’arrêt.

Un « supercharger » tous les 60 km en Europe en 2030

En juillet 2023, le Conseil de l’Union européenne a adopté le texte d’un nouveau règlement visant à « augmenter le nombre de bornes de recharge et de ravitaillement au sein de l’UE ». Celui-ci prévoit notamment que chaque État membre devra équiper au moins 50 % de son réseau autoroutier d’une borne de recharge de type « supercharger » tous les 60 km d’ici le 31 décembre 2027 au plus tard. Les 100% devant, quant à eux, seront atteints d’ici le 31 décembre 2030.

J’ai aussi souvent entendu la critique suivante : « oui mais il faut attendre que ta voiture recharge ». Vous voulez que je vous le dise : le seul moment où j’ai dû attendre, c’était à l’entrée d’une pompe à essence… car la file de voitures thermiques voulant faire le plein était tellement longue qu’elle empêchait les électriques d’accéder aux bornes qui étaient libres. Et ce qui m’a fait sourire, c’est que les gens qui avaient fait la queue pour avoir de l’essence le faisaient une deuxième fois au fast-food pour manger. Alors que j’ai eu le temps de le faire pendant que ma voiture était en charge.

Vous parlez peu dans votre article de votre type de véhicule…

Parce que c’est un modèle assez cher, ce qui me donne une très grande autonomie pour un électrique : 600 km. Quand j’y pense, je me dis qu’au moment de choisir, j’ai été fortement influencé par mes 16 années de conduite d’une voiture thermique. Inconsciemment, j’avais besoin d’un véhicule avec une autonomie aussi proche que possible de ce que je connaissais. De ce fait, je dispose d’une batterie très grosse et lourde, alors que 80 % de mes trajets effectués en un an faisaient moins de 236 km. 99% sont même en dessous de 362 km. C’est une autonomie dont dispose désormais tout véhicule électrique. En douze mois, je n’ai dépassé qu’une seule fois les 75% de l’autonomie de ma batterie…

Ma consommation est d’environ 5,50 euros aux 100 km. A titre de comparaison, pour être compétitif, le prix du diesel devrait être de 0,7 euro/litre.

Alors votre prochaine voiture aura moins d’autonomie ?

Je ne sais pas… En même temps, la technologie évolue si vite qu’on n’a pas encore une idée aujourd’hui de ce qui sera la norme demain.

Son année en 4 chiffres
  • 20.857. Ou le nombre de kilomètres parcourus en un an par Cédric Mauny.

  • 563. Le nombre d’heures de recharge de sa voiture, en 137 charges.

  • 154. Le nombre moyen de kilomètres parcourus entre deux charges.

  • 1.168. Le montant en euros payé pour recharger votre voiture durant cette année.

Et en termes de coût d’usage, à quel niveau vous situez-vous par rapport à une voiture thermique ?

D’après mes données, sur l’année que j’ai prise comme référence, ma consommation a évolué autour de 5,50 euros aux 100 km. A titre de comparaison, pour être compétitif, le prix du diesel devrait être de 0,7 euro/litre (il est plus ou moins le double aujourd’hui, ndlr). Après, c’est une évaluation propre à chacun. Cela dépend de nombreux facteurs. À commencer par votre type de conduite. Le mien est très silencieux et consomme donc peu.

Et puis, ce coût dépend aussi de la vitesse de recharge. Au niveau de ma limite personnelle, je dois être aux alentours de 4 euros/100 km. Là où sur un « supercharger », on dépasse facilement les 10 euros/100 km et cela peut monter jusqu’à 15 euros/100 km.

La fiscalité liée à l’avantage en nature est mensuellement bien moindre. J’en sors vraiment gagnant.

Entre le prix d’achat du véhicule et l’installation de la borne, avez-vous calculé si vous couvrirez un jour vos frais ?

Non, je ne l’ai pas fait. Car là aussi, beaucoup de choses entrent en jeu. Comme le fait que ma voiture soit louée par un professionnel. Mais, selon un rapide bilan, en gros, j’économiserais entre 1 000 et 1 100 euros par an par rapport à avant.

Pourquoi avez-vous décidé de passer du thermique à l’électrique ?

Peut-être un peu pour des raisons environnementales. Pour le confort aussi, ce silence et l’absence de vibrations dans la voiture étant très agréables. Même si, sur autoroute, cela ne change rien au bruit environnant…

Et puis, il y a le facteur financier qu’il ne faut pas occulter. Grâce à l’aide de l’État luxembourgeois pour les véhicules électriques, j’ai pu obtenir un véhicule bien plus haut de gamme pour le montant de mon leasing que ce qui aurait été possible avec des véhicules thermiques. Sans compter que la fiscalité liée à l’avantage en nature est bien moindre mensuellement. J’en sors vraiment gagnant.

Vous n’envisagez donc pas de passer de l’électrique au thermique ?

Je ne pense pas. C’est personnel mais j’avoue que l’idée de devoir retourner à la pompe à essence me rend malade. Devoir y aller, faire la queue, les odeurs, devoir aller payer… Alors qu’ici, je rentre chez moi, je branche ma voiture en dix secondes chrono et je suis bien jusqu’au lendemain matin.

Pour en savoir plus, consultez l’article ici.

 
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