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“Je suis très triste mais je ne me sens pas responsable”, assure le fondateur de la librairie Marc Filipson

Une entrée en entonnoir

Tout a commencé il y a 42 ans lorsque Marc Filipson, alors enseignant, faisait des heures supplémentaires dans une librairie de la rue de l’Industrie à Bruxelles, qu’il a reprise à moindre coût au bout d’un certain temps. La librairie sera expropriée quelques années plus tard et déplacée Avenue des Arts (où se trouve le magasin actuel). Dès le début, Marc Filipson a porté une grande attention à l’hospitalité. «Je voulais une entrée en entonnoir, comme les magasins de chaussures. C’est ma méthode de travail. Dès le premier jour, j’ai proposé un café en début de journée et un porto en fermeture. J’avais envie de partager mon plaisir », dit-il.

Malaise chez Filigranes : « Nous n’avons pas été assez écoutés dans les décisions cruciales »

Autre idée phare : accorder 20 % de réduction sur les livres. «J’ai été le premier à le faire» assure-t-il. Cela lui permet de se faire connaître. De 20 m2, elle passe à 180 m2. “C’était une belle vie.” Un incendie en 1992 l’oblige à s’installer quelques mois dans des containers qui arborent de grandes bâches au nom de Filigranes vues par tous les automobilistes circulant sur l’avenue des Arts. Il a réinstallé le bâtiment qui appartient au groupe Unibra, propriété de la famille Relecom. Elle passe de 180 à 2 700 m2. Nous sommes à la fin des années 90, début des années 2000. Ouvert même le dimanche, Filigranes est devenu le lieu incontournable. Les écrivains accourent pour signer leurs livres. “Je recevais jusqu’à un auteur par jour”, glisse Marc Filipson.

“Le début de la fin”

Fort de sa réussite, il recrute de toutes ses forces. De cinq salariés les premières années, il est passé à plus de 50, ce qui a entraîné un changement dans la commission paritaire (de 201 à 301). Les salariés passent au régime des 35 heures au lieu des 38 heures mais en gardant le même salaire. «Je me suis trop engagé», reconnaît Marc Filipson. Il est quasiment seul à bord pour prendre les décisions de gestion. Et quand il délègue, il constate : « Je n’ai pas eu la chance de trouver les bonnes personnes. Bien déléguer, c’est compliqué.

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« Nous avons perdu 8 % de notre chiffre d’affaires, soit 1,8 million d’euros. C’était le début de la fin.

Un premier coup dur a été porté avec le vote, en 2017, du décret relatif à la protection culturelle du livre. Ce décret comporte deux parties. Un : un prix unique pour le même livre, quel que soit le lieu de vente. Deux : la disparition progressive de la tabelle, qui permettait aux distributeurs en Belgique de répercuter une partie des coûts liés à la vente des livres publiés en France.

« Nous avons perdu 8 % de notre chiffre d’affaires, soit 1,8 million d’euros. C’était le début de la fin. » dit Marc Filipson. Qui ne manque pas non plus d’invoquer le plan de mobilité Good Move.

L’année 2020 est marquée par la crise sanitaire. Marc Filipson dit “avoir combattu” afin que les livres soient considérés comme des biens d’utilité publique et que les librairies restent donc ouvertes. Cette bataille gagnée n’a cependant pas empêché une baisse de fréquentation due au télétravail des clients, notamment de la Commission européenne. La situation est d’autant plus compliquée que le pouvoir d’achat est érodé par la hausse des coûts de l’énergie suite au début de la guerre en Ukraine. Ce qui a également fait grimper les prix et donc les salaires en raison de l’indexation automatique.

Contexte délétère

Et puis il y a eu le coup fatal, à savoir les plaintes pour harcèlement contre Marc Filipson dont le caractère controversé a créé un grand malaise. « Ce dénigrement est en partie responsable de ce que je vis. Le staff, en quelque sorte, s’est tiré une balle dans le pied. » commente l’intéressé. Un avis que ne partage pas l’actuelle PDG, Véronique Croisé. Ce dernier soulignant que les salariés ne sont en aucun cas responsables du PRJ.

C’est dans ce contexte délétère et à la demande du personnel qui souhaitait un changement de direction que Véronique Croisé, chef d’entreprise aguerrie et notamment propriétaire des papeteries de Nias, a été nommée PDG en 2022. « Le cœur de métier fonctionnait bien, mais l’entreprise s’était développée sans organisation. Il n’y avait pas d’équilibre financier. Marc a créé trop d’emplois. On peut évidemment lui reprocher, mais il a voulu bien faire”, nous explique-t-elle. Tout en ajoutant qu’en arrivant, elle s’est dit “que c’était un désastre”. La PDG avoue « avoir mal » lorsqu’elle apprend qu’il n’y a pas de concertation sociale, faisant allusion à un récent communiqué des déléguées syndicales de la CNE-CSC, qui soulignait également la «mauvaise gestion de notre librairie».

Les librairies Filigranes ont quatre mois pour trouver un repreneur et éviter la faillite. “Nous espérons trouver une solution.”

Depuis que Véronique Croisé est ici, une nouvelle convention collective a été signée. Le stock de livres a été revu à la baisse. Cela a permis de libérer un million d’euros. « Ce sont les libraires qui estimaient eux-mêmes combien de livres étaient à vendre. Ils sont devenus managers. Nous travaillons ensemble », insiste-t-elle. En quelques années, l’entreprise est passée de 70 équivalents temps plein (ETP) à 40 ETP actuellement et de 120 à 30 contrats étudiants pour un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros (pour les trois magasins, deux à Bruxelles et un à Knokke).

Ce travail de réorganisation n’a cependant pas sauvé l’entreprise. « Nous ne pouvons pas payer les dettes du passé »explique le PDG. Ne pas avoir réussi ce défi l’a évidemment déçue. « C’est un échec, je suis arrivé un peu tard. Je n’aurais pas pu faire plus. » nous confie-t-elle avec émotion.

Mais comme Marc Filipson, elle est convaincue que ce PRJ va redonner un nouveau souffle à la marque. «Je pense qu’avec 1,5 à 2 millions, les investisseurs peuvent créer de nouveaux Watermarks.« Et cette nouvelle vie se déroulera dans un autre lieu que l’avenue des Arts. Mais peut-être à nouveau avec Marc Filipson si les repreneurs décident de le garder comme consultant indépendant. Lui qui se dit convaincu que « les lecteurs sont toujours là. Mais l’accueil doit être là aussi. L’accueil est si important

 
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