ENQUÊTE – Mauvaise période pour les véhicules zéro émission : près de 8 Français sur 10 n’ont pas l’intention d’en acheter un dans les années à venir.
Ambiance passagère ou véritable lame de fond ? Personne ne le sait vraiment, mais dix ans avant l’interdiction de la vente de véhicules thermiques dans l’Union européenne, la nouvelle édition de l’étude Ifop réalisée pour l’automobile club et société mission Roole auprès d’un échantillon de 1002 personnes âgées de 18 ans et plus, ne le sait pas. préconisent le passage à des véhicules zéro émission. C’est un coup dur pour le régulateur mais aussi pour tous les acteurs du secteur qui investissent des milliards d’euros dans la transition écologique. L’étude montre clairement que les consommateurs sont perdus. Il faut dire que les signaux contradictoires ne cessent de se multiplier. Alors que l’Union européenne durcit ses normes en matière de pollution, obligeant les constructeurs à vendre toujours plus de véhicules électriques (VE), les États membres ont presque tous supprimé les aides à l’achat de ces modèles, toujours aussi chers. De même, les infrastructures peinent à progresser et rien n’est fait pour familiariser les automobilistes avec ces nouvelles technologies.
Le retrait américain de l’accord de Paris sur le climat ne milite pas non plus en faveur d’une accélération de la transition écologique et amène plus d’un à douter de la pertinence du maintien de l’échéance de 2035. Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé qu’elle lancerait un dialogue stratégique le 30 janvier avec l’industrie automobile européenne, les partenaires sociaux et l’ensemble du secteur. Au programme de cette conférence : l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 est-elle un objectif tenable pour l’industrie automobile ?
Si l’on se base sur l’Observatoire Ifop, les doutes sont permis. Selon l’étude, la société n’est pas convaincue du caractère écologique d’un véhicule électrique. 27% ne sont pas convaincus par le gain que cela apporterait par rapport à un véhicule thermique. Le nombre de Français qui n’ont pas l’intention d’acheter un véhicule électrique dans les années à venir a augmenté de 10 points en l’espace de deux ans pour flirter avec les 80 %. Pour beaucoup de personnes, passer à l’électrique, impliquant un changement d’habitudes, est source de stress. 86% des personnes interrogées jugent l’autonomie de la batterie trop limitée.
Des véhicules encore trop chers
C’est le prix jugé trop élevé qui arrive en tête de liste des freins à l’achat de véhicules électriques. Il n’est pas sûr que l’arrivée de véhicules aux alentours de 20 000 euros change la donne car ce sont des modèles très souvent cantonnés au registre de la seconde voiture puisque les prestations sont limitées : habitabilité et autonomie citadine ne dépassant pas 200 à 300 km. Mais force est de constater que la deuxième voiture familiale est de plus en plus souvent un véhicule d’occasion acheté pour moins de 12 000 euros. L’appauvrissement de la société se traduit par une réduction du budget automobile. 79 % des personnes interrogées estiment que les véhicules électriques sont réservés à une clientèle aisée ou aux trajets courts du quotidien. La volonté des mairies des grandes métropoles de limiter le rôle de la voiture, y compris celui des VE, ne milite pas en faveur de l’adoption de ces nouveaux modèles.
Seulement 2 % des personnes interrogées déclarent posséder un véhicule électrique. Pour eux, le sentiment de satisfaction est très fort et ils ne reviendraient pas. Ils reconnaissent ses performances supérieures aux véhicules thermiques (accélération et confort de conduite) ainsi qu’un coût d’entretien inférieur et un budget de recharge inférieur à celui des carburants. Un réel avantage si l’on recharge chez soi mais qui s’estompe en roaming où les prix sur les bornes rapides sont plus élevés. Par rapport à l’autonomie, les véhicules électriques perdent de leur pertinence sur autoroute. Sans compter que les jours de départ et de retour des vacances, vous risquez de vous retrouver à attendre votre tour. Quand on sait qu’il faut en moyenne 30 minutes pour recharger correctement un VE, si plusieurs véhicules se trouvent devant vous, le calcul plaide en faveur de l’essence.
-Globalement, l’image de la voiture électrique reste négative.
Jérôme Fourquet, Ifop
Que faut-il faire pour accélérer la transition ? 50 % des personnes interrogées militent pour une augmentation des aides financières, 38 % pour une réduction des temps de recharge et 34 % pour une meilleure disponibilité et fiabilité des infrastructures.
Le mot de la fin revient à Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégie d’entreprise de l’Ifop : « Globalement, l’image de la voiture électrique reste négative. Il est cependant intéressant de constater l’écart entre l’expérience vécue par les propriétaires de ces véhicules et l’image perçue. 80% des Français pensent que le coût est prohibitif, que c’est compliqué, qu’il n’y a pas de réelles économies sur l’énergie utilisée… alors que ceux qui sont passés à l’électrique ont un tout autre regard.»