La Banque du Canada a pris des mesures sans précédent pour contrer les impacts de la pandémie, avec des résultats positifs, mais elle aurait pu faire mieux, de son propre aveu et de l’avis d’un comité d’experts indépendants.
Publié hier à 6h00
La politique monétaire de la Banque du Canada durant la période pandémique lui a valu de vives critiques, notamment celle d’avoir mis trop de temps à hausser son taux directeur et d’avoir alimenté l’inflation, en plus d’avoir envoyé de mauvais signaux aux Canadiens.
Quatre ans plus tard, les dirigeants de la banque centrale acceptent une grande partie de ces critiques dans leur rapport publié vendredi et s’engagent à tirer les leçons de cette expérience inédite.
« Cet examen est pour nous un moyen important de responsabilisation et nous aidera à être mieux préparés et plus efficaces si le Canada devait faire face à une autre crise économique comme celle-ci », a commenté le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem.
Un comité d’experts indépendants mandaté par la banque pour évaluer son examen estime que la Banque du Canada n’a fait ni mieux ni pire que les banques centrales des autres pays industrialisés, mais qu’elle aurait pu mieux gérer la situation.
Comme d’autres banques centrales, la Banque du Canada a réagi à la menace pandémique en abaissant son taux directeur, de 1,75 % à 0,25 % en moins d’un mois. En même temps, elle a injecté massivement des liquidités dans le système financier en achetant des obligations du gouvernement du Canada, ce qu’on appelle l’assouplissement quantitatif, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant.
Dans son auto-évaluation, la Banque du Canada soutient que ces mesures, y compris l’assouplissement quantitatif, « n’ont pas à elles seules poussé l’inflation nettement au-dessus de 2 % ».
Échange d’informations
Au moment même où la Banque du Canada prenait des mesures exceptionnelles pour baisser les taux d’intérêt et injecter davantage d’argent dans le système financier, le gouvernement fédéral intervenait également massivement dans l’économie avec des programmes d’aide très généreux, comme la Prestation canadienne d’urgence, qui alimenté l’inflation.
Les trois experts, Pablo Hernández de Cos, ancien gouverneur de la Banque d’Espagne, Kristin Forbes, professeur à la MIT Sloan School of Management, et Trevor Tombe, professeur à l’Université de Calgary, estiment que la Banque du Canada aurait dû avoir de meilleurs échanges d’informations avec le gouvernement fédéral pour éviter d’en faire trop.
-Un meilleur échange d’informations avec le gouvernement aurait permis de mieux équilibrer l’intervention de la banque, souligne le comité d’experts, « même si ces deux politiques (monétaire et budgétaire) doivent rester indépendantes ».
Ces spécialistes se demandent aussi si la banque aurait pu baisser davantage son taux directeur, en dessous du seuil de 0,25% qu’elle considère comme un taux plancher, comme l’ont fait d’autres banques centrales, plutôt que d’avoir recours massivement au Quantitative Easing.
« Bien que les taux inférieurs à 25 points de base présentent des inconvénients importants », notent les experts, « existe-t-il des situations dans lesquelles des taux négatifs constitueraient une mesure de relance plus efficace que l’assouplissement quantitatif ? », demandent-ils.
Indications contraires
La Banque du Canada a mis du temps à relever son taux directeur et elle est l’une des banques centrales au monde qui l’a relevé le plus vigoureusement, avec des hausses sans précédent de 50 points et 100 points par décision. Elle faisait également partie de ceux qui l’ont réduit le plus rapidement.
Cette hausse plus énergique soulève des questions sur la fiabilité des prévisions de la banque et des indications qu’elle a données au marché lors de l’épisode pandémique, selon le comité d’experts.
Durant cette période chaotique, la Banque du Canada a utilisé pour la première fois un autre outil, l’orientation prospective exceptionnelle, qui visait à apporter une plus grande clarté aux marchés financiers. Elle a notamment annoncé que le taux directeur resterait à 0,25% « jusqu’à ce que les capacités excédentaires de l’économie soient absorbées, afin que l’objectif d’inflation de 2 % soit atteint de manière durable ».
Ces indications ont été interprétées par les marchés et le public « comme une garantie plus large » que les taux resteraient bas pendant une longue période. Cela ne s’est pas passé comme ça et les taux d’intérêt ont augmenté plus tôt que ce que la banque avait suggéré.
La Banque du Canada a déjà amélioré ses communications, notamment en publiant les procès-verbaux des discussions qui ont mené aux décisions sur le taux directeur, et elle s’engage à faire mieux.
La commission qui a examiné son rapport a fait plusieurs suggestions pour améliorer la transparence de ces activités, notamment en permettant à ses dirigeants de voter individuellement sur les décisions importantes et en offrant une meilleure visibilité sur sa trajectoire future, notamment en utilisant un diagramme à points comme celui de la Réserve fédérale américaine. .