L’eurodéputé et trublion des réseaux sociaux, le Chypriote Fidias Panayiotou est fier : il avait sa photo avec Elon Musk. Comme lui, quelques dizaines de parlementaires européens, le plus souvent d’extrême droite, sont fascinés par le controversé milliardaire américain.
Mardi, un débat est prévu dans l’hémicycle de Strasbourg sur les accusations d’« ingérence » visant Elon Musk en Europe, notamment en Allemagne, où le patron de X et Tesla a pris fait et cause pour l’AfD, le parti d’extrême droite, avant le vote. Élections de février. Une majorité de députés devraient critiquer l’interventionnisme de Musk et faire pression sur la Commission pour qu’elle sanctionne le réseau social X pour d’éventuelles violations du règlement numérique européen (DSA). Mais le trumpiste a aussi ses relais dans l’hémicycle.
Il y a d’abord les « mini-Muscs », comme les appelle une source parlementaire : une poignée d’eurodéputés antisystème qui collectionnent les abonnés et les polémiques sur les réseaux sociaux. Avant d’être élu, Fidias Panayiotou s’est fait connaître sur YouTube en multipliant les « câlins », les accolades extatiques avec des célébrités, dont Musk. “Je suis d’accord à 100% avec lui sur la liberté d’expression”, déclare à l’AFP cet élu de 24 ans, même s’il trouve parfois certaines positions américaines “agressives”.
Vêtu d’un sweat à capuche, le Chypriote demande de temps à autre à ses abonnés pour quoi ils doivent voter dans l’hémicycle au nom de la démocratie directe. Il veut « licencier 80 % des bureaucrates de l’Union européenne » et apparaît dans une vidéo sur « ce qu’on ne vous dit pas sur l’Ukraine ».
« Plus agressif » selon une source parlementaire, l’Espagnol Alvise Perez, influenceur d’extrême droite, se présente également comme un partisan d’Elon Musk au Parlement. Cet eurodéputé, qui n’a pas répondu à une sollicitation de l’AFP, multiplie les contenus provocateurs sur les réseaux sociaux, contre le gouvernement espagnol, l’immigration ou les vaccins. Et relaie les attaques d’Elon Musk contre le Premier ministre travailliste britannique Keir Starmer.
-Mais le soutien le plus structuré vient des trois groupes d’extrême droite ECR, Patriotes et Souverainistes, soit 187 élus sur 720 députés. A l’automne, l’extrême droite européenne a plaidé en vain pour décerner le prix Sakharov des droits de l’homme à Elon Musk pour sa contribution à la « liberté d’expression ». « C’était avant l’élection de Donald Trump. Et Musk n’était pas encore intervenu dans la politique nationale» en Allemagne, tempère une source au sein du Rassemblement national, le parti d’extrême droite français.
La relation avec Musk et Trump dépend des pays « au sein des Patriotes ». Les Hongrois, les Néerlandais et les Autrichiens sont de fervents partisans de Trump et de grands admirateurs de Musk » tandis que la « délégation française est davantage en retrait », affirme ce cadre du RN. Les positions trumpistes « contre l’immigration et le wokisme peuvent nous plaire » mais, sur le reste, « nous n’avons aucune naïveté, nous savons que ce sera « l’Amérique d’abord » et qu’ils défendront les Américains, quitte à piétiner l’Amérique. L’Europe», assure-t-il.
Le ver est dans le fruit
Début janvier, dans une lettre, les Patriotes appelaient encore le président du Parlement à prendre position sur les cas de viols et d’exploitation sexuelle au début des années 2000 au Royaume-Uni, l’un des thèmes utilisés par Elon Musk pour attaquer le Premier ministre britannique, ancien chef du parquet anglais. «Ils relaient le harcèlement d’Elon Musk contre Keir Starmer», dénonce la socialiste Chloé Ridel. Selon cet eurodéputé français, « le ver est dans le fruit » au Parlement européen. “Il y a une fascination pour Musk autour de l’histoire de l’entrepreneur à succès”, “une forme de complaisance de la part de l’extrême droite et au-delà”.
L’admiration pour le patron de SpaceX est évidente à l’ECR, où siègent les députés de Giorgia Meloni, la chef du gouvernement italien, qui revendique ses « excellentes relations » avec le « génie » Musk. Le groupe fait circuler une lettre ouverte appelant le président du Parlement à inviter Musk à la Chambre. Des élus d’extrême droite ont par ailleurs réclamé l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur la « censure des réseaux sociaux », relayant une nouvelle fois les accusations de Musk et du patron de Meta, Mark Zuckerberg, contre l’Union européenne.
Marginal au sein du groupe de droite du PPE, le Slovène Branko Grims a pour sa part plaidé pour l’attribution du prix Nobel de la paix à Elon Musk, l’érigeant une nouvelle fois comme un héros de la « liberté d’expression ».
(afp/eu)