Où va le GiFi ? Mi-novembre 2024, la direction du discounter officialise la recherche d’un repreneur face à d’importantes pertes. A 70 ans, son directeur et fondateur Philippe Ginestet a promis vouloir passer la main dans les meilleures conditions. Le chemin semble aujourd’hui très compromis compte tenu de l’ampleur des problèmes qui couvent dans la chaîne du bazar. C’est ce qui révèle à La Tribune salariés du distributeur lot-et-garonnais à la tête de 600 magasins.
Selon ces élus CFDT et représentants du CSE, mécontents d’être suffisamment informés sur l’évolution du dossier, l’entreprise est « en grave danger » compte tenu de sa situation financière. ” La configuration de l’empire Ginestet est complexe, on ne sait pas quantifier précisément la dette. Mais nous estimons que cela équivaut à notre chiffre d’affaires, environ un milliard d’euros. C’est un ratio très inquiétant pour une entreprise de notre secteur. », précise Laurent Mardaga, responsable CFDT et porte-parole de l’intersyndicale au comité social de l’entreprise.
Une situation qui a poussé la direction, soutenue par le comité interministériel de restructuration industrielle, à demander l’annulation de sa dette auprès des banques. Selon le média La Lettre, GiFi a obtenu l’abandon de 470 millions d’euros de dette auprès de trois banques prêteuses, en échange d’un plan de sauvetage de son dirigeant. Ce qui ne résout cependant pas tout.
Les représentants du personnel constatent une forte baisse d’activité : « Aujourd’hui, les performances commerciales ne sont pas bonnes. L’accord signé en mai entre M. Ginestet et le tribunal [en l’occurrence une procédure de conciliation, ndlr] n’a pas parlé de plan de restructuration car il ne prévoit pas de baisse d’activité. C’est là que réside le problème.expliquent, inquiets, Pierre Laffore et Fabrice Brun, également syndiqués à la CFDT. En 2023, l’enseigne enregistre un chiffre d’affaires en baisse de 13%, à 1,3 milliard d’euros, malgré l’ouverture de nouveaux magasins.
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Départs d’employés
La crainte d’un plan social pèse lourdement sur les salariés, alimentée par une question persistante : GiFi devra-t-il recourir au redressement judiciaire pour retrouver une stabilité financière ? L’incertitude reste totale. Contacté, l’avocat de la marque n’a pas répondu.
Sur le terrain, les départs de salariés ont déjà commencé selon les représentants du personnel. En un an, le siège historique de Villeneuve-sur-Lot, qui abrite une centrale d’achat et un dépôt, aurait connu une centaine de départs volontaires parmi les 920 personnes encore employées fin 2023. L’ambiance est très mauvaise, les salariés en ont marre de vivre dans l’anxiété, ils ont l’impression d’être dans un bateau qui va coulertémoigne Pierre Laffore. On finit par vouloir un plan social plutôt que de rester dans la situation actuelle. La direction pourrait très bien choisir de laisser la situation se dégrader pour pousser aux départs. »
La question de la masse salariale est l’un des leviers pour régler la situation de l’entreprise. La direction pourrait y être contrainte car elle a déjà bénéficié d’un rééchelonnement de sa dette auprès de l’Etat et des partenaires financiers en mars 2024. GiFi avait alors fait appel à l’aide de Bercy et de son comité interministériel de restructuration industrielle après avoir rencontré des difficultés sans précédent liées à un logiciel. changement.
Un patrimoine immobilier précieux
L’intégration de ce nouvel ERP (Integrated Management Software Package) s’est déroulée de manière chaotique, provoquant l’arrêt des systèmes d’information de l’entreprise à l’été 2023. GiFi s’est retrouvé dans le flou pendant plusieurs semaines. « Ne plus savoir ce qu’on a dans nos stocks devient très vite ingérable. Vous n’avez plus de vision de votre approvisionnement, vous ne savez pas ce que vous achetez, ce qu’il y a dans vos entrepôts et dans vos magasins, c’est le chiffre d’affaires qui disparaît, empile Jean-Paul Crenn, président du cabinet de conseil Vuca Strategy et spécialiste du e-commerce. Si l’été vous manque, vous avez tout votre stock sous la main. Comme il est encombrant, les frais de stockage sont très élevés. Mais le problème, c’est la rotation. Et si vous n’avez pas les produits dont les gens ont besoin, ils vont ailleurs.»term-t-il.
Ce blocage logiciel a donc provoqué des pertes très rapides pour la marque qui a le commerce physique dans l’ADN. De quoi faire vaciller sa domination au profit du concurrent néerlandais Action, qui ouvre des magasins comme un fou, avec plus de 800 points de vente en France et des prix cassés. Un nom évoqué parmi les candidats potentiels au rachat mais les candidats ont, semble-t-il, tous jeté l’éponge face à la complexité du dossier.
L’agencement immobilier des magasins GiFi rendait la tâche particulièrement complexe puisque Philippe Ginestet possède, en son nom propre, plusieurs centaines de magasins et contrôle l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, disposant notamment d’une centrale d’achat en Chine. ouvert en 2007. La somme des loyers payés par les magasins équivaut à la masse salariale. Sa volonté de préserver le patrimoine immobilier pourrait faire dérailler la vente », estime l’un des salariés. Et laisserait entendre que le patron est le seul capable d’assurer la continuité de l’activité.
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