La juridiction financière recommande donc de « suspendre » la décision définitive d’investissement du programme EPR2 jusqu’à ce que son financement soit assuré et que des études de conception plus approfondies aient été réalisées.
La France est encore “loin d’être prête” à réaliser son programme de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR2 en raison des incertitudes financières et techniques qui entourent ce projet porté par EDF, selon un rapport de la Cour des comptes publié mardi. La juridiction financière recommande donc de « suspendre » la décision définitive d’investissement du programme EPR2 jusqu’à ce que son financement soit assuré et que des études de conception plus approfondies aient été réalisées.
Le secteur français a commencé à s’organiser mais il est “loin d’être prêt et doit encore surmonter de nombreux défis, dont certains sont préoccupants”, juge la Cour des comptes dans son rapport. «(Les) retards et incertitudes […] réduire la visibilité dont les acteurs du secteur ont besoin pour s’engager dans des projets industriels d’une telle ampleur et obtenir des financements », ajoute la Cour, qui prévient : « L’accumulation de risques et de contraintes pourrait conduire à un échec du programme EPR2. »
EDF a réagi en indiquant que la définition des modalités de financement et de régulation avec l’Etat était “un préalable” à sa décision finale d’investissement, qu’elle avait précédemment indiqué envisager pour début 2026.
Le rapport de la Cour des comptes constitue l’alerte la plus sérieuse depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé la construction de six EPR2 début 2022, sans préciser le financement de ce projet qui démarrerait en 2027 ou 2028 et s’étendrait sur près d’un quart d’année. siècle. Le coût de construction de six EPR2 était estimé à 51,7 milliards d’euros en 2022, un montant qu’EDF a sensiblement augmenté en 2023, à 67,4 milliards. Le groupe, dont l’Etat est redevenu actionnaire unique en 2023, a depuis travaillé à une « optimisation » du devis, qu’il avait prévu de soumettre au gouvernement fin 2024.
« Mauvaise » rentabilité de l’EPR de Flamanville
Après un précédent rapport publié en 2020 qui recommandait de calculer la rentabilité prévisionnelle de l’EPR de Flamanville 3 (Manche) et de l’EPR2 et d’en assurer le suivi, la Cour des comptes constate que sa demande n’a pas été suivie d’effet. Elle évoque la rentabilité « médiocre » de l’EPR de Flamanville, raccordé au réseau fin 2024, sur la base d’un coût total qu’elle estime à environ 23,7 milliards d’euros coût de financement compris, alors qu’EDF a pris l’habitude de communiquant uniquement le coût de la construction, réévalué à 13,2 milliards fin 2022.
EDF a de son côté souligné mardi que la compétitivité du programme EPR2 dépendrait en partie de l’accord qui sera trouvé avec l’Etat et la Commission européenne sur son plan de financement. En amont de l’autorisation de Bruxelles, “compte tenu des investissements importants déjà réalisés par l’entreprise avec le secteur, du contexte économique et politique de hausse des coûts à venir”, EDF estime nécessaire de conclure avec l’Etat “un contrat préalable qui fixe le cadre des investissements à financer dans le cadre de ce programme ».
Evoquant les projets d’EDF de nouveaux réacteurs au Royaume-Uni, la Cour des comptes a rappelé que le groupe est confronté à « une augmentation considérable » des coûts à Hinkley Point et au retrait de son coactionnaire chinois CGN en 2023, ce qui fait du français le aujourd’hui seul financeur du projet. Elle juge ainsi « préoccupant de constater qu’aucune solution n’a encore été trouvée à ce jour » et recommande de « ne pas approuver une décision définitive d’investissement d’EDF en […] Sizewell C avant d’obtenir une réduction significative de l’exposition financière d’EDF » à Hinkley Point C.
Selon le Financial Times mardi, la facture pour la construction de Sizewell C pourrait grimper jusqu’à 40 milliards de livres (47,6 milliards d’euros), soit près du double de l’estimation initiale d’EDF. Le groupe a rappelé que sa contribution au financement de Sizewell C était soumise au respect de certaines conditions, notamment le plafonnement de sa participation à 20 %.
La Cour a également recommandé de veiller à ce que tout nouveau projet international dans le secteur nucléaire « génère des synergies chiffrées avec le programme EPR2 et ne ralentisse pas le calendrier de ce programme en France ».