(Agence Ecofin) – Le marché du nickel traverse une période de turbulences, alors que l’Indonésie, premier producteur mondial, veut réduire drastiquement sa production. Si cette annonce inquiète, elle pourrait aussi offrir une fenêtre d’opportunité pour l’Afrique où des pays comme Madagascar et le Botswana ambitionnent de jouer un rôle de premier plan dans l’industrie mondiale.
L’Indonésie prévoit de réduire ses quotas d’extraction de nickel de 272 millions de tonnes en 2024 à seulement 150 millions de tonnes en 2025, soit une baisse potentielle de près de 45 %. Selon des précisions relayées cette semaine dans la presse internationale, cette décision serait motivée par la volonté de soutenir les prix après deux années consécutives de baisse et pourrait conduire à une réduction de plus d’un tiers de l’offre mondiale de ce métal critique. Pour les analystes du groupe Macquarie, cités par Bloombergcette réduction, si elle se matérialisait, entraînerait une hausse des prix du nickel sur les marchés internationaux.
Baisse des prix en 2024 et perspectives pour 2025
2024 a été une année globalement baissière pour le prix du nickel. En novembre 2024, le prix du nickel a même atteint son plus bas niveau depuis 4 ans, soit 15 540 dollars la tonne. Cette baisse s’est poursuivie dans les semaines suivantes avec le prix du nickel sur trois mois à 15 415 dollars le 30 décembre, soit une baisse de 7,2% sur un an et de 28,7% par rapport aux 21 615 dollars atteints en mai. . Plusieurs facteurs expliquent cette tendance à la baisse, et parmi les plus cités par les analystes, on retrouve la production en constante augmentation chez les principaux producteurs, l’Indonésie et la Chine, ce qui a créé un excédent sur le marché. Du côté de la demande, l’adoption croissante des batteries LFP (lithium-fer-phosphate), privilégiées pour leur moindre coût et leur moindre impact environnemental, remet en question le rôle du nickel dans la chaîne d’approvisionnement des technologies énergétiques. la transition énergétique. L’autre facteur qui a impacté les prix concerne les incertitudes concernant les incitations fiscales aux Etats-Unis pour les véhicules électriques avec le retour de Donald Trump à la présidence américaine.
En réponse à la faiblesse des prix, certaines grandes sociétés minières, comme BHP et Anglo American, ont déjà suspendu leurs opérations ou vendu leurs actifs. En Afrique, où plusieurs pays produisent du nickel, Etats et entreprises attendent de voir si les restrictions indonésiennes créeront un contexte favorable à leurs industries. Pour 2025, chacun de ces pays surveillera probablement de près l’évolution du marché si l’Indonésie met en œuvre ses plans. Alors que S&P Global Commodity Insights reste prudent en prévoyant toujours un excédent sur le marché, les analystes de Wood Mackenzie, cités dans une note du site Carboncredits.com, anticipent que la bonne nouvelle viendra davantage de la demande de nickel primaire qui pourrait augmenter de 10 %. à 12%, «presque le double de la croissance attendue de la production».
Madagascar et Botswana, entre opportunités et défis
Avec la mine d’Ambatovy, l’un des plus grands projets de nickel et de cobalt au monde, Madagascar dispose d’un potentiel considérable pour devenir un acteur incontournable sur le marché du nickel. Cependant, le projet est en cours problèmes depuis plusieurs années. En novembre 2024, Sumitomo Corporation, le principal actionnaire d’Ambatovy, a annoncé une restructuration de la dette du projet et a ramené sa valeur comptable à zéro, après avoir accumulé près de 2,7 milliards de dollars de pertes. Dans un contexte de hausse attendue des prix du nickel, cette restructuration pourrait offrir à Ambatovy une nouvelle opportunité. En effet, une reprise de la production à pleine capacité permettrait à Madagascar de profiter de la conjoncture favorable du marché mondial et de diversifier ses revenus d’exportation. En 2022, le nickel représentait 25 % des revenus totaux d’exportation du pays, selon la Banque centrale de Madagascar.
De son côté, le Botswana préparer activement son retour sur le marché du nickel. Depuis la fermeture des mines Selebi et Selkirk en 2016, le pays n’exporte plus de nickel. Cependant, la situation pourrait bientôt changer. En novembre 2024, Premium Resources, propriétaire des deux mines, a publié une première estimation des ressources minérales de Selkirk, faisant état de 108 000 tonnes de nickel et de 132 000 tonnes de cuivre. Cette relance s’inscrit dans une stratégie de diversification de l’économie botswanaise, historiquement dominée par les diamants. Selon le FMI, les diamants représentent encore près de 80 % des exportations du pays. Le gouvernement soutient désormais le développement de projets dans d’autres secteurs miniers, comme le cuivre, le manganèse et le nickel, pour réduire cette dépendance et assurer une croissance plus équilibrée.
Malgré un contexte mondial prometteur, des défis demeurent pour les producteurs africains de nickel. L’expérience de Sumitomo à Ambatovy illustre les difficultés techniques et financières liées à l’exploitation de ce métal. De même, la relance de la production au Botswana nécessitera des investissements importants et une gestion rigoureuse des projets miniers pour assurer leur viabilité économique.
Louis-Nino Kansoun
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