La Caisse de dépôt et placement du Québec prend ses distances avec le controversé conglomérat indien Adani, à la suite d’un scandale de corruption auquel auraient participé trois de ses anciens dirigeants. Le rachat concerne sa filiale spécialisée dans les autoroutes indiennes.
Sans tambour ni trompette, Maple Infra InvIT, contrôlée par le pécule des Québécois, a annoncé le mois dernier la démission du président de son conseil d’administration, Romesh Sobti.
Son problème : cet ancien banquier est également directeur chez Adani Green. Or, cette filiale du conglomérat indien est au cœur d’accusations américaines de corruption qui visent également trois anciens dirigeants de la Caisse et sa propre filiale d’énergie solaire, Azure Power Global.
Ensemble, Adani et Azure ont conspiré pour verser 250 millions de dollars de pots-de-vin à des responsables indiens et se partager le marché, selon les tribunaux et l’organisme de surveillance américains. Les accusations n’ont pas encore passé l’épreuve des tribunaux.
Des liens dérangeants
Romesh Sobti a quitté son poste « en raison d’engagements et de responsabilités professionnels croissants », selon le communiqué de Maple, qui n’a pas fourni de détails supplémentaires.
Interrogé par La pressele Fonds n’a pas caché que son départ n’était pas étranger au récent scandale de corruption qui l’a frappé en Inde.
Dans le cadre de ses diverses activités professionnelles, et à la lumière des informations récemment rendues publiques par les autorités, les deux parties ont jugé souhaitable qu’il quitte le conseil d’administration de Maple.
Isabelle Adjahi. vice-president of communications at the Caisse de dépôt et placement du Québec
François Dauphin, directeur de l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques (IGOPP), souligne que Romesh Sobti démissionne avant la fin de son mandat. «Ce n’est pas une mauvaise chose qu’il y ait une distance qui soit exercée avec les personnes liées aux entreprises faisant l’objet d’une enquête», explique M. Dauphin.
L’expert anti-corruption Patrice Poitevin partage le malaise que représente l’implication de Sobti au conseil d’administration de Maple.
« L’une des tâches d’un conseil d’administration est d’éviter les conflits d’intérêts, de protéger la réputation et l’intégrité d’une organisation », affirme l’ancien policier de la Gendarmerie royale du Canada. Même l’apparence d’un conflit d’intérêts pose problème. Il est plus qu’une simple apparence : il est en conflit d’intérêts. »
Une grosse affaire
M. Sobti s’est joint au conseil d’administration d’Adani Green en septembre 2021. L’année précédente, la Caisse l’avait nommé président du conseil d’administration de Maple.
Romesh Sobti était l’homme de confiance de la Caisse pour assurer la bonne gouvernance de l’organisation, en poste depuis les débuts de l’entreprise en 2020.
C’est donc sous la direction de M. Sobti que la Caisse s’est lancée sur le marché routier en Inde.
En 2022, il était en poste lorsque la filiale Maple met la main sur l’Eastern Peripheral Expressway (EPE), un tronçon privé de 135 kilomètres qui contourne la capitale New Delhi. Or, La presse a révélé en décembre que Maple avait payé presque deux fois plus que son plus proche rival avait proposé d’acquérir l’infrastructure, soit 1 milliard de dollars.
Une division du conglomérat Adani lorgnait également sur l’EPE. Cependant, elle a offert moins de la moitié du prix que Maple a finalement payé pour l’acquérir. Parallèlement, M. Sobti était administrateur d’une autre filiale du géant indien : Adani Green.
Nième chapitre
En novembre, La presse a révélé que trois anciens dirigeants de la Caisse avaient été accusés à New York d’avoir participé à un vaste système de corruption avec des dirigeants d’Adani pour obtenir des contrats d’énergie solaire.
Le Fonds affirme avoir licencié les trois employés impliqués en 2023, Cyril Cabanes, Saurabh Agarwal et Deepak Malhotra, ainsi que deux PDG d’Azure qu’il avait choisis et qui auraient été impliqués dans le complot.
Le PDG du vaste conglomérat indien, Gautam Adani, connu pour être très proche du premier ministre indien Narendra Modi, est accusé d’avoir piloté le projet. La fortune de l’homme d’affaires est estimée à 60,5 milliards de dollars selon le magazine Forbesce qui le place à 25 anse rang des personnes les plus riches de la planète.
Bien avant les accusations américaines, Adani et son fondateur étaient déjà dans la tourmente depuis des mois, visés notamment par une série d’enquêtes journalistiques et par le vendeur à découvert Hindenburg. Dans ses rapports, le cabinet soulève de nombreuses allégations, notamment concernant des irrégularités comptables et des manipulations boursières.
En novembre dernier, les accusations de corruption contre Gautam Adani ont déclenché des manifestations de l’opposition en Inde contre les liens de l’homme d’affaires avec le gouvernement.
Apprendre encore plus
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- 2016
- Année où le Fonds a ouvert son bureau à New Delhi, en Inde
source: Caisse de dépôt et placement du Québec
- 452 milliards
- Actif net du pécule des Québécois au 30 juin 2024
source: Caisse de dépôt et placement du Québec