Dix-huit mois que les 97 salariés du magasin Géant Casino de Brest ont eu le sentiment de « se faire rouler ». Dix-huit mois qu’ils sont restés silencieux, laissant la parole à leurs représentants syndicaux. Ce vendredi 3 janvier 2025, près de 70 d’entre eux se sont rassemblés devant leur ancien magasin pour exprimer leur mal-être. « Nous avons continué à faire notre travail. Nous avons attendu un éventuel acheteur en écoutant les différentes marques qui nous étaient proposées. Nous devions tous les faire. Lorsqu’on nous a demandé de vider notre magasin, nous l’avons fait même si c’était dur », explique Anne Charlotte* à ses anciens collègues.
Projets de conversion arrêtés
Cet ancien responsable du rayon parapharmacie, parfumerie et hygiène avait enfin réussi à tourner la page ces derniers mois. Elle a dû suivre une formation pour se réorienter vers le secrétariat. « Le dossier était prêt. Tout cela a été stoppé lorsque la direction du Casino a retenu nos lettres de licenciement.
On n’a rien contre E. Leclerc mais on était presque tous passés à autre chose
En effet, alors que tous les salariés des magasins non repris ont reçu leur courrier fin novembre, ceux des salariés brestois ne sont jamais repartis. « On savait qu’il y avait un repreneur avec E. Leclerc. Mais nous avions déjà fait le deuil de notre magasin», poursuit Louise, une autre employée de l’accueil et du service après-vente, avec trente ans d’expérience à son actif.
« Nous n’avons rien contre E. Leclerc mais nous étions pratiquement tous passés à autre chose. Depuis juillet, la direction nous oblige même à planifier et à penser à l’avenir», raconte Lucie*, une ancienne employée du département alimentaire, qui avait elle aussi un projet de reconversion en cours.
Un projet encore flou
Le projet de rachat d’E. Leclerc n’était donc pas la bonne nouvelle de cette fin d’année. Un projet qui est encore un peu flou pour ces salariés. Au CSE central de Saint-Étienne, le 11 décembre 2024, un projet a été discuté avec 3 000 m² destinés à l’alimentation, 295 m² pour une pharmacie et 1 400 m² pour un magasin de jouets. Il reste 2 800 m² sur les 7 500 m² disponibles.
Tout ce que nous demandons maintenant, c’est un choix. Pour une fois !
Une prochaine réunion du CSE central doit se tenir, toujours à Saint-Étienne, le mercredi 8 janvier 2025 avec, peut-être, enfin des réponses pour les salariés brestois. Certains doutent. Ils évoquent 10 millions d’euros de travaux pour restaurer le magasin. « Les labos, les frigos, les vitrines, le matériel… Tout est à refaire ! »
« Tout ce que nous demandons maintenant, c’est d’avoir le choix. Pour une fois ! », insiste Justine*. Une demande largement partagée par les autres salariés présents. Car, avec ce projet de relance sur le gong, c’est la question du PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) qui se pose. Les conditions de départ négociées sont-elles valables pour les salariés brestois ? « On pense oui, la direction dit non », résume Magali Charnacé, déléguée syndicale Unsa.
Ascenseur émotionnel pendant 18 mois
Pour les Brestois, la situation ne serait en effet pas la même en cas d’exclusion du PSE : pas de financement de formation, pas de droit au chômage, etc. « Trois d’entre nous ont trouvé un autre emploi. Il leur faudra revenir avec le projet E. Leclerc ou démissionner sans droits», explique l’élu. Dans la foule des salariés, un homme déclare : « Nous sommes prisonniers. De toute façon, pour eux, nous ne sommes qu’un numéro. Les autres sont d’accord. « Cet ascenseur émotionnel est très dur, ajoute Justine. Une unité psychologique à Brest, obtenue par les syndicats, ouvrira prochainement. En attendant, les salariés semblent désillusionnés : « Le GMS ne fait pas de cadeaux », résume Anne-Charlotte.
*Les prénoms ont été modifiés à la demande des salariés.