Le sel de déglaçage est quasiment interdit à Saint-Hyacinthe. Une rue à la fois, un quartier à la fois, la municipalité de la Montérégie a convaincu ses citoyens d’adhérer au déneigement écologique.
Au lieu de la fonte des sels et des glaces, qui ont des conséquences néfastes sur les écosystèmes aquatiques, la végétation et les infrastructures, les cols bleus répandent de petites pierres brisées dans toutes les rues résidentielles.
Avant ce virage au gravier amorcé en 2018, la ville de près de 60 000 habitants figurait parmi les trois municipalités québécoises de taille similaire à utiliser le plus de sel déglaçant. Relativement parlant, en 2019, Brossard et Boucherville occupaient les première et deuxième positions. Cette année, Saint-Jean-sur-Richelieu, Boucherville et Granby occupent la tête du podium pour le sel nocif, selon les données compilées à partir d’achats groupés de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Saint-Hyacinthe est quatrième.
Le chef des routes de Saint-Hyacinthe, Alexandre Frappier, invité La presse monter à bord d’un petit camion d’épandage de pierres.
“Nos citoyens étaient habitués à rouler sur l’asphalte en hiver, marchant pratiquement en tongs sur nos trottoirs”, a-t-il déclaré.
Il y a eu quelques grognements au début, lors de la consultation publique, mais les citoyens se sont vite adaptés. Nos ouvriers aussi.
Alexandre Frappier, chef des routes à Saint-Hyacinthe
En 2025, la Ville ambitionne d’être en tête de liste des villes écoresponsables en matière de déglaçage, en remplaçant le sel. Cet hiver, abrasifs et fondants seront utilisés à très petites doses, lors de cocktails météo alternant pluie verglaçante et grand froid. L’abrasif demeure nécessaire pour des raisons de sécurité sur certaines artères du centre-ville et leurs trottoirs, sur le pont enjambant la rivière Yamaska et sur les pentes abruptes.
Résultat : la quantité de sel utilisée ces dernières années en tonnes métriques ™ est passée de 7 078 tonnes en 2018 à 2 000 en 2024.
Panneaux « Ralentissez. Des déneigements écologiques » ont été installés à de nombreuses intersections du quartier Saint-Joseph, menant aux garages routiers de Saint-Hyacinthe, rue Lemire. Le maire qui entend briguer un autre mandat, André Beauregard, a visité le chantier routier avec La presse pour montrer à quel point ce qu’on appelle « la tuque de sel » est vide.
« Avant, c’était toujours rempli à ras bord. Nous effectuons le déneigement comme par le passé, il y a l’emballage et la collecte. C’est en matière de déglaçage que nos méthodes ont vraiment changé », affirme-t-il.
Ecologique et économique
Il raconte qu’au début, c’était un projet pilote dans deux quartiers. En plus de l’impact écologique, le maire et son équipe estiment que l’abolition du sel au coût de 100 $ la tonne métrique (souvent transportée par bateau depuis les mines des Îles-de-la-Madeleine ou de l’Ontario) génère des économies annuelles de 250 000 $. L’achat de gravier est local ; les petites pierres proviennent des Carrières Saint-Dominique, dans la même région.
S’il y avait au départ quelques réticences de la part de la population, le statut « sans sel » fait aujourd’hui la fierté de toute la ville du comté des Maskoutains, explique le maire. Au cours de l’hiver dernier, à peine 143 résidents ont déposé plainte, selon les données obtenues auprès de la direction générale.
Contrairement au sel qui s’incruste, les petits graviers ne se dissolvent pas. De ce fait, il nécessite davantage de nettoyage au printemps. Mais, explique le directeur général adjoint de la Ville, François Lussier, ainsi que la chef de la division environnement, Julie Gagnon, la municipalité effectue d’une manière ou d’une autre un balayage mécanique au printemps. Ils ajoutent que l’administration recommande aux propriétaires de dérouler un tissu de protection sur les bords de la pelouse exposés aux petites pierres.
C’est comme tout, il y a une adaptation nécessaire. Avec le temps, les gens s’y habituent et il y a des avantages à ne plus utiliser de sel pour l’aménagement paysager et les pelouses.
François Lussier, directeur général adjoint de la Ville
En amont du déneigement écologique, l’administration municipale a tenté de connaître auprès de l’UMQ quelles quantités de sel de déglaçage ont été achetées conjointement par 75 municipalités de la province, en 2024. Elle affirme s’être heurtée à un mur de confidentialité, le Syndicat affirmant ne sera plus autorisé à transmettre ces informations.
« Nous avons donc contacté par téléphone d’autres villes pour tenter d’obtenir des réponses. Certains ne répondent pas à nos appels, d’autres refusent tout simplement de nous faire part de leur consommation de sel. Il serait intéressant que les citoyens aient accès aux tonnages. Cela nous donne l’impression que certaines villes ont honte de publier l’information», a déclaré M. Lussier.
Lire notre article sur l’impact du sel sur les routes
Consultez la fiche du ministère de l’Environnement sur les impacts du sel sur les milieux aquatiques