C’est devenu une danse rituelle. Même si son gouvernement a été censuré et qu’un nouveau Premier ministre a été nommé, la ministre démissionnaire de l’Ecologie et de l’Énergie, Agnès Pannier-Runacher, continue de défendre bec et ongles le nucléaire à Bruxelles. Lors d’un nouveau Conseil des ministres européens de l’énergie, qui s’est tenu le 16 décembre, ces derniers se sont battus pour que les énergies renouvelables ne prennent pas trop de place dans les objectifs européens, au détriment de l’atome.
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Et plus précisément, pour faire valoir ses positions face au commissaire européen chargé de l’énergie, le nouveau Dan Jørgensenun homme politique danois connu pour son opposition à la fission de l’uranium. Il y a quelques jours en effet, la lettre de mission de ce dernier, censée décrire ses priorités politiques, a été modifiée à la dernière minute comme « soumettre une initiative visant à stimuler le déploiement du stockage d’énergie et des énergies renouvelables, notamment en proposant un objectif en matière d’énergies renouvelables pour 2040 « . Ce qui ne figurait pas dans la version datée du 17 septembre, lors des auditions des commissaires par le Parlement européen.
Une ligne rouge pour Agnès Pannier-Runacher, qui s’est opposée à ce que l’Union européenne se fixe un objectif précis d’intégration des énergies renouvelables en 2040. Il faut dire que la France entend s’appuyer, en grande partie, sur son parc nucléaire pour produire de l’électricité bas carbone en ce délai.
« Un tel objectif semble contredire le principe de neutralité technologique […] et crée un risque de discrimination », a-t-elle argumenté auprès de Dan Jørgensen ce lundi, disent son entourage.
S’attaquer à l’Allemagne
Aujourd’hui, il existe déjà un objectif, adopté par tous les États membres de l’UE, d’avoir 42,5 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique en 2030. » Inutile » aller plus loin en fixant un objectif qui serait plus élevé pour 2040, insiste-t-on au cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Et ce, alors qu’il est possible de produire » une électricité contrôlable, abordable et à faible émission de carbone «… et non renouvelable.
« Il n’y a pas de vent en mer du Nord depuis deux mois. [Puisque les éoliennes ne produisent pas suffisamment]tous les pays du Nord importent massivement de l’électricité nucléaire française. Pourquoi se fixerions-nous un objectif qui dépend de facteurs que nous ne pouvons pas contrôler ? », souligne au cabinet du ministre démissionnaire.
Et de tacler l’Allemagne, qui a définitivement quitté le nucléaire et bloque régulièrement la stratégie française dans ce domaine. “ En 2023, la France comptait 22,2% d’énergies renouvelables dans son mix “, soit ” légèrement mieux que l’Allemagne, avec 22% ».
Pour appuyer ses positions, la France peut également compter sur l’Alliance nucléaire, ce regroupement de 12 pays – plus 3 observateurs – qui a été constitué en février 2023, toujours à l’initiative d’Agnès Pannier-Runacher. Les principaux acteurs se sont réunis en marge du Conseil ce lundi, en présence de Dan Jørgensen.
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Ne pas mélanger énergies renouvelables et nucléaire ?
Il n’en demeure pas moins que ce dernier n’a pas complètement changé de braquet. Interrogé par la presse à l’issue de la réunion, le nouveau commissaire à l’Energie s’est en effet opposé à l’idée de mélanger les énergies renouvelables et le nucléaire pour un nouvel objectif.
« Je ne pense pas que ce soit une façon judicieuse de procéder. Je pense que nous devons conserver la définition que nous avons déjà dans notre objectif en matière d’énergies renouvelables lorsque nous fixons un nouvel objectif. », a-t-il déclaré, rapporte un journaliste du média Contexte.
Avant de se qualifier : « Nous devons évidemment formuler des politiques pour atteindre cet objectif [sur les renouvelables] d’une manière qui ne porte pas préjudice à la possibilité d’utiliser également d’autres technologies propres, des technologies neutres en carbone telles que l’énergie nucléaire « . Une première main tendue ?
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