Quel est le contexte actuel autour des émissions dans le secteur du bâtiment, et quelles réticences percevez-vous à adopter les biomatériaux ?
Le contexte évolue rapidement en Suisse et l’accent est de plus en plus mis sur la réduction des émissions. Par exemple, les objectifs et limites carbone seront bientôt intégrés dans les normes (MOPEC, SIA, CECB). Les acteurs du secteur s’engagent de plus en plus à limiter les émissions carbone des bâtiments.
Quant au stockage du carbone biogénique, le sujet reste débattu, car lors d’une analyse de cycle de vie, les normes obligent à compter tout ce qui est stocké, mais aussi sorti du stockage en fin de vie du bâtiment, et on suppose alors très souvent que les biomatériaux seront tous brûlés, qu’ils libéreront le carbone stocké et que donc, le résultat est nul.
Alors, est-ce qu’on reporte simplement le problème ?
Oui et non. Nous visons 2050 avec l’objectif net zéro, et il est contradictoire de supposer que tous les bâtiments seront brûlés en même - dans 60 ans, et que tout le carbone stocké sera libéré d’un seul coup. S’il faut trouver une solution à la fin de vie des matériaux, pourquoi ne pas sérieusement envisager leur réutilisation ou leur réutilisation ? Bien sûr, cela retarde un peu le problème, mais scientifiquement, le stockage permet de décaler le pic des émissions, laissant le - aux réductions d’émissions de stabiliser les températures.
Nous sommes au milieu d’une transition vers un objectif « net zéro » qui doit être atteint d’ici 25 ans environ. Pour y parvenir, la Stratégie énergétique 2050 s’appuie entre autres sur les technologies de captage du CO2 dont l’efficacité reste à prouver. En revanche, l’utilisation de matériaux biosourcés dans la construction offre une solution concrète et efficace.
Quelque chose vous a-t-il surpris lors de ces travaux de recherche Bioloop ?
Ce qui m’a surpris, c’est que certains matériaux biosourcés peuvent déjà être intégrés dans des projets de construction, même si leur standardisation est encore incomplète, entraînant des contraintes administratives et techniques. Leur inflammabilité et leur faible densité posent également des défis en matière de sécurité incendie, d’isolation acoustique et thermique. Les combinaisons avec des matériaux géosourcés, comme la terre, permettent cependant de s’affranchir de certaines de ces limites. En Suisse, certains acteurs ont développé le savoir-faire nécessaire et ont produit des exemples concrets, mais on est loin d’une pratique à grande échelle.
Nous avons également découvert qu’en matière de stockage de carbone biogénique, il n’est pas nécessaire de maximiser la quantité de bois dans chaque bâtiment.
Par exemple, une ossature bois au lieu du bois massif réduit la quantité de bois utilisée par bâtiment, mais permet de répartir la ressource sur plusieurs constructions. Cette approche optimise l’utilisation du bois à l’échelle du parc immobilier tout en offrant le même bénéfice global de stockage. La clé est donc de penser en termes de parc bâti global, plutôt que de se concentrer sur des structures individuelles. Parallèlement, il est essentiel d’augmenter le rythme des rénovations d’ici 2050 pour réduire les émissions opérationnelles, tout en prêtant attention aux matériaux utilisés, afin de garantir un impact environnemental cohérent.
Le projet Bioloop prendra fin fin décembre 2024. Que ferez-vous ensuite, à titre individuel ?
J’ai commencé un travail de thèse explorant des solutions pour des bâtiments net zéro. Bien que l’utilisation de matériaux biosourcés soit un élément clé, ce n’est pas la seule stratégie. Il faut également penser à la réutilisation des ressources et à la conception globale, notamment en réduisant la surface construite par personne et en optimisant l’efficacité énergétique des bâtiments. Bioloop s’est concentré sur les matériaux d’origine biologique, mais atteindre le zéro net dans la construction nécessite des solutions beaucoup plus larges.