Après avoir conquis le marché mondial des voitures électriques, les entreprises chinoises s’attaquent à un secteur beaucoup moins médiatisé, celui des camions électriques, mais les tarifs douaniers et les questions de qualité restent des obstacles à surmonter.
Les constructeurs et start-up chinois veulent capitaliser sur la formule gagnante qui a propulsé l’industrie des véhicules électriques : une chaîne d’approvisionnement nationale bien huilée et des prix défiant toute concurrence.
En 2023, les entreprises chinoises représentaient déjà 70 % des ventes mondiales de camions électriques. Mais ces derniers ne représentent encore qu’une infime partie du marché global des poids lourds – moins de 1 %, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
L’AIE se dit cependant « optimiste » quant à une adoption plus large des camions électriques dans les dix prochaines années, notamment grâce aux évolutions politiques et technologiques.
“Cette industrie, je crois, est prête à être révolutionnée”, assure à l’AFP Han Wen, fondateur de la start-up chinoise Windrose, dans une usine où finissent d’assembler les premiers véhicules de son entreprise.
Plusieurs flottes de camions chinois d’entreprises comme BYD et Beiqi Foton sont déjà sur les routes d’Italie, de Pologne, d’Espagne et du Mexique, et ces entreprises ont ouvert des usines d’assemblage dans le monde entier.
“Les camions chinois sont généralement compétitifs sur les marchés émergents”, explique à l’AFP Steve Dyer, expert du cabinet de conseil AlixPartners.
Mais sur les marchés plus matures, les performances et la durabilité des véhicules chinois « ne répondent pas encore aux besoins de la plupart des clients, même si cela est en train de changer », ajoute-t-il.
Défis technologiques
Le secteur des poids lourds “est considéré comme l’un des segments de transport où il est le plus difficile” de réduire les émissions de gaz à effet de serre, après l’aviation et le transport maritime, explique à l’AFP Elizabeth Connelly, analyste à l’AIE.
L’un des défis majeurs est de trouver l’équilibre entre la durée de vie et la taille des batteries : trop grandes, elles affectent le poids et l’efficacité. Trop petits, ils limitent les kilomètres parcourus.
Cependant, les modèles chinois sont souvent en deçà des standards des constructeurs étrangers : selon le Zero-Emission Technology Inventory, un annuaire sectoriel en ligne, la plupart des camions électriques chinois ont une autonomie médiane de 250 km, contre 322 km aux États-Unis. Uni.
Le leader national BYD – dont le chiffre d’affaires trimestriel a dépassé celui de Tesla pour la première fois en octobre – reconnaît que son modèle 8TT n’a qu’une autonomie de 200 kilomètres, contre 800 kilomètres promis pour le modèle Semi de Tesla.
Mais des progrès rapides, notamment dans le domaine du remplacement des batteries, pourraient changer la donne.
Windrose, la société de M. Han, affirme que ses semi-remorques peuvent parcourir jusqu’à 670 kilomètres avec une seule charge.
Le géant chinois des batteries CATL a déployé des stations de changement de batterie pour les camions, où les blocs d’alimentation épuisés peuvent être immédiatement remplacés, éliminant ainsi le - de recharge.
L’écosystème actuel de production de véhicules électriques en Chine, y compris « les économies d’échelle dans la fabrication de batteries lithium-ion et de moteurs électriques », peut être exploité par l’industrie des camions, déclare Steve Dyer AlixPartners de l’entreprise.
“Nous sommes très chanceux d’avoir cette chaîne d’approvisionnement” pour les véhicules électriques, reconnaît M. Han, qui sous-traite sa fabrication à une usine de bus électriques.
Concurrence mondiale
Mais le secteur risque aussi de se retrouver embourbé dans des rivalités géopolitiques et commerciales.
L’Union européenne et les États-Unis ont déjà imposé des droits de douane supplémentaires sur les voitures électriques chinoises, affirmant que le soutien financier de Pékin aux constructeurs automobiles fausse la concurrence.
La Chine rejette ces accusations, mais le risque que des mesures similaires s’appliquent aux poids lourds chinois augmente.
Le président américain élu Donald Trump a déjà promis d’augmenter les droits de douane sur les importations chinoises après son investiture en janvier.
Certains constructeurs de camions chinois anticipent ces turbulences.
Le constructeur BYD fait la promotion de ses camions en affirmant qu’ils sont « assemblés par des travailleurs syndiqués à Lancaster, en Californie » et envisage de construire une usine au Mexique.
M. Han, le directeur de Windrose, explique à l’AFP avoir déménagé son siège principal à Anvers, en Belgique, pour pouvoir étendre ses opérations.
« Nous acceptons le fait que chaque marché souhaite disposer de sa propre chaîne d’approvisionnement nationale », dit-il.
Avant d’ajouter : « Mais il faut commencer par la Chine. Il n’y a pas d’autre alternative.