La valeur du rouble a chuté de près de 20 % fin novembre face au dollar, sans crier gare : derrière cette réévaluation face à Moscou, on retrouve plusieurs facteurs cycliques, ainsi que des problèmes structurels résultant du conflit contre l’Ukraine.
Une économie centrée sur l’armée
Surchauffée par la guerre contre Kiev, l’économie russe a réussi à maintenir une forte croissance, tandis que de nombreux citoyens bénéficient des retombées économiques liées aux conflits, notamment les salaires élevés mis en place par l’armée et l’industrie de défense. .
Cet état de fait cache cependant les graves problèmes qui touchent la Russie : une inflation incontrôlée a poussé la banque centrale à fixer le taux d’intérêt directeur à 21%, le plus haut niveau depuis 2003, tandis que les sanctions compliquent l’accès à de nombreux produits occidentaux.
Moscou est frappée depuis plusieurs jours par une nouvelle crise : le taux de change entre les monnaies américaine et russe a rapidement chuté, 1 dollar s’échangeant contre 114 roubles le 27 novembre selon Xe, contre 97 le 1er novembre. Il s’agit du taux le plus bas depuis le pic de mars 2022, où 1 dollar pouvait obtenir plus de 130 roubles, et le deuxième plus extrême des dix dernières années.
Ce taux de change reste discutable : les sanctions appliquées ces dernières années ont poussé la Russie à suspendre en juin 2024 les échanges entre roubles, dollars et euros au sein de la Bourse de Moscou, brouillant la valeur réelle de la monnaie russe.
Sofia Donets, économiste chez Tinkoff Investments citée par Meduza, souligne que le taux de change entre le rouble et le yuan a également connu des bouleversements majeurs, atteignant 15,79 roubles pour 1 yuan le 27 novembre, contre 13,7 le premier du mois.
Un dollar renforcé depuis la victoire de Trump
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet effondrement soudain. Les sanctions américaines ont été renforcées le 21 novembre, visant notamment plus de 50 banques, dont Gazprombank, toujours connectées au système SWIFT. On peut également citer la baisse des prix du pétrole, après plusieurs pics liés aux conflits au Moyen-Orient, la hausse soudaine des importations liée aux fêtes, et l’augmentation des dépenses du gouvernement russe à la fin des années, liée aux importations. . pour approvisionner les entreprises publiques. La valeur du dollar a globalement augmenté par rapport aux autres monnaies, dont l’euro, depuis la réélection de Donald Trump.
Mais plusieurs autres arguments en faveur de Moscou devraient atténuer cette forte baisse : la hausse des taux d’intérêt devrait faire augmenter la valeur du rouble en poussant les investisseurs à conserver leur argent sur des comptes à haut rendement, tout en réduisant le nombre d’importations, souvent financées par des emprunts. . La valeur du baril de pétrole reste également élevée, malgré la baisse notable depuis la flambée des prix en octobre.
Moscou, déjà en difficulté du fait de son incapacité à se procurer facilement de nombreux biens produits en Occident et vitaux pour son complexe militaro-industriel, risque donc de devoir dépenser encore plus d’argent pour prolonger son effort de guerre, tandis que la Russie perd dans le même temps sa population. une part importante de son pouvoir d’achat.