Une disposition jamais appliquée auparavant à la loi sur la taxe de vente harmonisée (TVH) crée « un sacré désordre » chez les concessionnaires de véhicules récréatifs du Québec, à qui le gouvernement fédéral réclame 50 millions $ US, ce qui met en péril leurs opérations.
Ottawa demande 683 000 $ au Centre de camping Amos pour la période de 2012 à 2019.
« Nous avons 17 salariés et une masse salariale annuelle d’un million. Nous n’avons pas 683 000 $ en espèces. Il va falloir procéder à des licenciements. Et on nous donne trois mois pour rembourser», déplore Lynda Tremblay, directrice commerciale de l’entreprise.
« De plus, l’impact sera nul. Le gouvernement remboursera l’Agence du revenu du Canada [ARC] qui nous remboursera. Mais quand ? Dans trois mois, six mois ? En attendant, nous payons des avocats, des comptables et des consultants. Cela prend des ressources pour rien”, ajoute M.moi Tremblay, qui s’attend également à un autre projet de loi pour la période 2020 à 2023.
Lynda Tremblay, directrice des ventes du Centre de Camping Amos. L’entreprise qui vend des remorques propose également des motoneiges en hiver. Elle doit rembourser 683 000 $ à l’ARC.
Photo fournie par LYNDA TREMBLAY
Explications
Contrairement au Québec – et à toutes les provinces de l’Ouest canadien – l’Ontario utilise la TVH qui comprend la TPS de 5 % et sa taxe provinciale de 8 %. Les fabricants de VR américains facturent la TPS aux concessionnaires québécois, qui, à leur tour, la réclament au fédéral. Ensuite, lorsque le VR est vendu au Québec, le concessionnaire perçoit la TPS et la TVQ auprès de l’acheteur et les remet aux gouvernements.
Mais selon les règles de la TVH, jamais appliquées jusqu’à présent, un fabricant devrait facturer aux acheteurs (dans ce cas-ci les revendeurs) la TVH de 13 % lorsque le produit transite par l’Ontario. C’est ces 8% manquants que réclame le fisc, sachant qu’ils devront les rembourser.
Tous les produits
«C’est un vrai désastre. Une firme torontoise travaille depuis deux ans sur le problème pourtant si simple à résoudre. Il s’agit d’un oubli, l’article 178.8 de la Loi TVH devrait simplement être modifié. Le gouvernement fédéral nous dit que nous avons peut-être raison, mais qu’il n’a pas le temps de corriger le problème», affirme Steve Lapierre, directeur général de l’Association des marchands de véhicules récréatifs du Québec (ACVRQ).
Il est également curieux que, pour le moment, seuls les concessionnaires de VR du Québec soient visés. La loi devrait s’appliquer à toutes les provinces et à tous les produits.
« Nous pensons que le gouvernement commence par nous car cela représente des sommes importantes. Si jamais cela va devant les tribunaux et qu’il gagne, d’autres marchandises transitant par l’Ontario seront également touchées», pense M. Lapierre.
Roulottes Lévesque, qui compte sept concessions, a reçu une facture de près de 2 millions de dollars.
«Cela ressemble à une erreur administrative», opine André Lévesque, patron de l’entreprise. C’est complètement ridicule de payer des taxes en Ontario pour un produit vendu au Québec parce qu’il a passé la douane à Sarnia plutôt qu’à Lacolle. Il semble que nous pourrons le réclamer, mais nous allons créer un trou dans la trésorerie et il est évident que nous ne recevrons pas le remboursement demain matin. Est-ce que cela prendra six mois ? Deux ans ? Les banques ne financeront pas une dette fiscale. Ils se demanderont si l’ARC va sortir un lapin de son chapeau pour ne pas avoir remboursé. A part enliser le système, y a-t-il quelque chose à gagner ? La réponse est non. Cela cause des maux de tête à tout le monde et l’ARC s’entête à réclamer ce montant.»