Azure Power Global | L’homme de confiance de la Caisse au cœur du complot de corruption

L’homme de confiance placé par la Caisse de dépôt et placement du Québec à la tête de son entreprise indienne de parcs solaires aurait lui-même participé au vaste système de corruption et de partage de contrats pour lequel trois de ses dirigeants ont été accusés la semaine dernière.

En septembre 2021, Azure Power Global – qui a reçu plus de 600 millions des Québécois – annonçait l’arrivée d’Alan Rosling à titre de président de son conseil d’administration. L’entreprise indienne a souligné qu’il avait été nommé par la Caisse, son actionnaire majoritaire. Considéré comme un homme d’affaires accompli et pionnier de la finance climatique en Inde, il était en principe chargé de veiller à la bonne gouvernance de l’organisation.

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Alan Rosling lors d’une conférence à Pékin, 2017

Selon l’organisme américain de surveillance des marchés boursiers, Rosling a plutôt participé au complot visant à verser quelque 250 millions de dollars de pots-de-vin à des représentants d’États indiens. Il aurait agi de concert avec le principal rival d’Azure, le groupe Adani, dont le fondateur, Gautam Adani, 27 ans,e fortune dans le monde selon Forbesest proche du Premier ministre indien, Narendra Modi.

Pour le pécule des Québécois, cette histoire de corruption s’ajoute à une série de désastres ayant mis à mal son pari dans Azure, qui vaut aujourd’hui moins de 5 % de la valeur de l’investissement initial. Les autorités américaines s’intéressent au dossier car les actions d’Azure étaient négociées à la Bourse de New York, avant d’être radiées en juillet 2023.

Un procureur de New York a dévoilé, le 20 novembre, une série d’accusations criminelles contre huit personnes, dont trois anciens dirigeants de la Caisse et deux ex-PDG d’Azure qu’ils avaient mis en place.

M. Rosling n’en fait pas partie, mais il se retrouve néanmoins impliqué dans cette affaire, selon une plainte civile déposée par la Securities and Exchange Commission (SEC). Le document vise principalement l’ancien vice-président, infrastructures pour l’Asie-Pacifique, à la Caisse, Cyril Cabanes.

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PHOTO PROVIDED BY THE CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT DU QUÉBEC

Cyril Cabanes, ancien vice-président infrastructures Asie-Pacifique à la Caisse, est accusé de corruption aux États-Unis et fait l’objet d’une plainte de la Securities and Exchange Commission.

Au cours des premiers mois de son mandat, Rosling n’a eu aucun rôle significatif à jouer dans des contrats suspects ou dans des discussions avec Adani, selon l’organisme de surveillance boursier américain. «Cela a changé au printemps 2022», souligne toutefois sa plainte.

Le 29 avril de la même année, Rosling a participé à une réunion avec le patron de son concurrent, le groupe Adani. A cette occasion, “nous lui avons lu à haute voix la liste complète des pots-de-vin promis ou versés aux représentants des Etats indiens”, mentionne la SEC.

Ces paiements étaient destinés à convaincre les autorités de signer des contrats pour acheter 12 000 mégawatts d’électricité solaire. Un tiers d’entre eux devaient se diriger vers Azure. La famille Adani avait déjà accepté de verser tous les pots-de-vin aux représentants indiens corrompus, dans le cadre d’un accord de partage de marché.

Lors de la rencontre avec Rosling, « Gautam Adani a cherché à percevoir la part d’Azure dans les pots-de-vin, qui s’élevaient à des dizaines de millions de dollars », précise la SEC.

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PHOTO SAJJAD HUSSAIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

En Inde, les accusations contre le magnat Gautam Adani, proche du pouvoir, ont provoqué des manifestations ces derniers jours. Sur la photo, un opposant porte un masque à son effigie et un autre tient une pancarte appelant à son arrestation.

Il envisage « une transaction réalisable »

Loin de tirer la sonnette d’alarme, Rosling a plutôt mis la main à la pâte pour trouver le moyen de conclure « une transaction réalisable », selon les mots qu’aurait employés le vice-président de la Caisse Cyril Cabanes.

Alors qu’une enquête interne battait son plein à l’été 2022 sur d’éventuels détournements de fonds chez Azure, Rosling et Cabanes « ont pris des mesures pour cacher des informations sur les pots-de-vin aux dirigeants d’Azure et de l’entreprise. Fonds », a écrit la SEC.

L’organisme précise que Rosling et Cabanes se seraient « mis d’accord avec d’autres personnes à la Caisse et chez Azur pour s’entendre sur une fausse histoire ». Ils auraient même menti aux enquêteurs internes et aux avocats d’Azure.

Au lieu de payer sa part en espèces, Azure a finalement transféré son plus grand contrat de parc solaire à Adani en 2023 pour un faux motif, affirme la SEC. « La transaction qui en a résulté a entraîné un transfert de valeur important d’Azure vers Adani. »

Les enquêtes lancées en Inde ont finalement eu raison du dernier contrat qu’Azure avait conservé.

L’entreprise a soudainement annoncé la démission de Rosling le 12 octobre 2023, un départ effectif la veille de l’annonce. Le communiqué ne mentionne aucun remerciement pour ses services ni les raisons de son expulsion.

«Plus que choquant»

Ancien analyste à la Caisse et auteur du blog Le pouls des retraites Sur les plans de retraite, Leo Kolivakis s’est dit stupéfait par le contenu de la plainte de la SEC.

“C’est plus que choquant”, a-t-il écrit sur son blog. Vous ne pouvez tout simplement pas inventer ce genre de choses. Il faudrait en faire un blockbuster hollywoodien parce que c’est très sérieux. »

Silence radio en caisse

Depuis l’ouverture de son bureau à New Delhi en 2016, le Fonds a misé 9 milliards sur l’Inde. Ses trois anciens cadres accusés de corruption ont tous été employés de l’institution québécoise dans cette région du globe entre 2018 et 2023.

Dans combien de dossiers d’investissement ont-ils été impliqués ? La Caisse a-t-elle mis en place un processus pour s’assurer que ses trois anciens dirigeants accusés d’infractions criminelles n’ont pas commis d’autres actes de détournement de fonds au cours de ces années ?

Impossible de le savoir. Malgré les demandes de La pressele Fonds refuse de fournir des détails.

«Nous nous engageons à respecter les plus hauts standards d’éthique et de conformité et aucun compromis n’est fait sur ces questions», a écrit son porte-parole, Jean-Benoît Houde, dans un courriel. Nous parlons ici de trois cas isolés, qui concernent des individus licenciés il y a plus d’un an. »

Difficile de commenter sans informations complémentaires, juge Nicola Bonucci, professeur agrégé à l’université Paris Cité et ancien directeur des affaires juridiques à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). A ce titre, il a suivi l’application de la Convention sur la lutte contre la corruption dans les pays membres.

“Dans l’absolu, la question qui se pose est de savoir si les personnes en question ont agi de manière autonome ou avec le consentement au moins tacite de la direction”, a-t-il déclaré.

Il ajoute que si les dirigeants étaient capables d’agir en contournant les contrôles de conformité internes, « cela devrait amener l’entreprise à remettre en question l’efficacité de ses programmes ».

L’histoire jusqu’à présent

Janvier 2022 : La Caisse devient actionnaire majoritaire d’Azure.

Août 2022 : L’entreprise annonce le départ inattendu de son patron et de potentielles irrégularités internes. Le titre s’est effondré de 44% à la Bourse de New York.

Janvier 2023 : On découvre de nouveaux squelettes dans le placard d’Azure. L’entreprise prévient qu’elle pourrait manquer d’argent pour financer ses ambitions. L’enquête interne se poursuit.

Juillet 2023 : Toujours incapable de faire le point sur ses finances, Azure se voit montrer la porte par la Bourse de New York.

Octobre 2023 : l’enquête interne d’Azure révèle l’existence d’un système de paiements irréguliers. Cependant, nous n’identifions pas les dirigeants fautifs.

Novembre 2024 : Trois anciens dirigeants de la Caisse sont accusés aux États-Unis d’avoir participé à un stratagème de corruption lié à des contrats obtenus par Azure en Inde.

Apprendre encore plus

  • 452 milliards
    Actif net du Fonds au 30 juin

    Source: Caisse de dépôt et placement du Québec

    2016
    Année du premier investissement de l’institution (un placement privé de 75 millions de dollars) dans Azure

    Source: Caisse de dépôt et placement du Québec

 
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