« Aujourd’hui, on n’a plus envie de travailler avec les applications Uber et Bolt. Nous faisons des journées pour même pas 60 euros, le stationnement nous coûte 135 euros, nous sommes comme des esclaves. Vous faites 5 km pour aller chercher un client, vous le déposez à 7 km, vous revenez, vous avez parcouru 20 à 30 km pour 9 euros, c’est impossible. Je travaille dix à douze heures par jour et je n’y arrive pas. Il faut dire stop. » Comme une centaine d’autres chauffeurs de VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur), Hamid a défilé dans les rues de Bordeaux ce mardi 26 novembre, à l’appel du syndicat Force ouvrière. Il a roulé au pas, klaxon bloqué, du quartier du Lac à la gare Saint-Jean, l’aéroport, la préfecture…
VTC à Bordeaux, syndiqué à FO, Sébastien Deville est l’un des quatre organisateurs de cet événement qui a rendu la circulation très compliquée une bonne partie de la journée. « Nous revendiquons simplement nos droits », explique-t-il. Uber a augmenté sa commission de 25% à 45%, ce n’est pas acceptable. Un VTC gagne le Smic et même plus, en travaillant seize heures par jour, sept jours sur sept. C’est ce que je fais personnellement. De plus, chaque jour, nous sommes verbalisés à la gare car il n’y a pas d’endroit où s’arrêter, contrairement aux taxis. C’est pareil à l’aéroport. A Paris, les VTC et les taxis ont des places réservées à l’aéroport, je ne comprends pas pourquoi à Bordeaux ce n’est pas possible. »
« Nous sommes trop nombreux »
Il dénonce également la surpopulation de chauffeurs VTC : « Nous sommes trop nombreux à Bordeaux, avec 3 000 cartes et pas assez de travail pour tout le monde. C’est la deuxième collectivité VTC après Paris. Nous demandons à l’État de bloquer les cartes, lui seul peut gérer cela. Aujourd’hui, il n’y a pas de réglementation. »
Arrivée à la gare Saint-Jean vers 10 heures, la manifestation s’est heurtée à un accroc : opposés aux VTC, une dizaine de chauffeurs de taxi ont bloqué la rue. « Nous protégeons nos moyens de subsistance ! » S’ils gagnent, ils auront le droit de se garer chez nous», clame un taxi à la police, qui lui demande de lever le blocus. La concurrence entre les deux sociétés est frontale, personne ne rend service à personne.
« Le métier se dégrade »
“Le travail se dégrade à cause du changement des conditions de travail avec l’application Uber, de l’augmentation variable des commissions”, poursuit Hamid. C’est impossible de travailler avec ça. On a beaucoup de dépenses, on paie les Urssaf, les véhicules, le carburant… Il y a de plus en plus de chauffeurs, donc de moins en moins de déplacements. Augmenter le nombre de chauffeurs est l’objectif d’Uber, cela garantit que le client en a toujours un à proximité de lui. Il y a 50 chauffeurs au mètre carré, on ne peut pas faire plus, sans compter les faux chauffeurs, les attachés, ceux qui travaillent avec la carte d’autrui. Nous voulons un numerus clausus pour que la profession soit viable. »
Une délégation a été reçue par le directeur de cabinet du préfet en fin de matinée. “Il y a eu un bon niveau d’échange et d’écoute, cela a permis d’orienter utilement les réflexions déjà en cours au sein des services de l’Etat et auprès des taxis, et de comprendre leurs attentes”, indique l’entourage du préfet.