Le Directeur Général France précise que «Eastman est cependant pleinement engagé, la construction est prête à démarrer d’un point de vue administratif et technique, mais nous ne prendrons une décision finale d’investissement qu’après avoir obtenu les engagements des clients sur des volumes minimaux.».
Toutefois, l’avancement du projet est conforme au calendrier initialement envisagé et plutôt encourageant. Fin novembre, le chimiste américain disposait du terrain pour son usine, a obtenu 70 % des contrats, d’une durée de 3 à 9 ans, pour la fourniture de déchets plastiques et a obtenu ces dernières semaines les permis de construire. , opérationnels et environnementaux. Reste l’écueil des contrats clients.
Le « non-sens économique et écologique » des importations de plastiques recyclés dans l’UE
Ce problème de sécurisation des ventes sur les volumes de plastiques recyclés par la future usine viendrait des atermoiements européens sur les prochaines réglementations liées à la réutilisation et à l’incorporation de plastique recyclé dans les produits mis sur le marché. Eric Dehouck indique que «Jusqu’à l’année dernière, le projet de règlement européen sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) reposait sur le principe selon lequel les emballages plastiques des produits mis sur le marché de l’UE doivent contenir un pourcentage minimum de plastiques recyclés issus de déchets provenant de l’UE.. Mais début 2024, l’UE a ouvert la voie à l’incorporation de plastiques recyclés importés. Si nous autorisons ces importations, qui proviennent de marchés qui n’ont pas les mêmes règles de qualité, de collecte, de tri, de traitement de réincorporation, nous créerons un environnement concurrentiel déséquilibré.et on n’a plus le modèle économique envisagé« . Le dirigeant décrit même que cette orientation « des absurdités économiques, écologiques, sociales et sanitaires. Les matières plastiques recyclées hors UE seront toujours moins chères que celles de l’UE car les règles d’exploitation et de réincorporation ne sont pas les mêmes. Nous courons le risque de condamner l’économie du recyclage mécanique et chimique en Europe“, conduisant même au risque “importer du plastique recyclé et continuer à incinérer nos propres plastiques en Europe».
Jean-Yves Daclin, directeur général de PlasticsEurope France reconnaît que «en cours de discussions pour le PPWR , certains membres de la Commission européenne et parties prenantes souhaitaient promouvoir les matériaux recyclés en Europe. Mais ils se sont heurtés à une réponse très ferme de la direction de la Concurrence de la Commission européenne, qui s’engage à respecter strictement les règles de l’OMC.».
Les projets de recyclage du plastique remis en question en Europe
Selon Eastman, cette situation serait une véritable épine dans le pied de la vingtaine de projets de recyclage chimique et mécanique des plastiques à travers l’UE. “De nombreux acteurs reportent ou annulent parce que les conditions du marché ont complètement changé, parce que les marques qui devront intégrer des matériaux recyclés dans leurs produits sont dans l’attente d’une clarification de la réglementation européenne sur leurs politiques d’achat.», ajoute Éric Dehouck. D’ailleurs, alors que le groupe Canadian Loop Industries abandonne son projet d’usine de recyclage de plastiques en Moselle, il poursuit un projet similaire en Inde, comme le groupe l’a confirmé lors de ses dernières présentations aux investisseurs en octobre.
Cette problématique des importations autorisées de plastiques recyclés, qui n’est pourtant pas encore constatée, est assez similaire outre-Atlantique. Pour son projet de deuxième usine américaine de recyclage chimique du PET au Texas, identique au projet français, Erick Dehouck reconnaît que «les réglementations ne sont pas plus claires aux États-Unis, mais nous avons un client engagé, Pepsi, pour prendre en charge la production, et des subventions suffisamment importantes, de 375 millions de dollars. Pour l’Europe, nous n’avons pas cet engagement client, et les subventions sont bien moindres.»
L’inflation des coûts pèse aussi sur le projet d’Eastman mais sans le remettre en cause
Pour son projet en France, Eastman reconnaît également des augmentations de coûts, avec un investissement désormais attendu à plus d’un milliard d’euros. “Les coûts ont bougé», assure le dirigeant français. “Elle est liée d’abord à l’inflation mais aussi à l’énergie. Eastman avait choisi la France notamment grâce à l’accès à une électricité compétitive et décarbonée, mais aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas, la France a perdu son avantage compétitif dans son mix énergétique.« . Cet élément ne remet cependant pas en cause l’implantation du projet en France, assure le groupe américain, d’autant qu’un projet de cette ampleur ne peut pas être rapidement reporté dans un autre pays européen et qu’une délocalisation ailleurs en Europe ne changerait pas la donne. sur les importations de plastiques recyclés.