Pour les salariés qui se sont mobilisés en grand nombre la semaine dernière, cette annonce a « un certain goût de victoire », glisse Matthieu Devers, le délégué CSE pour la CGT du puissant commerçant. Cela ne serait pas arrivé sans la forte mobilisation et sa médiatisation. »
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Laurent Boillot se garde toutefois de faire un lien entre la grève des salariés, dont il dit « comprendre » l’inquiétude, et cette décision. Il pointe plutôt le calendrier politique et diplomatique et l’accélération des négociations ces derniers jours, y voyant « une lueur d’espoir pour résoudre la crise ».
« Nous sommes là depuis 165 ans, il n’est pas question d’abandonner la Chine. »
Notamment l’annonce du président de la République, le 20 novembre dernier, après le G20 de Rio, d’envoyer son Premier ministre Michel Barnier en Chine « au premier trimestre de l’année prochaine » pour tenter de « trouver une solution favorable » à la crise. Dossier de surtaxe chinoise (+39% pour Hennessy).
“En dernier recours”
“C’est un soulagement car cela nous fait gagner du temps”, estime le président de Hennessy, qui rappelle que “depuis le 5 janvier [et l’annonce de l’enquête anti-dumping sur les brandys européens, NDLR] Hennessy se bat sur tous les fronts et auprès de toutes les autorités politiques, aux niveaux chinois, européen et français, pour défendre vigoureusement ses intérêts, ses salariés et ses emplois. Il admet toutefois qu’« il aurait été plus facile d’apprendre cette bonne nouvelle un peu plus tôt ».
Comprenez avant l’annonce aux représentants du personnel, le 14 novembre, de cette expérimentation, qui n’a toutefois pas été abandonnée, d’où l’extrême prudence des syndicats (lire ci-contre). « Mais ce sera un dernier recours », insiste Laurent Boillot, qui dit ne l’avoir imaginé que ainsi, afin de contrer la surtaxe imposée par Pékin. « Rien n’est décidé et il faut dissocier la partie évaluation, qui sera longue, et la décision. »
Et de « démentir formellement tout projet de relocalisation du cognac en Chine ». « Les vendanges, la distillation, l’élevage en fûts de chêne, ou l’assemblage seront toujours réalisés à Cognac, avec notre approvisionnement en matières sèches (bouteilles, étiquettes, bouchons…) maintenu dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. sans aucun impact sur l’emploi des salariés de la Maison », insiste le commerçant, qui rappelle également « le caractère provisoire » du projet. “Nous espérons ne jamais avoir à commencer, mais maintenant, si cela devait arriver, à la seconde où la taxe ne serait plus appliquée, pas une goutte de cognac ne serait mise en bouteille en Chine”, assure le président.
“On n’est pas loin de la casse”
Insistant sur le fait que la direction « a toujours eu à coeur d’entretenir un dialogue transparent et constructif avec les partenaires sociaux », Laurent Boillot assure que le projet n’a qu’un seul objectif : continuer à approvisionner la Chine en cognac. “Nous sommes là depuis 165 ans, il n’est pas question d’abandonner la Chine”, insiste-t-il, rappelant que cette surtaxe est avant tout “une question d’activité et d’emploi pour tous”. « Le sujet est sérieux. On n’est pas loin du chauffage et de la casse. »
Il affirme également que ce levier n’est pas le seul actionné pour faire face à la crise du cognac. « Nous étudions toutes les solutions possibles dans les domaines de l’innovation, du commerce et de la communication. »
Notamment sur son marché numéro un, les Etats-Unis, « où nous avons poussé fort pour relancer l’activité », avec de nombreux plans marketing (à l’image de son édition limitée LeBron James – « tout est vendu »). Mais aussi en développant d’autres marchés, comme l’Afrique du Sud, qui a triplé ses ventes, en volume, depuis 2021, devenant « le 2e pays mondial pour SV ».
« Toutes ces initiatives, soutient le président, n’ont qu’un seul objectif, préserver notre patrimoine exceptionnel : le made in Cognac Hennessy, et des savoir-faire uniques, des emplois, l’ensemble de la filière, notamment la viticulture, et son écosystème régional, et le marché chinois. ».
Les syndicats pas totalement rassurés, un grand rassemblement prévu jeudi devant le BNIC
A la tête de la révolte des salariés contre ce projet controversé, Matthieu Devers “a plutôt bien accueilli” cette annonce de suspension. “Mais cela reste une suspension, pas une annulation”, précise-t-il. Lors de sa tournée d’équipe, Laurent Boillot a insisté sur le fait que nous restions sous cette menace. »
Ce mardi, des débrayages sont donc annoncés sur les différents sites Hennessy, « pendant le CSE », prévu à 9 heures, « avec un fort ralentissement de l’activité », précise Matthieu Devers.
Et ce jeudi 28 novembre, une forte mobilisation interprofessionnelle est attendue à Cognac avec un appel à manifester devant le siège du BNIC lancé ce week-end sur les réseaux sociaux par une intersyndicale regroupant la CGT, FO, la CFTC et la CFDT. . « Un cortège quittera Richonne vers 9 heures et défilera à travers la ville, via le boulevard Denfert-Rochereau, la place François-Ier puis la rue du 14-Juillet, jusqu’au BNIC, où nous resterons jusqu’à 17 heures, dans un esprit convivial mais déterminé. », explique le dirigeant syndical. Une rencontre avec le président du BNIC, Florent Morillon, est également évoquée.
Avec deux objectifs : « demander l’évolution du cahier des charges de l’AOC en l’étendant à la mise en bouteille sur l’aire d’appellation, et offrir une démonstration de force du Cognacais ».