Près de la moitié des femmes interrogées dans le cadre d’une enquête déclarent avoir déjà reçu des emails au contenu inapproprié ou qui remettent en question, de manière plus ou moins subtile, leur légitimité.
« En raison de votre sexe, avez-vous déjà senti que vos compétences étaient remises en question ? Le sexisme est apparu pour la première fois dans le questionnaire de Flashs, organisme d’enquêtes et de statistiques, qui a publié jeudi 14 novembre une analyse des usages de la messagerie professionnelle auprès de 2 000 salariés et managers, dont la moitié étaient des femmes. Quelque 46 % des femmes interrogées ont répondu oui, et encore plus parmi les femmes dirigeantes.. “On attendait ces réponses, mais ce n’est pas pour autant que cela représente près d’une femme sur deux”comments Léa Paolacci, research manager at Flashs.
En les interrogeant davantage, les femmes évoquent une autre forme de sexisme. Trois d’entre eux sur dix déclarent recevoir des emails « inappropriés ». Pour les 18-24 ans, la proportion s’élève à un sur deux (50%). Parmi les emails jugés inappropriés, 19 % d’entre eux contiennent du contenu sexuellement explicite. Sinon, « il s’agit en majorité de demandes d’informations personnelles ou intimes ou de propositions de rendez-vous en dehors du travail »détaille Léa Paolacci, pour qui ceux-ci sont si nombreux »microagressions.
Jeanne, bientôt 30 ans, a eu une mauvaise expérience via des mails lors d’un CDD d’été dans une entreprise parisienne. Une de ses collègues, beaucoup plus âgée qu’elle, a commencé à lui faire quelques blagues en face-à-face. Puis elle a reçu « e-mails oppressants» de lui. Il lui répondait systématiquement en privé lorsqu’elle envoyait un email à plusieurs destinataires dont il faisait partie. Il a également envoyé des messages sur WhatsApp et SMS, auxquels Jeanne n’a pas non plus répondu. A la fin de son contrat, il lui a dit que“Elle allait lui manquer.”. Il a continué à lui écrire même lorsque son contrat a pris fin et a finalement arrêté, au grand soulagement de Jeanne.
“Ce sont des cibles faciles.”
Agathe Peigney, co-fondatrice du stage Balance tonsur franceinfo
Ce chiffre d’une jeune femme sur deux ayant déjà reçu un email inapproprié, comme Jeanne, “ne sois pas surpris” Agathe Peigney, co-fondatrice de l’association Balance ton stage, créée pour dénoncer les situations de sexisme lors des stages en entreprise. « Le sexisme en entreprise touche particulièrement les jeunes femmessouligne-t-elle, car ils sont souvent là pour une courte durée, ont un rapport hiérarchique et peuvent avoir peur de ne pas valider leur stage ou leur diplôme.
Cette hypervisibilité des jeunes femmes s’explique différemment pour Sabrina Tanquerel, professeur de gestion des ressources humaines à l’EM Normandie, qui travaille sur le sujet du sexisme au travail. « Les jeunes femmes sont beaucoup plus sensibilisées au sexisme au travail, notamment depuis le mouvement MeToo, dit-elle. Ainsi, ils sont plus enclins à parler de ces sujets, à savoir les identifier et les dénoncer.
Les e-mails sont « un des véhicules du sexisme au travail », pour Agathe Peigney, du stage Balance ton. « Cela dénote une certaine aisance, car l’expéditeur se cache derrière ses emails et messageries professionnelles. Il y a un côté instantané qui brouille les barrières entre vie professionnelle et vie privée.» souligne-t-elle, rappelant que « Le sexisme commence par les stéréotypes de genre ». « Rien qu’au ton employé, on peut ressentir une forme de sexisme, explique Agathe Peigney. Typiquement, envoyer un email commençant par ‘Mon petit chéri’, utiliser des surnoms d’animaux, écrire ‘tu es la seule femme alors…’, remettre en question la légitimité d’une femme… »
“Le sexisme est partout dans la société et évidemment au travail où il se manifeste de multiples façons, oralement et par écrit, mais aussi dans les regards ou dans une ambiance.”
Agathe Peigney, co-fondatrice du stage Balance tonsur franceinfo
Parmi les centaines de témoignages reçus par Balance ton stage, depuis la création de l’association il y a quatre ans, “les emails n’ont été mentionnés que deux ou trois fois, nuance Agathe Peigney. Mais ils peuvent être couplés à d’autres choses : il y a aussi le post-it collé sur le bureau, ou les suggestions via le numéro personnel pour aller boire un verre, ou pour appeler en dehors des heures de travail.
L’échange d’emails relève du « sexisme ‘bienveillant’ », estime Sabrina Tanquerel, professeur de gestion des ressources humaines à l’EM Normandie. « Le sexisme dit bienveillant fait référence à toutes ces stratégies que l’on observe dans les entreprises sur la délégitimation des femmes, sur certaines compétences, parfois invisibles, que ce soit dans les domaines techniques occupés par les femmes, mais aussi dès qu’elles progressent dans la hiérarchie des organisations. les tactiques se manifestent d’un point de vue comportemental, mais aussi évidemment par écrit, dans les échanges informels entre collègues.
Si remarques sexistes envoyées par email ou formulées oralement “sont au bas de la pyramide, ils peuvent être un terreau fertile pour des comportements sexistes qui, s’ils se répètent, peuvent se transformer en harcèlement”, se souvient Agathe Peigney. Il est donc important de réagir si vous recevez un email à caractère sexiste, car « Bannialiser « les choses les moins sérieuses » peut rendre possible des choses plus sérieuses. »alerte Agathe Peigney.
Il répertorie les actions possibles : « D’abord, recadrer l’expéditeur par email, avec des formes polies, pour indiquer qu’on ne veut pas entrer dans ce domaine, revenir sur un territoire plus professionnel, ajouter des personnes en copie, comme le manager (s’il n’est pas lui-même impliqué). Signalez les faits et renseignez-vous à qui c’est possible : les collègues, les RH, le référent dans les grandes entreprises, mais aussi les associations, l’inspection du travail, le défenseur des droits.
Agathe Peigney conseille également « Souviens-toi de la loi. La première remarque à caractère sexiste est considérée comme un comportement sexiste, interdit par le Code du travail. Les e-mails sont la preuve que les faits sont rapportés, ils ne doivent donc pas être supprimés. “En amont, continue-t-elle, il est important de faire prendre conscience que ce n’est pas normal. C’est également ce qu’elle s’emploie à faire avec son association Balance ton stage.