(Paris) Cuivre, cobalt, nickel, lithium : les métaux qui transportent ou stockent l’électricité, indispensables à la transition énergétique pour remplacer le pétrole responsable du réchauffement climatique, seront de plus en plus recyclés.
Isabelle MALSANG
Agence France-Presse
Du Pérou à la France en passant par les États-Unis, la souveraineté sur l’accès aux métaux stratégiques de transition affole la planète, du fait de l’hégémonie chinoise sur l’approvisionnement en minerais et sur le raffinage.
“Entre 35 et 70 % des capacités de raffinage sont aux mains de la Chine”, rappelle l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi dans son récent rapport sur la compétitivité, esquissant les voies possibles pour parvenir à plus de souveraineté.
Et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) avait alerté mi-mai sur un risque de tensions d’approvisionnement, voire d’éventuelles pénuries de cuivre ou de lithium, indispensables au déploiement de technologies bas carbone comme les voitures électriques ou les éoliennes.
Principale raison invoquée : la baisse des prix du lithium, du nickel ou du cobalt en 2023 risque de ralentir les investissements miniers nécessaires.
Lors de la conférence annuelle de l’ONU sur le climat (COP29), qui s’ouvre lundi en Azerbaïdjan, le Conseil international des mines et des métaux (CIMM) a prévu pas moins de six communications différentes sur la relance du secteur minier.
Mais “l’industrie minière est aujourd’hui confrontée à un réel problème de financement”, explique à l’AFP Moez Ajmi, spécialiste de l’énergie pour l’Europe au sein du cabinet de conseil EY.
Les besoins sont gigantesques : dans une mine traditionnelle, on n’obtient que 3 grammes de cuivre en moyenne par tonne de terre excavée en RDC Congo, et 0,5 gramme par tonne au Chili, note Christian Mion, responsable extraction minière chez EY.
Un pic « au milieu des années 2030 »
Pourtant, tous les États encouragent le « mining » : les États-Unis avec leur loi « IRA » et leurs subventions cherchent à sécuriser les approvisionnements en métaux critiques, l’Europe a également lancé un « Critical Mineral Act », qui entre en vigueur cette année. L’Arabie saoudite a injecté 500 millions de dollars pour établir son cadastre minier.
Le géant pétrolier ExxonMobil a annoncé il y a tout juste un an son intention de devenir le plus grand producteur de lithium aux États-Unis en utilisant ses techniques d’extraction de pétrole et de gaz pour exploiter une veine souterraine de saumure de lithium en Arkansas.
Mais en raison du montant considérable des investissements en équipements, salaires et transports, et du temps qu’il faudra des décennies pour que les projets voient le jour, d’autres solutions sont envisagées.
« Pour moi, la solution la plus réaliste est le recyclage », note M. Ajmi.
Selon M. Draghi, la circularité des métaux pourrait à elle seule répondre à 50 % de la demande mondiale à long terme. Selon M. Ajmi, une filière de recyclage pourrait représenter 10 à 15% du PIB des pays développés d’ici une quinzaine d’années, “à condition que les banques et les Etats soutiennent les projets”.
A condition aussi de développer des écosystèmes mêlant plans de formation, recherche et investisseurs, comme la France l’a fait dans les années 1960 autour du secteur pétrolier et nucléaire, lorsqu’elle a par exemple créé l’institut de recherche IFP Energies nouvelles.
Dans un récent article intitulé « Batteries, la boucle minérale », le groupe de réflexion américain spécialisé RMI estime même que le pic d’exploitation des minéraux stratégiques destinés aux batteries devrait survenir au milieu des années 2030.
Avec l’amélioration des techniques de recyclage et l’allongement de la durée de vie des batteries, la demande en minéraux vierges destinés aux batteries pourrait être nulle d’ici 2040, souligne RMI. Ce que l’on appelle la mine de recyclage « urbaine » pourrait alors suffire à répondre aux besoins du marché des batteries électriques. Le monde n’aurait plus besoin de creuser.