Un contrat pour abattre des arbres brûlés qui n’ont jamais brûlé

Croyant se diriger vers une forêt complètement brûlée, un entrepreneur de l’Abitibi-Témiscamingue, qui ne souhaitait pas être identifié pour éviter de perdre de futurs contrats, a été surpris de constater qu’une grande partie des arbres étaient en bonne santé dans la région. Secteur Senneterre.

Il venait d’obtenir le contrat pour couper ces arbres de l’organisme Rexforêt, qui est mandaté par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts du Québec, notamment pour distribuer les contrats de travaux sylvicoles en forêt publique.

Le contrat stipule qu’il s’agit d’abattage de bois brûlé, mais l’entrepreneur constate sur place que plusieurs secteurs ont été épargnés par les incendies de forêt de juin 2023 qui ont ravagé plus de 20 000 hectares dans le secteur.

Le directeur général de l’Association des entrepreneurs en travaux sylvicoles, Fabien Simard, constate avec tristesse que ces arbres ont été abattus pour pourrir sur le sol alors que plusieurs usines sont en difficulté.

Photo : Radio-Canada / Jean-Marc Belzile

Certains blocs sont complètement verts tandis que dans d’autres cas, il estime que plus de 30 % des arbres sont encore sains.

Il informe alors Rexforêt qu’il s’agit probablement d’une erreur. Il affirme avoir reçu de toute façon une réponse lui permettant d’aller de l’avant avec le contrat, car personne n’était disponible pour se rendre sur place.

Le contrat en question prévoit pour éliminer les tiges brûlées résiduelles restées debout après le passage du feu et de les laisser au sol en andain, technique qui consiste à laisser un espace entre les rangées d’arbres au sol.

>>>>

Ouvrir en mode plein écran

Certains secteurs portent des traces du passage des feux de forêt de 2023.

Photo : Radio-Canada / Jean-Marc Belzile

Sur place, Radio-Canada a constaté qu’une partie du secteur ciblé a bien été détruite par les feux de forêt, mais à certains endroits, les arbres sont en bonne santé, un an après l’incendie.

Nous voyons ces cas régulièrement. Des fichiers comme ça, je pourrais vous en envoyer des tonnes de copies, comme on dit.

Une citation de Fabien Simard, directeur général de l’Association des entrepreneurs sylvicoles du Québec

Fabien Simard, directeur général de l’Association des entrepreneurs en travaux sylvicoles du Québec (AETSQ), estime que le ministère n’a aucune idée de ce qui se trouve sur place, car ils n’ont pas le temps de venir sur le terrain.

Vous avez une mauvaise gestion des deniers publics. Là, on compromet le travail des générations futures et en plus, il y a des industriels de l’Abitibi qui vont manquer de bois et là, on en prend et on le jette par terre. Sur tous les axes, tu ne peux pas avoir de gestion pire que le cas que tu m’as montréajoute-t-il en précisant que tout ce bois pourrait éventuellement être utilisé dans l’industrie forestière. Une industrie qui connaît actuellement beaucoup de difficultés alors que de nombreuses usines sont temporairement fermées. Un autre exemple, selon lui, de l’urgence de revoir le régime forestier québécois.

Parmi les arbres présents sur le site, quelques conifères matures, une jeune plantation relativement saine et également plusieurs arbres feuillus comme le bouleau.

>>>>

Ouvrir en mode plein écran

La mairesse de Senneterre Nathalie-Ann Pelchat est attristée par la situation.

Photo : Radio-Canada / Jean-Marc Belzile

Ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle en soi. Nous avons compris que le bois brûlé à l’été 2023 ne pourra pas être entièrement récupéré. Nous l’avons très bien compris. Mais s’il y a du bois mature, du bois vert dans la forêt qui pourrait aller dans les usines, on demandera certainement des explications.says Nathalie-Ann Pelchat, mayor of Senneterre.

Le ministère des Richesses naturelles et des Forêts (MRNF) précise avoir contacté Rexforêt suite à la demande d’entrevue de Radio-Canada.

Rexforêt a confirmé que l’entrepreneur délimite actuellement sur le terrain les secteurs à traiter, excluant les bois sains tels que listés dans la directive opérationnelle.précise de son côté le ministère par mail.

>>Arbres matures derrière les arbres coupés et empilés.>>

Ouvrir en mode plein écran

Les arbres matures derrière ce tas de bois sont également couverts par le contrat.

Photo : Radio-Canada / Jean-Marc Belzile

Dans l’appel d’offres pour des travaux dans le secteur, on peut lire une courte phrase qui mentionne queafin de favoriser la régénération naturelle, des touffes/îlots de PIG (pin gris) ou d’EPN (épinette noire) matures, sains et verts, doivent être laissés sur place..

L’AESTQ précise que ce paragraphe est toujours inclus dans les appels d’offres. L’entrepreneur qui a reçu le contrat en question rappelle que dans certains cas, la totalité du terrain à couper était vert, preuve, selon lui, que le MRNF n’avait aucune idée de ce qu’il y avait sur place.

Il y a des milliers d’acres de bois complètement brûlés ici et le ministère choisit de commencer avec des blocs de plusieurs arbres sains. Pour moi c’est un gros problèmeprécise l’entrepreneur qui avait le contrat.

Radio-Canada a également constaté la présence de nombreux feuillus sains sur place. Si les conifères seront finalement épargnés, les feuillus seront tous abattus et laissés au sol. L’Association des entrepreneurs sylvicoles estime que ces arbres auraient été coupés sans l’intervention de cet entrepreneur.

Le ministère des Richesses naturelles ajoute que les travaux ont débuté le lundi 4 novembre. Des procédures sont en place pour permettre au ministère et à Rexforêt de suivre régulièrement l’avancement des travaux et la performance de Rexforêt afin que des ajustements ou des corrections puissent être apportés si nécessaire.ajoute-t-il par email.

Une dépense inutile

L’Association des entrepreneurs sylvicoles du Québec dénonce également, dans ce dossier, un détournement de fonds publics. Le contrat d’abattage des arbres a coûté près de 800 dollars par hectare pour un total de plus de 300 000 dollars. La plupart des arbres brûlés étaient relativement petits et le contrat aurait pu coûter beaucoup moins cher, selon l’association.

C’est une plantation qui n’a pas besoin d’être détruite. On pourrait juste prendre une herse ou un TTS [une machine pour créer des sillons] et scarifier, alors nous économiserions 700 $ par hectare, mais ici nous prenons une méthode beaucoup plus coûteuse car nous ne sommes pas allés sur le terrainexplique Fabien Simard, qui mentionne que 160 000 $ auraient pu être économisés dans ce dossier.

Il ajoute que la technique préconisée par Rexforêt prévoit également que les arbres seront laissés au sol, ce qui réduit de 20 % la superficie pour pouvoir replanter des arbres. Celui que cite Fabien Simard aurait permis de récupérer 100 % de la surface.

Le choix qu’ils ont fait n’est pas le bon, mais pour le savoir, il faut être sur le terrainadds Fabien Simard.

>>Radio-Canada a pu voir le feu traverser certains arbres, mais plusieurs sont encore verts.>>

Ouvrir en mode plein écran

Le passage du feu de forêt de 2023 est visible sur certains arbres, mais beaucoup sont encore verts.

Photo : Radio-Canada / Jean-Marc Belzile

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Le record du plus long test Hyperloop établi à l’EPFL
NEXT La Ville de Genève adapte sa proposition de budget – Déficit en hausse