Aviation: des équipages low-cost pour les Suisses

Contrat avec Air Baltic

Des équipages low-cost volent pour la Suisse malgré l’opposition de la Confédération

Depuis deux ans, la compagnie aérienne suisse loue des avions et du personnel lettons. Depuis, une bataille juridique fait rage en coulisses.

Publié aujourd’hui à 18h34

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Bref:
  • En 2023, la Suisse a réalisé un bénéfice record de 718 millions de francs.
  • Air Baltic loue des avions et des équipages à Swiss en «bail avec équipage».
  • Les autorités enquêtent sur des allégations de dumping salarial contre Air Baltic en Suisse.
  • Malgré les procédures légales, Swiss envisage de continuer à utiliser les avions d’Air Baltic.

La Suisse est à nouveau un distributeur de billets. En 2023, la compagnie aérienne suisse, propriété du groupe allemand Lufthansa, a réalisé le bénéfice le plus élevé de ses plus de vingt ans d’histoire, soit 718 millions de francs. Mardi, elle a annoncé un bénéfice de 505 millions de francs pour les neuf premiers mois de l’année. Elle a ainsi plus que compensé les pertes des années de pandémie.

Mais l’entreprise a-t-elle récolté ses bénéfices au détriment des équipages bon marché venus d’Europe de l’Est ? Les autorités se penchent sur la question depuis plus de deux ans. La réponse n’est pas claire.

La compagnie lettone Air Baltic est au cœur de l’affaire. Depuis deux ans, elle loue ses avions et ses équipages, c’est-à-dire ses pilotes et équipages de cabine, à la Suisse. Dans l’aviation, cela s’appelle un «bail avec équipage»une sorte de charte. Air Baltic s’occupe des vols à destination et en provenance de Zurich pour les Suisses et reste résolument l’employeur du personnel. Les missions des équipages lettons durent quelques jours et comprennent des nuitées à Zurich et dans d’autres destinations proposées par Swiss.

Air Baltic intervient également pour des problèmes de moteurs

Pour de nombreux passagers, la situation est exaspérante, voire Source d’irritation. Ils réservent auprès de Swiss, puis voyagent à bord d’un avion vert et blanc d’Air Baltic. La plupart du temps, les équipages ne maîtrisent pas la langue nationale suisse. Mais la vérité est que Swiss effectue ce type de vol depuis de nombreuses années. location avec équipageavec l’aide d’Helvetic Airways, la compagnie du milliardaire schwytzois Martin Ebner. Cependant, de nombreux employés y parlent allemand et, comme chez Suisse, une croix suisse apparaît sur la queue de l’appareil.

La Suisse exploite les partenariats location avec équipage pour « couvrir de manière flexible les fluctuations saisonnières ou les goulots d’étranglement de production et ainsi offrir à ses passagers un programme de vols fiable ». L’entreprise se défend contre les allégations de dumping salarial formulées par les médias ou les syndicats. Le recours à Air Baltic n’est « pas une décision stratégique de délocalisation de la production » […] ou réduire les coûts […]», témoigne l’un des porte-parole. «La Suisse préférerait exploiter elle-même ces vols.» Mais elle n’y est pas parvenue pour diverses raisons, notamment des problèmes de moteurs dans sa propre flotte.

Malgré ces affirmations, les salaires restent le principal point de discorde. Air Baltic verse à ses membres d’équipage un revenu minimum équivalent à environ 1’500 francs bruts. Chez Swiss, le salaire de départ est d’environ 4’000 francs. Un copilote d’Air Baltic reçoit 4’000 francs pour la première année de service. Chez Swiss, ce montant s’élève à plus de 7’000 francs.

Le canton de Zurich est dur

Lorsqu’une entreprise de construction étrangère a un contrat en Suisse, elle doit veiller à ce que ses travailleurs reçoivent le même salaire que s’ils étaient employés en Suisse. C’est ce qu’on appelle le détachement de travailleurs. La loi en la matière fait partie des mesures d’accompagnement par lesquelles la Suisse protège son marché du travail contre le dumping salarial et qui ont été introduites dans le contexte de la libre circulation des personnes avec l’UE.

Cette égalité de traitement n’existe pas dans le cas de location avec équipage d’Air Baltic. Après l’annonce par Swiss, en août 2022, de l’affrètement d’au moins six avions d’Air Baltic, le syndicat du personnel de cabine Kapers et son homologue letton se sont adressés aux autorités suisses.

Dans un premier temps, le Bureau de l’économie et du travail du canton de Zurich, dirigé par la directrice des affaires économiques Carmen Walker Späh (PLR), avait même qualifié l’opération de mise à disposition interdite de personnel. Ou comment terminer le processus en un clin d’œil. Le canton de Zurich est responsable de cette affaire car Swiss a son siège à Kloten.

La Confédération, plus précisément le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), a corrigé cette décision au printemps 2023, en mettant en avant le principe du détachement des travailleurs. Si cela est autorisé, les règles correspondantes doivent être respectées. Outre le postulat « à travail égal, salaire égal », cela implique l’obligation de déclarer l’activité ou d’obtenir une autorisation des autorités si la durée de l’activité dépasse 90 jours. À l’automne 2023, le SECO a chargé le canton de Zurich de réaliser une évaluation.

Ce qui s’est passé depuis n’est pas clair. Le Département de l’économie publique de Zurich a répondu aux demandes répétées des médias ces derniers mois en déclarant qu’il ne pouvait « fournir aucune information en raison de la procédure de recours en cours. Cela nécessite une clarification dans un contexte international. Cela prend du temps et nécessite que les parties concernées soient entendues, avec des voies de recours appropriées. Du côté d’Air Baltic, officiellement partie adverse dans la procédure, on ne sait pas grand chose. Le seul élément mentionné est le respect du droit du travail.

Compte tenu du peu d’informations disponibles, le scénario suivant est probable. L’automne dernier, les autorités zurichoises avaient l’intention de prendre les mesures nécessaires pour évaluer le principe du détachement. Dans ce contexte précis, ils auraient donné mandat à la commission tripartite pour fixer un salaire usuel dans le pays pour les activités concernées. Air Baltic serait alors tenue de le faire. La commission tripartite est composée de représentants du patronat, des travailleurs et du canton.

Selon les experts, une application rétroactive de ces directives salariales serait réaliste, de sorte qu’Air Baltic devrait payer des arriérés de salaires à ses employés. Cela pourrait représenter des millions de francs. En outre, une amende en cas de violation de la loi sur les travailleurs détachés serait possible. La durée de la procédure et les positions prises indiquent qu’Air Baltic se défend contre l’expertise devant l’instance de recours cantonale. Il serait alors possible de porter l’affaire devant le tribunal administratif de Zurich, voire devant le Tribunal fédéral.

Air Baltic a besoin d’argent

Swiss souligne que cela ne fait pas partie de la procédure. Elle n’a “aucun pouvoir en matière de droit du travail avec les salariés d’Air Baltic”, a-t-elle souligné à plusieurs reprises dans un communiqué. “C’est l’affaire d’Air Baltic.” Il n’est pas précisé si une décision des autorités ou d’un tribunal pourrait avoir des répercussions financières sur l’entreprise.

Swiss écrit également qu’elle ne conseille pas Air Baltic sur les questions juridiques. Mais force est de constater qu’elle s’engage activement auprès de son partenaire letton. Selon un communiqué de presse du canton de Zurich, la compagnie aérienne suisse s’est opposée à l’évaluation du SECO selon laquelle il s’agissait bien d’un détachement de personnel lors d’une table ronde l’année dernière. «En ce qui concerne l’organisation d’Air Baltic, les missions de ses employés commencent et s’arrêtent à Riga», explique Swiss pour justifier son point de vue. Le SECO ne souhaite pas prendre publiquement position et expliquer pourquoi il est arrivé au point de vue opposé.

Il est difficile de juger de l’extérieur combien de temps encore la procédure pourrait durer. Au moins jusqu’à l’été prochain, Swiss continuera à exploiter six avions d’Air Baltic. Par ailleurs, la société mère suisse, Lufthansa, a étendu son partenariat en septembre location avec équipage avec les Lettons jusqu’en 2028. On peut supposer que la Suisse pourrait y recourir. En octobre, elle a annoncé une nouvelle prolongation de cinq ans de son contrat avec Helvetic.

Tout cela va à l’encontre de l’objectif formulé en mars dernier par le chef des opérations suisse Oliver Buchhofer, lors d’un entretien qu’il nous a accordé. « Il est évident que nous souhaitons réduire la location avec équipage à l’avenir », a-t-il soutenu.

Pour Air Baltic, en revanche, le location avec équipage représente une contribution significative à sa stabilité financière. Contrairement à la Suisse, l’entreprise est dans le rouge. Jusqu’à présent, c’est l’État letton, qui détient près de 100 % des actions, qui a maintenu la société à flot. Or, selon de récents articles de presse, Lufthansa, la maison mère de Swiss, chercherait à acquérir 10 % de l’entreprise. Les entreprises ne se sont pas encore exprimées sur le sujet.

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Konrad Staehelin travaille chez Tamedia depuis 2020. Il est correspondant économique au Palais fédéral. Parallèlement, ce politologue de formation écrit sur le thème de l’aviation.Plus d’informations @KStaeh

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