L’industrie des croisières innovante, mais toujours polluante

Après quelques années difficiles en raison de la pandémie de COVID-19, le nombre de croisiéristes sur le fleuve Saint-Laurent a presque retrouvé les niveaux de 2019, avec près de 400 000 jours-passagers cette année. Ce nombre pourrait atteindre des sommets historiques à partir de l’année prochaine.

À titre de directeur général de l’Association des Croisières du Saint-Laurent, René Trépanier fait la promotion du Québec auprès des compagnies de croisières internationales. Actuellement, neuf villes et villages accueillent des navires de croisière sur le Saint-Laurent et les retombées économiques pour le Québec sont estimées à 700 millions de dollars par année, explique-t-il.

Sauf que ces visites ne se font pas sans répercussions sur l’environnement.

Le reportage de Jean-Sébastien Cloutier

De nombreuses études ont démontré l’effet des navires de croisière sur la qualité de l’air, en raison de la pollution produite par les fiouls marins. Un navire de taille moyenne, c’est-à-dire ayant environ 3 000 passagers à son bord, émettrait, chaque jour, l’équivalent d’un million de voitures en particules fines.

Une autre étude a conclu que les 218 paquebots qui ont navigué en Europe l’année dernière ont émis quatre fois plus d’oxyde de soufre que toutes les voitures du continent.

Il y a actuellement un groupe de travail au Québec sur la décarbonation de l’industrie maritime, et une des discussions que nous avons présentement est la possibilité de compenser l’action des armateurs comme les compagnies de croisière. Il les met à contribution pour pouvoir réinvestir via une fondation dans des projets de décarbonation naturelle.adds René Trépanier.

Dans le Saint-Laurent, nous sommes peut-être l’une des destinations les plus avancées en matière de planification du développement durable.

Une citation de René Trépanier, directeur général du St. Association des croisières du Laurent
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À titre de directeur général de l’Association des Croisières du Saint-Laurent, René Trépanier a pour mission de promouvoir le fleuve comme destination auprès des compagnies de croisières du monde entier.

Photo : Radio-Canada

Pendant ce temps, les technologies évoluent, répond Bill Zucker, porte-parole de Holland America, la compagnie de croisière la plus présente sur le Saint-Laurent.

Cet été, un de nos navires a voyagé entre les Pays-Bas et la Norvège, fonctionnant en partie au biocarburant. Le projet pilote a été un succès.

Une citation de Bill Zucker, vice-président des relations publiques chez Holland America Line

L’entreprise souhaite réduire ses émissions de CO2 de 20 % d’ici 2030, notamment grâce à un système de connexion à terre qui permet désormais à tous ses navires de fonctionner avec l’électricité du port, plutôt qu’avec leurs moteurs, lors des escales.

Encore faut-il que les ports d’accueil proposent ce système de connexion. Montréal est un exemple rare, et la technologie y a été utilisée lors de 12 arrêts cette année. Le port de Québec souhaite offrir la technologie pour 2030, en espérant des subventions pour ce faire.

Rien que pour l’installation de trois quais de croisière ici, on parle de 45 à 50 millions de dollarsexplique le PDG du Port de Québec, Mario Girard.

En poste depuis 2011, M. Girard souligne que des efforts ont déjà été déployés pour que l’industrie prenne un virage plus vert. Nous avons été l’un des premiers ports au monde, sinon le premier, à fixer un nombre maximum de passagers pour une journée donnée, soit 15 000.» affirme le PDG du Port de Québec.

Nombre de croisiéristes sur la planète

  • 2023 : 31,7 millions
  • 2027 (prévision) : 39,4 millions

La ville de Québec est loin de connaître un phénomène de tourisme de masse comme c’est le cas de villes comme Venise et Amsterdam, qui ont interdit aux bateaux de croisière l’accès à leurs centres historiques. Les ports d’escale de la province travaillent d’abord à prolonger leur saison de croisière, qui se termine habituellement à l’automne.

Un premier navire viendra au Québec cet hiver. L’Association des Croisières du Saint-Laurent accompagne les ports dans la mise en œuvre de leur plan de développement durable. Il s’agit de choses aussi simples que d’éliminer les plastiques à usage unique et de garantir que les achats locaux soient encouragés.specifies René Trépanier.

Et les eaux usées ?

Les ports de Québec et de Montréal collectent les eaux usées des navires de croisière en visite à l’aide de camions ou de barges. De plus, Transports Canada interdit à tout navire de déverser ses eaux usées à moins de 3 milles marins de la côte, soit environ 5,5 kilomètres.

Le fleuve est donc épargné jusque vers Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent. Les rejets sont autorisés en haute mer, mais l’eau est souvent préalablement filtrée, de nombreux bateaux disposant d’un système de traitement à bord.

Nous produisons également 85 % de l’eau utilisée sur nos bateaux par un processus de dessalement de l’eau de mer, et c’est de l’eau potable.ajoute Bill Zucker, Holland America.

Des doutes malgré tout

Professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Luc Renaud porte un regard critique sur l’industrie des croisières. Il cite une étude qui montrait qu’un navire consommait en moyenne l’équivalent de 28 000 à 29 000 litres d’essence aux 100 kilomètres.

Cela représente encore beaucoup d’énergie par passager pour déplacer des personnes qui, après tout, voyagent à des fins récréatives. Nous devons nous demander, en tant que société, si c’est le type de voyage que nous devrions promouvoir.

Une citation de Luc Renaud, professeur agrégé en études urbaines et touristiques à l’UQAM

De plus, la croisière ne vient pas vous chercher à la porte. Il faut souvent prendre l’avion pour aller à Miami, aller à Bostonajoute le chercheur.

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Les bateaux de croisière sont de plus en plus grands. Celui-ci peut transporter plus de 2000 passagers, ce qui constitue un navire de taille moyenne dans l’industrie.

Photo : Radio-Canada

M. Renaud ne nie pas que les compagnies de croisières aient fait des progrès, dans le traitement des eaux usées par exemple. Il déplore cependant que les bateaux soient le lieu de multiples formes de consommation et s’inquiète de la taille de l’industrie, qui pourrait accueillir 40 millions de passagers dans le monde d’ici quelques années.

Les bateaux deviennent de plus en plus performants, mais la croissance de l’industrie annule quelque peu les gains en efficacité énergétique, constate le professeur de l’InstitutUQAM.

Le plus grand paquebot du monde, leIcône des mers, de la compagnie Royal Caribbean, a été inauguré en janvier dernier. Il peut transporter 5 610 passagers, 2 350 membres d’équipage et pèse cinq fois plus que le Titanic.

 
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