Alors que tous les regards sont tournés vers Northvolt, un autre projet titanesque s’est vu octroyer un bloc colossal d’électricité par le gouvernement Legault : celui de Hy2Gen, sur la Rive-Nord. Retour sur les mégawatts (et les méga-enjeux) de cette méga-usine.
Publié à 1h50
Mis à jour à 9h00
307 mégawatts
Selon Radio-Canada, c’est la taille du bloc d’électricité qu’obtiendra la centrale de Baie-Comeau de l’entreprise allemande Hy2Gen. Seule Northvolt, avec ses 354 mégawatts (MW), en a obtenu davantage. Hy2Gen a publié un communiqué en juin dernier pour annoncer qu’elle avait obtenu un bloc d’électricité du Québec. Elle n’en a pas révélé l’ampleur, mais a estimé ses besoins à 300 MW. L’entreprise affirme encore aujourd’hui qu’elle n’a pas reçu de confirmation officielle de la quantité d’électricité dont elle bénéficiera et dit vouloir attendre cette confirmation avant de faire des commentaires.
307 MW, c’est…
0,65 % de toute la production d’électricité au Québec;
Plus que la production du barrage de la Romaine-1 (270 MW) ou celle du barrage de la Romaine-4 (245 MW), deux des quatre barrages formant le complexe de la Romaine ;
La production de 219 éoliennes1 soit cinq fois la production du parc éolien Cap-Chat, en Gaspésie (56 MW) ;
2,3 fois la puissance nécessaire pour alimenter tous les véhicules électriques du Québec lors de la pointe hivernale (132 MW) ;
Près de la moitié de ce que produisait la centrale nucléaire de Gentilly-2 (685 MW) ;
La quasi-totalité des réductions de la demande d’électricité ont été générées par tous les participants au programme Hilo, en moyenne, pendant les pointes hivernales (352 MW).
1. Utiliser des éoliennes de 4 MW, avec un rendement de 35 %
Sources : Régie de l’énergie du Canada, Hydro-Québec
Consultez les profils énergétiques des provinces et territoires sur le site de la Régie de l’énergie du Canada
Le projet
A quoi va servir toute cette électricité ? Hy2Gen se présente comme une usine verte d’hydrogène et d’ammoniac.
« La destination finale de nos produits est destinée aux sociétés minières de la Côte-Nord. Si nous avons un surplus, il ira aux sociétés minières ontariennes», m’a brièvement expliqué par courriel le président de Hy2Gen, Cyril Dufau-Sansot, promettant d’être plus bavard une fois l’ampleur du bloc électrique confirmée. par le Québec.
D’après ce que l’on peut comprendre du projet, Hy2Gen fabriquera d’abord de l’hydrogène vert en faisant passer un courant électrique dans l’eau (un processus appelé électrolyse). Cet hydrogène sera ensuite combiné à l’azote pour former de l’ammoniac. Selon ce qu’a expliqué M. Dufau-Sansot à Radio-Canada2l’ammoniac sera ensuite envoyé au groupe EPC de Fermont, qui fabriquera du nitrate d’ammonium, une substance utilisée comme explosif dans les mines.
Contrairement à certaines rumeurs qui circulent, M. Dufau-Sansot assure qu’aucune ammoniaque verte ne sera exportée vers l’Allemagne.
« Le projet n’exportera pas d’ammoniac puisque cela est interdit par les critères d’évaluation du projet MEIE. [ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie] et si nous avons été sélectionnés, c’est parce que nous respectons ces critères», écrit-il.
GES réduits
Selon Hy2Gen, le projet réduira les émissions de gaz à effet de serre (GES) puisque les explosifs actuellement utilisés dans les mines québécoises sont formés à partir d’ammoniac produit avec du gaz naturel.
“Le montant exact sera évalué lors de nos études d’impact environnemental (et dépend du nombre de mégawatts) mais est bien au-delà de 500 000 tonnes par an”, écrit M. Dufau-Sansot.
Johanne Whitmore, chercheuse principale à la Chaire de gestion du secteur énergétique à HEC Montréal, souligne qu’il faudra savoir quelle proportion de ces réductions se fait au Québec et laquelle se fait à l’extérieur.
Cela incite également à distinguer les réductions réelles des émissions « évitées » – ces dernières représentent des GES qui auraient été ajoutés par une augmentation de la production et qui ne le seront pas. Les émissions évitées n’améliorent pas notre bilan, elles l’empêchent seulement de se détériorer.
Critiques
L’attribution de ce bloc de pouvoir a été faite directement par l’ancien ministre Pierre Fitzgibbon. Outre Johanne Whitmore, de nombreux experts, dont Jean-Pierre Finet, du Regroupement des organismes Environnemental en Énergie, se demandent comment on peut accorder de telles quantités d’énergie électrique sans avoir démontré que c’est la meilleure utilisation de l’énergie. notre électricité.
« Nous avons besoin de transparence et d’indépendance dans le processus d’attribution », déclare Johanne Whitmore, présidente de la gestion du secteur de l’énergie.
Je suis tout à fait d’accord. Notre électricité est rare et convoitée. Avant de le proposer avec des centaines de mégawatts, il faut s’assurer de faire le bon choix. J’ai écrit à plusieurs reprises que le Québec a besoin d’un arbitre, d’un organisme indépendant capable de nous dire quelle utilisation de l’électricité génère les meilleurs gains environnementaux, économiques et sociaux.
Sinon, de TES Canada à Northvolt en passant par Hy2Gen, on déchirera nos chemises à chaque fois qu’un bloc d’électricité sera accordé à un industriel, incapable de savoir si c’est vraiment une bonne décision.
2. Lire le texte de Radio-Canada
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