Louis Vachon, réalisateur invité | Embauchez… vos précieux retraités

C’est parfois avec une grande tristesse qu’une entreprise voit un de ses employés et son vaste savoir-faire prendre sa retraite. La solution : soumettre une offre d’emploi irrésistible.


Publié à 1h11

Mis à jour à 6h30

À Sherbrooke, l’entreprise L’américain Biltrite n’a jamais regretté une seule seconde d’avoir utilisé cette stratégie avec certains de ses dirigeants ayant atteint l’âge de la retraite.

«Je ne dirais pas que ces gens ont le nom de l’entreprise tatoué sur le cœur, mais ils sont très productifs», m’a dit le vice-président aux opérations, Charles-Luc Lagacé.

Peu connue du grand public, American Biltrite existe depuis 1913. Son usine fabrique des revêtements de sol en caoutchouc destinés principalement aux secteurs de la santé et de l’éducation. De nombreux autres produits en caoutchouc – 3 000 pour être précis – y sont également fabriqués, d’où la grande complexité de ses opérations.

Un ancien directeur de l’usine, qui avait manifesté son intérêt à rester actif, a été embauché comme consultant pour un projet bien précis, soit la conception d’un guide contenant des méthodes de travail plus détaillées. Le document permet une meilleure formation des salariés. C’est une chose de savoir qu’il faut appuyer sur tel ou tel bouton, c’en est une autre de comprendre pourquoi, explique M. Lagacé, et les employés d’aujourd’hui doivent comprendre ce qu’ils font.

La rédaction de telles instructions n’avait jamais été possible auparavant, car le leader était, comme on pouvait s’en douter, trop occupé… à diriger.

Sa contribution s’est avérée particulièrement utile pour la trentaine de travailleurs étrangers venus de Madagascar et de Maurice. Compte tenu de leur origine culturelle différente, leur apprentissage durait plus longtemps. De nouvelles instructions « plus imagées, plus visuelles » ont permis d’accélérer le processus de formation.

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PHOTO FOURNIE PAR AMERICAN BILTRITE

L’entreprise sherbrookoise a embauché d’anciens cadres et a mis sur pied un programme pour les semi-retraités.

Le vice-président de la logistique chez American Biltrite possédait, quant à lui, une expertise très pointue en matière douanière. Il a donc été retenu pendant un an pour aider à temps partiel sur ce sujet précis. La clé du succès, estime M. Lagacé, est de bien connaître les compétences des gens afin de les utiliser de manière appropriée.

Quant à l’ancien vice-président à la recherche et au développement, il s’est vu confier le mandat de créer des formations pour les techniciens, les ingénieurs et certains gestionnaires. Dans son cas, il a été recruté par le comité sectoriel du travail (CSMO) de l’industrie du caoutchouc, mais l’américain Biltrite bénéficie de ses services de formation. Bref, il est revenu avec la bande.

Dans le contexte où la relative faiblesse de la productivité québécoise fait régulièrement les manchettes, ce type d’initiative qui permet la transmission des connaissances me semble hautement bénéfique.

American Biltrite accommode également ses ouvriers d’usine qui souhaitent ralentir avant la retraite, avec un programme appelé « 20-20 » conçu le syndicat. Il permet à deux salariés de partager un quart de travail de 40 heures en organisant leur propre horaire, à leur convenance. «Ça leur permet de prendre une retraite anticipée sans quitter leur emploi pour aller chez RONA», illustre M. Lagacé.

Avec la courbe d’apprentissage en usine qui s’étend au fil des années et les équipements étant complexes à exploiter, chaque départ à la retraite reporté est perçu comme un gain de productivité.

À l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, nous saluons ce type d’initiative et encourageons les entreprises à retenir leurs retraités pour plusieurs raisons.

Premièrement, la rétention coûte moins cher que le recrutement. Deuxièmement, une main-d’œuvre diversifiée stimule l’innovation et la créativité. De plus, « les personnes expérimentées sont plus productives que les jeunes travailleurs. Ils sont plus calmes, ils en ont vu d’autres», souligne la porte-parole Noémie Ferland-Dorval.

Charles-Luc Lagacé confirme cette productivité accrue.

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PHOTO DE LA PAGE FACEBOOK DE L’AMERICAN BILTRITE

Charles-Luc Lagacé, vice-président des opérations chez American Biltrite

Les personnes expérimentées connaissent les processus, font moins d’erreurs et trouvent plus facilement des solutions.

Charles-Luc Lagacé, vice-président des opérations chez American Biltrite

Dans une banque, ils connaissent aussi les clients. C’est pourquoi la Banque Nationale embauche un certain nombre de ses retraités. Depuis sept ans, 30 % d’entre eux ont accepté un mandat ponctuel, comme remplacer les vacances d’été. Cela est particulièrement vrai dans les succursales.

« Cent pour cent du temps, ce n’est pas une question d’argent. Les gens s’ennuient. Pas autant les collègues que les clients. C’est un contact très enrichissant et dynamisant », affirme Simon Ledoux, vice-président principal, réseau personnel.

Au Québec, le taux d’emploi des personnes âgées de 65 ans et plus est passé de 3,2 % en 2000 à 12,3 % l’an dernier. Mais il reste encore des préjugés à vaincre à l’égard des travailleurs âgés, qu’il s’agisse de leurs compétences informatiques ou de leur rapidité d’exécution.

Les entreprises doivent également faire preuve d’ouverture d’esprit lorsqu’un ancien manager souhaite accéder à des postes de niveau inférieur pour lesquels il est surqualifié. Il est normal de vouloir moins de responsabilités et de stress à un certain moment de sa vie, même si la société regarde d’un mauvais oeil ceux qui descendent l’échelle.

Tous les travailleurs ne prennent pas leur retraite avec mille et un projets en tête. Certains ont peur de se tourner les pouces et rêvent plus ou moins secrètement de garder un pied dans leur monde professionnel. Donnons-leur des rôles à la hauteur de leur expérience, car tout le monde y gagne.

Le mot de Louis Vachon, réalisateur invité

« La Banque Nationale continue de fonctionner avec un nombre important de retraités qui soutiennent l’organisation. Avec le vieillissement de la population, la rétention des talents est un enjeu important. J’ai donc pensé qu’aborder ce sujet serait une bonne chose pour de nombreux managers ou employeurs qui souhaiteraient comparer leurs notes avec celles des autres. Je voulais aussi amener les retraités ou les personnes proches de l’âge de la retraite à réfléchir et à se demander : s’il y a des problèmes, est-ce que je vais continuer à respecter mes conditions plus longtemps ? Et puis, en tant qu’employeur, comment fidéliser ces personnes ? »

Lire l’article « Plaidoyer pour l’indépendance financière »

 
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