À la fin de l’hiver 1935, les Mines d’or Canadian Malartic construisent une grande usine de traitement du minerai en Abitibi. Les premiers travailleurs venaient de partout au Québec, mais aussi du nord-est de l’Ontario et de l’Europe de l’Est. Ils s’installent dans un village privé construit par la société minière à proximité de ses infrastructures.
Malartic n’est pas une ville comme les autres, la municipalité est privée. Ainsi, ceux qui ne sont pas admis sont obligés de s’installer ailleurs sur les terres de la Couronne. C’est dans ce contexte qu’un petit hameau clandestin construit illégalement au nord de Malartic s’est établi. Ce rassemblement d’une quarantaine de maisons s’appellera officiellement Roc-d’Or et officieusement Putainville ou Paris-la-Nuit.
Le Roc-d’Or a eu de nombreux noms, dont Paris Valley. Vers 1938.
Photo prise de BAnQ, Rosemont-La-Petite-Patrie, Cartes postales, 3739750
Vue nord depuis l’extrémité sud du Roc-d’Or. 1937.
Photo prise de BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Canadien National. 08Y,P213,P302
L’extrémité sud du village de Roc-d’Or en 1937. Dans un rapport de l’inspecteur du ministère des Mines d’avril 1936, il est indiqué que 99 % des habitants des 40 maisons du village sont propriétaires de terres illégales. bars ou se livrer au « trafic des blancs », donc à la prostitution.
Photo tirée des fonds de BAnQ, ministère des Affaires municipales et des Régions
Mot de Jacques Miquelon : « Les clients y vont [au bordel] lorsqu’ils vont à l’épicerie, à la pharmacie ou à la banque et, sauf les âmes pieuses, personne n’est scandalisé.
Photo tirée des fonds de BAnQ Québec, ministère des Affaires municipales et des Régions
RUÉE SUR L’OR
La découverte de gisements d’or en Abitibi, au tournant de la Première Guerre mondiale, attire les prospecteurs et les hommes en quête d’une vie meilleure dans le Nord. Ces ouvriers connaissent bien le Roc-d’Or, un village sans morale et sans police permanente, un espace urbain où la prostitution est au cœur de l’activité commerciale et où les orgies alcooliques caractérisent l’humeur de la population.
Cette « Sodome et Gomorrhe » québécoise, composée principalement de bars, bordels et maisons de jeux, est apparue en 1936. Putainville bat au rythme de l’arrivée de nouvelles prostituées à la gare. Les hommes viennent y boire et lorsqu’ils sont bien équilibrés, ils font la queue pour recevoir les services sexuels des jeunes femmes dans l’un des bordels du village. La demande est tellement forte que, les jours de paye, nous devions faire venir des filles de Montréal pour prêter main-forte aux filles du Roc-d’Or. Dans les rapports de police de l’époque, on parle de chaos, de violence, d’établissements illégaux, mais aussi d’une population complètement hétérogène.
Un couple de squatteurs au Roc-d’Or. 1937.
Photo prise de BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Canadien National. 08Y,P213,P301
La démolition du Roc-d’Or. Dégoûté par la présence généralisée de prostituées et de débauche, le curé Joseph-Albert Renaud, de la paroisse de Malartic, va user de son influence pour détruire le village.
Photo prise du ministère de la Culture et des Communications de BAnQ Québec-Fonds
Village éphémère
Le quotidien dans ce bordel à ciel ouvert est loin d’être idyllique, les conditions de vie semblent difficiles, les ressources limitées, les violences et les conflits trop fréquents.
A Putainville, il n’était pas rare de voir des jeunes filles de 12, 13 ou 14 ans se prostituer pour 50 centimes. Lorsqu’elles étaient arrêtées, elles se retrouvaient dans une maison de correction pendant plusieurs années, mais lorsque les clients de ces filles étaient arrêtés, elles s’en sortaient presque toujours sans conséquences. De plus, si de nombreux habitants du village étaient marginalisés, il y avait des travailleurs exclus de Malartic et piégés dans cet environnement toxique.
L’aventure Putainville fut néanmoins de courte durée. En 1943, le gouvernement provincial décide par décret de détruire le village. Les derniers citoyens quittèrent le village mal-aimé en 1948.
L’histoire de Putainville est devenue une légende, un souvenir d’une époque révolue. Aujourd’hui, il n’y a plus de maisons dans le quartier de Putainville.