Une entreprise de fabrication d’éoliennes qui a reçu des millions de dollars en subventions pour créer des emplois locaux a fini par embaucher des centaines de travailleurs étrangers temporaires.
L’expansion rapide de l’usine LM Wind Power, spécialisée dans la fabrication de pales d’éoliennes géantes, a largement bénéficié des fonds publics ces dernières années.
L’entreprise américaine a reçu 5,7 millions $ en 2017 de Québec pour agrandir et moderniser son usine, un investissement qui devait créer 265 emplois en Gaspésie selon les libéraux de l’époque.
Un prêt de 29 millions de dollars de la province et une promesse d’une contribution de 25 millions de dollars du gouvernement fédéral pour une deuxième phase d’expansion ont été annoncés en juillet 2021.
« Nous créons de bons emplois pour la classe moyenne ici même au pays », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, faisant référence à la création de 200 nouveaux emplois et au maintien de 380 autres pour les Canadiens. (La subvention fédérale n’a pas encore été versée à ce jour.)
Les Philippins plutôt que les Québécois
Depuis lors, force est de constater que LM Wind Power a eu recours massivement à des travailleurs étrangers temporaires pour répondre à ses nouveaux besoins de main-d’œuvre.
Début 2022, quelques mois après les annonces d’aides, l’entreprise a obtenu l’autorisation d’embaucher 217 « assembleurs, finisseurs et contrôleurs de produits en plastique », selon les données ouvertes d’Emploi et Développement social Canada.
Au total, l’usine d’éoliennes s’est vu accorder le droit de pourvoir 431 postes internationaux depuis 2020, dont 87 postes à bas salaires depuis le début de l’année.
Selon Le devoirenviron 300 Philippins travaillaient aux côtés de 300 Québécois en février dernier.
L’intérieur de l’usine LM Wind Power, en 2015.
CAPTURE D’ÉCRAN NELSON SERGERIE
Cela signifie que l’aide gouvernementale a servi, ironiquement, à créer des emplois qui ont dû être occupés par des étrangers, qui ne peuvent travailler que pour LM Wind Power.
La multinationale a refusé de répondre à nos questions, notamment sur le nombre, le salaire et l’origine de ses salariés.
Pour l’économie régionale
Questionné sur le bien-fondé de tous ces millions, le ministère de l’Économie du Québec a soutenu que la création d’emplois dans la région contribuait à la vitalité économique, et que la décision de soutenir une entreprise se prenait « au cas par cas ».
« Le recrutement de la main-d’œuvre est une responsabilité qui incombe à l’entreprise », a ajouté la porte-parole Félicia Nicole.
Emploi et Développement social Canada n’a pas voulu revenir sur son intention de subventionner LM Wind Power.
Sur un siège éjectable
Julia Posca, chercheuse spécialisée dans l’immigration à l’Institut de recherche et d’information socioéconomique (IRIS), craint toutefois que les gouvernements encouragent indirectement le recours à la main-d’œuvre étrangère.
« On subventionne les entreprises tout en créant deux classes de travailleurs. Certains sont sur un siège éjectable, dans des conditions plus précaires », critique-t-elle.
Daniel Côté, maire de Gaspé, estime que l’arrivée de nouveaux arrivants est bonne pour la municipalité.
« Les travailleurs étrangers peuvent envoyer une partie de leur salaire à leur famille, mais la grande majorité est dépensée dans nos entreprises », explique le fonctionnaire municipal.
Formation temporaire
Le Québec a également investi 1,8 million de dollars pour former les travailleurs de LM Wind Power en 2021, même si plusieurs d’entre eux ne seront ici que pour quelques années.
Le ministère de l’Emploi analyse toutefois actuellement la pertinence de subventionner la formation des travailleurs étrangers temporaires « compte tenu de l’évolution du marché du travail ».
– Avec Marie-Christine Trottier
