L’avenir énergétique du Québec : des orientations qui divisent

Pour assurer l’avenir énergétique du Québec tout en enrichissant la nation, le gouvernement Legault devra faire des choix difficiles. Surtout à la lumière des consultations sur le projet de loi 69 du ministre démissionnaire Pierre Fitzgibbon qui ont pris fin jeudi à l’Assemblée nationale. Loin de faire l’unanimité, le projet de loi reste flou sur la façon de maintenir un tarif résidentiel bas et sur la privatisation de la production d’électricité. Les différents groupes de la société civile ont dévoilé les angles morts du morceau législatif. Les surplus ont disparu et le Québec manque d’électricité pour faire sa transition énergétique. Hydro-Québec prévoit donc dépenser plus de 150 milliards $ dans les prochaines années pour doubler sa capacité de production avec pour objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pour y parvenir, la loi doit permettre à la société d’État de se moderniser afin de pouvoir encadrer nos besoins énergétiques et son développement. Après avoir écouté les parties prenantes durant ces deux semaines de consultation, la nouvelle super ministre de l’Économie et de l’Énergie, Christine Fréchette, devra maintenant trancher et peut-être déposer elle-même des amendements pour réajuster la situation.

Maintenir la hausse des tarifs résidentiels à 3 %, vraiment ?

Photo d’archive, Olivier Bourque

Le premier ministre François Legault mise sur un doublement de la capacité d’Hydro-Québec tout en plafonnant la hausse des tarifs résidentiels à 3 %.

Rien dans le projet de loi n’impose toutefois le maintien de cette hausse limitée. Au contraire, dans sa forme actuelle, il instaure un « Fonds d’aide à la clientèle domestique d’Hydro-Québec ».

Cela signifie que tout l’argent des contribuables servirait à maintenir les tarifs résidentiels bas sur la facture des consommateurs, en compensant la société d’État pour ses pertes. Car le projet de loi confirme que les tarifs d’électricité pour les clients résidentiels, commerciaux et industriels augmenteront, à compter de 2026. La facture devrait refléter le coût réel de production et de distribution de l’électricité, dit-il. Le PDG d’Hydro n’a pas nié la possibilité d’utiliser un tel fonds pour équilibrer son budget.

L’Institut Trottier de l’énergie et l’Union des consommateurs ont tous deux souligné qu’il était impossible de doubler la capacité de production d’Hydro-Québec sans augmenter les factures des particuliers.

La Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal a qualifié le Fonds de stratagème « comptable » et « politique ». Les experts ont prôné une dépolitisation des tarifs, rappelant que ce problème avait été réglé par le passé en accordant le pouvoir de fixer les augmentations à la Régie de l’énergie.

Les entreprises ne veulent plus payer pour les logements

Le secteur industriel et les PME en ont assez de l’interfinancement des tarifs d’Hydro-Québec. Leurs factures d’électricité sont plus élevées pour financer le maintien d’un tarif résidentiel plus bas, soutiennent-ils. Même l’ancien ministre Fitzgibbon l’a souligné. Le projet de loi devait mettre fin à l’interfinancement. Or, le PDG d’Hydro-Québec et le premier ministre ont ensuite confirmé que les entreprises paieraient encore plus cher.

Une hausse de 5 % pour cette clientèle est en discussion. La nouvelle ministre de l’Énergie, Christine Fréchette, a annoncé qu’elle indexerait le bloc patrimonial réservé aux entreprises, mettant ainsi fin à ce « cadeau ». Au micro du comité, des représentants du milieu patronal et du secteur industriel ont décrié ces mesures, soulignant qu’un choc de prix pourrait entraîner des pertes d’emplois, voire des fermetures d’entreprises, notamment en région. Selon eux, l’énergie du bloc patrimonial devrait même coûter de moins en moins cher, car la construction des barrages a déjà été amortie et payée.

Jocelyn B. Allard, de l’Association des consommateurs industriels d’électricité du Québec, estime qu’il s’agit d’une taxe déguisée, et le vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, François Vincent, affirme que ce sont déjà les PME qui paient « pour tout le monde ».

La production privée en débat

Photographie Nicolas Lachance

Deux visions se sont affrontées lors de l’étude du projet de loi sur l’avenir énergétique : la crainte de la privatisation d’Hydro-Québec et la volonté d’élargir la distribution d’électricité par les producteurs privés. La loi bouscule le monopole d’Hydro-Québec et permet aux producteurs privés d’énergie renouvelable de vendre leur surplus d’électricité à un voisin adjacent afin de rentabiliser leurs investissements. Le syndicat des employés d’Hydro-Québec a dénoncé l’approche du gouvernement. Selon les calculs du syndicat, la part de la production privée d’énergie passerait de 5 % à près de 20 %. Hydro-Québec serait privée d’environ 3 milliards de dollars par année, soutient-il. Cependant, plusieurs groupes souhaitent plus de privatisation. L’Association québécoise de production d’énergie renouvelable a réclamé un élargissement pour que le mot d’ordre soit utilisé. proximité remplacer le mot adjacentLe PDG d’Hydro-Québec et le gouvernement ont assuré qu’ils n’avaient aucune intention de privatiser l’entreprise d’État. La ministre Christine Fréchette s’est dite «Hydro-Québécoise» et a rappelé que son père avait travaillé pendant 30 ans pour le fleuron québécois.

Les peuples autochtones s’expriment

Ghislain Picard Photo avec l’aimable autorisation

« Bonne chance. » C’est le message qu’a envoyé le chef de la communauté de Mashteuiatsh, Gilbert Dominique, au gouvernement du Québec. Les Premières Nations se sont présentées à l’Assemblée nationale, en colère de ne pas avoir été consultées au préalable sur le projet de loi 69. Elles souhaitent être actionnaires d’Hydro-Québec, en plus d’obtenir un siège au conseil d’administration et des postes dans la haute direction de la société d’État. Sinon, disent-elles, le gouvernement Legault aura du mal à produire les 10 000 mégawatts supplémentaires qui se situent en grande partie sur leurs territoires. « On veut non seulement avoir notre mot à dire, mais aussi la place qui est la nôtre », a déclaré le chef Ghislain Picard.

Le premier ministre a rapidement fermé la porte à une participation au capital d’Hydro-Québec, mais il s’est dit très ouvert à une participation « projet par projet ».

Diplomate, Christine Fréchette souhaite « travailler en partenariat, de nation à nation ».

À qui appartiennent ces précieux mégawatts ?


Éolienne

Photo Adobe Stock

Dès les premières minutes de la commission, le PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, a fait trembler les colonnes de l’Assemblée nationale en critiquant les choix énergétiques du gouvernement Legault. Il l’a accusé d’avoir offert « beaucoup » d’énergie à bas prix à des multinationales étrangères, au détriment des entreprises d’ici. Les surplus énergétiques ont disparu et le Québec manque d’électricité pour mener à bien sa transition énergétique. « Je pense qu’il faut rééquilibrer les choses », a-t-il dit. Des associations représentant des entreprises ont dénoncé le fait que leurs clients se soient vu refuser des blocs d’énergie afin de décarboner leur industrie. Au même moment, le gouvernement a offert des centaines de mégawatts à des entreprises comme Northvolt pour propulser sa filière de batteries, siphonnant les ressources disponibles. Faute d’électricité, il est « normal » que des blocs d’énergie soient refusés pour la décarbonation, estime Québec. Or, le plan d’Hydro-Québec vise à utiliser 75 % de la nouvelle énergie pour la décarbonation du Québec et 25 % pour la croissance économique. Le projet de loi ne prévoit aucune mesure directe concernant l’allocation d’énergie dédiée à la décarbonation. Ils viendront avec le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (voir autre texte). En attendant, la ministre Christine Fréchette assure vouloir opérer un virage nationaliste et rééquilibrer les choses en accordant de l’énergie aux entreprises locales.

Un plan nécessaire pour l’avenir

Le terme n’est pas sexy : Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques. Mais, c’est le point central du projet de loi 69. Il doit définir les besoins en énergie et les projets qui seront déployés pour la produire. De combien de barrages, de projets éoliens, de parcs d’énergie solaire, de gaz naturel renouvelable avons-nous besoin ? D’ici quand ? Pour qui ? Et comment ? Le plan offrira une prévisibilité afin d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Tous les intervenants ont salué la création de ce plan nommé par son acronyme, PGIRE. Toutefois, les intervenants environnementaux ont critiqué le fait que le plan soit mis en œuvre après l’adoption du projet de loi. Il aurait dû être présenté avant l’étude du projet de loi afin de connaître la vision exacte du gouvernement du Québec et ses besoins pour atteindre les objectifs de décarbonation, disent-ils.

Quelques chiffres

  • Ce que veut Hydro-Québec : 10 000 mégawatts supplémentaires, ou 13 barrages comme La Romaine
  • Objectif : 75% d’énergie pour la décarbonation et 25% pour la croissance économique
  • Combien cela coûtera-t-il ? : plus de 150 milliards de dollars d’ici 2030
  • Augmentation possible des taux d’imposition des entreprises : de 4% à 5%
  • Objectif : décarboner le Québec d’ici 2050
  • Hydro-Québec deviendra le maître d’œuvre de projets éoliens de plus de 1000 MW.
  • 10 et 12 milliards de dollars prévus pour le programme d’efficacité énergétique
  • En fonction de votre consommation, une modulation du tarif de l’électricité est possible dès 2026.
  • Un tarif spécifique pour les grandes maisons à surconsommation est prévu.

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