J’aime l’actualité, je l’ai longuement couverte pour Le Soleil et La presse. J’aime les séries policières et j’aime l’écriture précise de Luc Dionne, le grand spécialiste des affaires criminelles à la télévision québécoise.
Sans surprise, j’ai vraiment aimé la nouvelle mini-série L’appel du créateur de Arrondissement 31qui raconte, avec un souci du détail remarquable, le travail acharné des enquêteurs de l’escouade Carcajou et de la procureure France Charbonneau pour coincer et emprisonner le dangereux Maurice « Mom » Boucher, chef des Hells Angels de Québec.
En six épisodes d’une heure, dont les deux premiers débarquent jeudi sur la plateforme illico+ de Vidéotron, le toujours bien informé Luc Dionne revisite la période chaotique de la guerre des motards entre les assassinats de deux surveillants de prison de Montréal en 1997, et la condamnation de Maman. Boucher pour ces deux meurtres, en mai 2002.
C’est le genre de production élégante et moelleuse qui vous catapulte dans des recherches Google sans fin. Comment s’appelle le garçon de l’informateur vedette Stéphane « Godasse » Gagné ? Réponse : Harley-David. Vous ne pouvez pas l’inventer.
Presque tout ce que vous regarderez L’appel existait bel et bien, à une exception près : les noms des policiers impliqués. Alors qu’une pléiade de policiers travaillaient sur le très grave cas de Maman Boucher, Luc Dionne concentrait et répartissait leurs actions sur une poignée de personnages de fiction, dont un enquêteur principal, Sylvain Provencher (Patrice Robitaille), inspiré de son bon ami Guy Ouellette, de la Sûreté du Québec, et Robert Pigeon, membre fondateur de Carcajou.
En plus du déterminé et efficace Sylvain Provencher, L’appel s’appuie principalement sur l’avocate France Charbonneau (Magalie Lépine-Blondeau) et le tueur à gages Stéphane « Godasse » Gagné (Pier-Luc Funk), qui va rapidement retourner son manteau dans l’histoire.
Techniquement, L’appel entre dans la catégorie des séries périodiques, car elle se déroule il y a plus de 25 ans. Heureusement, la réalisatrice Julie Perreault ne va pas trop loin avec les gadgets, les looks et les coiffures vintage, qui auraient détourné notre attention de l’histoire à la fois complexe, fascinante et véridique.
Magalie Lépine-Blondeau incarne une France Charbonneau hétéro, discrète, pugnace, brillante et isolée dans un bureau assez machiste. Son personnage, plus effacé dans les deux premiers épisodes que j’ai vu, gagnera en importance dans la suite, lorsqu’elle supervisera le deuxième procès du patron Maurice Boucher, acquitté pour la première fois des meurtres des surveillantes Diane Lavigne. et Pierre Rondeau, en novembre 1998. Comment oublier la scène inquiétante de la sortie triomphale de Boucher du palais de justice de Montréal, entouré de ses acolytes ?
L’appel commence par une scène en apparence banale, mais qui amorce pourtant la chute du gangster sorelien. Le premier domino est tombé dans un champ de Mont-Rolland, aujourd’hui fusionné avec Sainte-Adèle, en mars 1997.
-Stéphane « Godasse » Gagné, prêt à tout pour rejoindre les Hells, et son confident Steve Boies (Thomas Delorme, méconnaissable) liquident le trafiquant Christian Bellemare (Maxime Gibeault) en lui tirant une balle dans le dos et dans le cou. Par miracle, Bellemare survit à la fusillade, et Boies et Gagné l’achèvent en l’étranglant à quatre mains. Ils enterrent ensuite le corps de Bellemare sous un tas de feuilles et s’en vont.
Mais par un autre miracle bien réel, et digne d’un film des frères Coen, Christian Bellemare survit à son étranglement et déballe son sac à la police, ce qui conduit à l’arrestation du petit gangster Steve Boies, le premier à signer un contrat d’informateur.
Autour de Stéphane « Godasse » Gagné, la chaleur monte. Dans les prisons québécoises, la tension monte. Tout risque de péter. Le soir du 5 décembre 1997, l’escouade Carcajou coince Stéphane Gagné et sa compagne, Marie-Claude Nantais (Léa Roy), à Saint-Ignace-de-Loyola, alors qu’ils s’apprêtaient à disparaître.
Le talent de Luc Dionne se manifeste dans les scènes où il montre comment les policiers ont minutieusement manœuvré autour de Gagné pour le briser et lui arracher des aveux. C’est impressionnant.
Les scènes d’interrogatoire entre Patrice Robitaille et Pier-Luc Funk sont captivantes. Et Funk réussit presque à nous faire aimer son violent Godasse, bien qu’il soit un assassin lâche et peu instruit. Grosse réussite.
L’ombre de Maman Boucher plane évidemment sur cette mini-série historique réalisée par Fabienne Larouche. Les protagonistes parlent beaucoup du chef guerrier des Hells Angels, mais la caméra ne le montre que lorsque cela est nécessaire. Pas question de glorifier la vie de ce bandit « full patch ».
Dans un premier temps, Luc Dionne refusait catégoriquement d’attribuer le rôle de Maman Boucher à un acteur. Mais lors de l’écriture du scénario de L’appelle constat s’est imposé : il fallait illustrer cette « menace » que représente le motard montréalais, sans forcément lui donner un tas de réponses à dire.
Dans le rôle de Boucher, Vincent Graton est bluffant. Il ne parle pas beaucoup et quand il le fait, il est terrifiant. Et avec ses cheveux coupés en ras du cou et ses gros bijoux, il ressemble beaucoup au bandit le plus célèbre de la province, décédé d’un cancer de la gorge en juillet 2022.
C’est cette même maman Boucher qui, après le meurtre de Diane Lavigne, a félicité son employé Stéphane Gagné en lui disant : « C’est beau, ma Godasse, c’est pas grave si elle avait des tétons. » Un détail 100 % vrai – et carrément dégoûtant – que Luc Dionne n’allait certainement pas couper au montage.
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