Caroline Vigneaux est comédienne et actrice. Elle se situe, pour reprendre ses mots, entre les jeunes et les vieux, donc à mi-chemin de sa vie. Ayant débuté sa carrière dans le métier d’avocat, elle passe le barreau de Paris au cours Florent. S’ensuit un show, un premier one woman show, C’était une fée. Aujourd’hui elle est de retour sur scène avec son spectacle Chez Vigneaux Véritas et elle sera du 20 au 22 mars au Grand Rex avant de partir en tournée dans toute la France.
franceinfo: Chez Vigneaux Véritasest-ce donc un spectacle pour dire la vérité, rien que la vérité et toute la vérité ?
Caroline Vigneaux : Mais pas seulement ! Je dis la vérité, mais je préviens les spectateurs dès le départ que j’utilise beaucoup le second degré. Comme j’ai vu que c’était un art qui était en train de se perdre. Alors, avec humour, j’explique chaque soir aux spectateurs la différence entre le premier et le deuxième degré.
À quel moment décidez-vous de passer du plaidoyer à l’évasion ?
Déjà, quand mon grand-père est mort, j’ai compris que j’allais mourir. Il s’appelle Robert Schneider et c’est quelqu’un d’important dans ma vie. Mais la planète continue de tourner comme si Robert Schneider n’était pas mort et là, je me dis que quand Caroline Vigneaux mourra, ce sera pareil. La mort m’a donné la liberté. Je me suis dit, il y a quelque chose au fond, comme un nénuphar qui pousse, et c’est de la comédie. Je l’ai découvert chez les avocats, où on faisait des sketchs entre amis et je me suis dit : « mais c’est ce que je veux faire professionnellement ».
Lorsque vous avez décidé de quitter le barreau de Paris, la plus grande difficulté a été de l’annoncer à vos parents. Ta mère n’a jamais cessé de te demander si tu avais d’autres projets et cette émission est pour ton père. Il est mort à 68 ans, cela a eu un impact énorme et vous dites qu’il a été le moteur de votre vie.
C’est vrai, nous avons toujours été les uns contre les autres, en confrontation. J’ai essayé à chaque fois d’obtenir quelque chose, ça n’a jamais marché. Et ça s’est terminé de la même façon, j’ai reçu une gifle et j’ai été enfermé dans ma chambre. Je réalise que tout ce que j’ai fait était pour lui prouver. Et quand il est parti, c’était comme si je n’avais plus aucun contre-pouvoir ni aucune force et tout mon corps s’est effondré. J’ai dû être hospitalisé en urgence, ce fut un drame. Ma sœur a vraiment paniqué parce qu’elle venait de perdre son père et elle pensait qu’elle allait perdre sa sœur. D’ailleurs c’est ma sœur qui, à l’hôpital, est venue me remettre le bracelet de mon père en me disant : “Tu ne vas pas mourir, il va te protéger et tu vas rester avec moi.” Je le porte donc depuis.
Monter sur scène permet de dire les choses sans détour. Vous avez du caractère et malgré ce caractère, vous avez subi une agression sexuelle, et cela en dit encore long.
Non seulement j’en ai subi une, et pas une seule car nous sommes toujours aux prises avec deux agressions sexuelles complètement aléatoires. Dans la rue, et un viol par une connaissance. Et je n’ai jamais déposé de plainte. Même si je suis avocate, je suis une femme forte et je n’ai pas trouvé le courage d’affronter ce à quoi sont confrontées les femmes qui vont porter plainte. A savoir la justice, le pourquoi, les questions. Je voulais seulement prendre une douche, oublier ça et surtout gérer la honte de manière très simple car si on n’en parle à personne, on n’a pas honte car personne n’est au courant. Et c’est toi avec toi-même.
“Jusqu’à MeToo, je pensais que j’étais responsable, que je n’avais pas respecté telle ou telle règle de ne pas m’habiller comme ça, etc.”
Caroline Vigneauxsur franceinfo
En fait, ce n’est pas moi le problème, c’est un problème bien plus important et plus endémique. Après, je me suis senti comme un lâche en disant : « Mais ils y vont ! Pourquoi n’y vas-tu pas ? J’avais peur de supposer et d’entendre : “Elle fait ça pour vendre des billets”, “c’est pas vrai”, ou “c’est la mode”c’est ce que j’ai souffert depuis. Mais je me suis dit, ça suffit maintenant, je vais y aller aussi, je dis que je suis féministe, mais je vais le faire dans un endroit qui est ma place, mon spectacle. Et je vais aller plus loin. Je vais en faire rire pour laisser un message fort qui est : ça ne nous détermine pas. Et laissez un message aux assaillants : malgré ça, on va continuer à rire, vous n’allez pas complètement nous gâcher la vie. C’est ce que je voulais dire.
Au fil du temps, vous avez décidé de continuer à conserver cette indépendance. Vous autoproduisez ce spectacle, est-ce difficile aujourd’hui de monter sur scène et de le faire produire ?
Je le pense, mais c’est particulièrement difficile d’entendre « non ». Quand tu as une vision, et qu’on te dit : « Ah oui, mais non, c’est trop risqué, fais plutôt ça. » Je n’ai pas non plus trouvé de productrice et j’ai toujours été produite par des hommes. J’ai dit, ça suffit maintenant, j’en ai assez. Mon père est décédé et il s’avère que ma sœur et moi avons hérité de sa maison, ce qui crée un petit pécule. Et j’ai décidé de prendre le risque de perdre la maison et de miser sur le théâtre Edward VII. C’est un grand théâtre, plus de 700 places et je pense qu’aucun producteur n’aurait voulu me produire dans Edouard VII, c’est sûr. Alors là, ça a bien fonctionné, on a eu plus de 40 000 entrées, les spectacles affichaient complet tous les soirs et c’était magique. J’en parle aujourd’hui avec beaucoup de joie et de fierté, je n’ai vraiment pas peur de le dire.
“Quand on a cette chance de se dire : ok, je n’ai plus envie de travailler avec des gens qui ne m’apportent pas de bonnes ondes, c’est libérateur.”
Caroline Vigneauxsur franceinfo
Vous avez troqué vos talons contre des baskets. Est-ce que vous êtes belle dans ces baskets aujourd’hui ?
Je me sens bien dans mes baskets. Cela montre simplement que vous pouvez vieillir et être en très bonne santé.
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