Inspiré par les paysages et les territoires transformés par la consommation de masse, Wally Dion, un autochtone de la Saskatchewan, a décidé d’utiliser les déchets électroniques pour créer des œuvres d’art.
Si depuis quelques années Wally Dion, originaire de la Première Nation des Saulteaux de Plume jaune en Saskatchewan, était travailleur social, l’art ne l’a jamais vraiment quitté. Son père était aussi très créatif
plus il a plus ou moins réussi à cause de son alcoolisme
dit Wally Dion en entrevue avec Espaces nationaux.
Il estime aussi avoir hérité de son père cette envie de travailler de ses mains, avec en plus l’envie de lutter contre l’injustice.
C’est ainsi que Wally Dion a commencé à étudier l’art à l’Université de la Saskatchewan. En 2006, il a décidé appuyer sur la gâchette
et à entrer dans l’art
dont sa première grande série de portraits intitulée Le travailleur rouge.
Wally Dion peint également des œuvres mettant en valeur les peuples autochtones.
Photo : Avec la permission de : Wally Dion
Inspirée du style des portraits de l’ex-URSS, cette série représente des hommes et des femmes autochtones au travail. Je voulais briser le stéréotype de « l’Indien paresseux »
dit-il.
Wally Dion se présente comme intéressé par les enjeux environnementaux et sociaux, les questions de justice, de politique et d’histoire. Et l’art est un exutoire.
Je peux voir les choses qui ne vont pas dans le monde et je les traite à travers mon art
il explique.
L’envie de mettre en lumière ces questions le pousse à travailler en parallèle sur un projet dans lequel il utilise des circuits électriques. Il combine en fait deux idées qui lui viennent à l’esprit : illustrer les femmes autochtones au travail d’une part, et les technologies d’autre part.
Deux thèmes qui, a priori, n’ont rien à voir l’un avec l’autre.
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L’artiste Wally Dion a réalisé une série de courtepointes de circuits imprimés.
Photo : Avec la permission de : Wally Dion
Mais Wally Dion parvient à les unir en créant des quilts, symbole du travail des femmes autochtones, en assemblant d’anciens circuits imprimés.
Le circuit imprimé est devenu le symbole des femmes travaillant ensemble à la confection de courtepointes.
explique l’artiste.
Ce n’est pas sans raison que Wally Dion a spécifiquement choisi le quilt. C’était une nécessité pour de nombreuses communautés : les vêtements et couvertures usagés étaient découpés et transformés en nouvelles couvertures. Pour les Autochtones, les courtepointes ont une valeur culturelle importante.
D’ailleurs, vers 2008, Wally Dion avait déjà conçu une première série de quilts translucides baptisée Courtepointes d’herbe.
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Wally Dion s’est fixé un objectif : atteindre l’excellence de Kent Monkman, un artiste cri du Manitoba.
Photo : Avec la permission de : Wally Dion
Ce qui se trouve sous terre
Utilisant toujours des circuits imprimés, Wally Dion aborde également l’industrie extractive et ce qu’elle peut représenter d’un point de vue plus spirituel dans la série Oiseau-tonnerre. On reconnaît parfois dans les œuvres de cette série le squelette d’un oiseau-tonnerre.
Il s’agit d’une créature légendaire qui existe dans l’art et les traditions orales de nombreux pays d’Amérique du Nord. Cet animal est également lié à l’électricité et aux tempêtes
ajoute Wally Dion.
Je parle de la façon dont ces géants peuvent être dans le sol, dans la terre. Je pensais particulièrement aux sables bitumineux du nord de l’Alberta et à la façon dont [la machinerie] gratte la terre pour en extraire le pétrole. Une terre riche. Et je me suis dit que tout ce qu’il y a dans ce pays, ils s’en moquent du tout, que ce soit des restes humains ou autre chose.
explique encore M. Dion.
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La série comprend plusieurs ouvrages mettant en valeur des circuits imprimés dont les composants proviennent de l’industrie extractive.
Photo : Avec la permission de : Wally Dion
L’artiste, à travers cette série, souligne que les consommateurs se soucient peu de la manière dont sont fabriqués les composants présents dans leurs appareils électroniques.
L’avenir est bien plus important pour la société. Et, en ce sens, les gens sont prêts à décimer complètement la Terre.
Mais il semble aussi avoir un certain attachement au passé.
Il évoque les fossiles de dinosaures, et la terre elle-même qui date d’une époque lointaine. Le pétrole appartient au passé, enfoui depuis des millions d’années. Lorsque nous brûlons des combustibles fossiles, comme le pétrole des sables bitumineux, nous prenons quelque chose qui a été enfoui pendant des millions d’années et le ramenons en 2024.
dit-il.
L’artiste va encore plus loin dans sa réflexion. Lorsque des combustibles fossiles sont extraits de la terre, des squelettes sont produits, dont celui de l’oiseau-tonnerre. Puis en brûlant l’essence, on renvoie le Thunderbird dans l’atmosphère.
Considéré comme un fossile ou comme une prophétie vivante, LE Oiseaux-tonnerre sont extraits des sables bitumineux du nord de l’Alberta et ressuscités pour vivre parmi les êtres humains
grâce à l’extractivisme, explique-t-il.
Faire une autre place aux œuvres autochtones
Dans son travail d’artiste, Wally Dion s’est fixé un objectif : atteindre l’excellence dans Kent Monkmanun membre cri de la communauté de Rivière Fisherau Manitoba. Ces derniers ont beaucoup utilisé les images coloniales pour en changer le sens.
Il milite également pour l’inclusion de l’art indigène dans l’art en général, sans l’enfermer dans une catégorie réservée aux artistes indigènes. Nous devons les insérer dans notre histoire en raison de leur travail, de leur contribution, et pas seulement parce qu’ils sont autochtones.
il explique.
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Le tableau « Bacchanale » de Kent Monkman.
Photo: - / Hadrien Volle
Wally Dion croit également que l’art autochtone doit être observé sous le regard critique des artistes, afin qu’il rendre notre art plus fort
. Car, lorsque ce sont des allochtones qui critiquent l’art autochtone, il y a toujours le risque que cela soit perçu comme du racisme selon lui.
C’est pourquoi, dit-il, les œuvres indigènes contemporaines n’ont pas été bien examinées
.
Il faut donc saisir l’opportunité de sortir l’art autochtone de son environnement, pour le rendre plus accessible au Canada dans son ensemble, poursuit l’artiste, sachant que cette opinion ça fait parfois grincer des dents
.
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L’artiste vit désormais aux États-Unis, mais revient au Canada, notamment pour des expositions.
Photo : Avec la permission de : Wally Dion
Actuellement, Wally Dion travaille à la confection d’une courtepointe, cette fois en tissu, pour parler des prairies de la Saskatchewan.
Je veux qu’elle dise “Terre de retour »parce que cette phrase veut dire beaucoup de choses. je vais la ramener [la courtepointe] dans les prés, accrochez-le à l’aide de poteaux de tipi, voyez à quoi il ressemble entouré d’herbe
il explique.
L’idée pour lui est de travailler hors de son studio dans l’État de New York, de retourner à la terre, en plein air
et aussi déplacer ma pratique artistique des musées et des galeries vers le public lui-même
.
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