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“J’ai arrêté les événements pour faire de l’ail noir”

«Je ne crois pas à la chance. Pour réaliser quelque chose, il faut travailler dur, ne jamais abandonner, et on finit par y arriver. C’est mon grand-père, Eric Grand d’Hauteville, qui m’a inculqué ces valeurs. Il m’a soutenu financièrement pendant mes études, mais je devais marcher droit (c’était un colonel !), je n’avais pas le droit à l’erreur. C’est cette attitude qui m’a permis de travailler dans les meilleures entreprises du moment tout au long de ma carrière.

Je suis née et j’ai grandi en Suisse, mais après mon matu fédéral, je ne me voyais pas entrer à l’Université, dans ses auditoriums de 500 personnes, et ses cours auxquels on pouvait assister… ou pas ! C’était trop de liberté et j’étais trop excité ! Je suis parti à Toulouse pour faire un BTS tourisme, qui promettait une grande partie de stages pratiques. J’ai passé trois mois dans une petite agence de communication, et c’est comme ça que je suis tombée dans le monde de l’événementiel. On organisait des conférences médicales, avec beaucoup de logistique, et j’ai adoré. J’ai poursuivi mes études en et après un master en marketing, je suis retourné en Suisse pour travailler dans une agence média, puis dans un magazine musical.

Je travaillais avec les jeunes marques du moment pour organiser de grands événements, j’étais la personne parfaite, j’avais 23 ans, avec des cheveux roses, c’était très dynamique mais pas très sérieux.

Puis j’ai rejoint une nouvelle agence qui accompagnait les artistes s’exprimant à travers événements et des musiciens qui ne sont pas encore très connus, mais c’était peut-être un peu trop avant-gardiste. Je suis ensuite allé à l’extrême inverse au Montreux Jazz Festival, comme si je retournais une boule à neige ! J’ai travaillé dans les coulisses et côtoyé les artistes, leur entourage, leur manager. Dans ce cadre, j’ai rencontré le directeur technique de Miles Davis Hall, qui possédait une agence à Genève, active dans le luxe, et qui m’a embauché.

Pendant sept ans, j’ai voyagé aux quatre coins du monde pour organiser de merveilleux événements internationaux, notamment pour des marques horlogères. Ma vie était bien remplie, mais mes actions semblaient futiles. Ma quête de sens s’est transformée en crise de la quarantaine, j’ai quitté mon travail pour partir quatre mois en sac à dos, en Indonésie, en Papouasie Nouvelle Guinée, etc. Ce que les autres font généralement à 20 ans, je l’ai fait à 40 ans ! Et quand je suis revenu, je me suis dit : qu’est-ce que je vais faire ?

J’avais entendu parler du projet Solar Impulse en 1999, lors d’une exposition de Yann Arthus-Bertrand, et je me demandais où ils allaient. Nous sommes désormais en 2013, l’avion n°1 vient de rentrer des Etats-Unis, et la construction de l’avion n°2 était sur le point de commencer. Je me suis dit : c’est ce que je veux faire ! Je n’avais ni les pistons ni la jeunesse de leur équipe, mais je les ai contactés. J’ai mis en avant mon expérience, les régions du monde que je connaissais, ma grande disponibilité.

Cela m’a pris un an, mais au fil des rencontres et des connexions, j’ai rejoint cette incroyable aventure humaine avec Bertrand Piccard et son équipe en octobre 2014. J’en ai encore les larmes aux yeux, c’était tellement extraordinaire.

En janvier 2015, l’avion a décollé d’Abu Dhabi, et pendant les deux années du projet j’ai organisé des événements lors des escales, avec tous les défis que cela représentait, en Chine, en Inde et ailleurs sans parfois savoir où et quand l’avion allait atterrir. C’était incroyablement intense, on dormait à peine, on travaillait dans des conditions extrêmes. Pour en revenir à la boule à neige, c’était assez magique mais aussi souvent flou : on ne voyait pas à travers !

Bénéfice de la pandémie

Ce qui reste aujourd’hui, c’est le message : cet avion a fait le premier tour de la Terre sans une goutte d’essence ! En 2016, après le succès de l’aventure, je reste dans l’équipe pour organiser la vie publique de Bertrand Piccard. Après son exploit, tout le monde le voulait, je répondais à des centaines de mails par jour, c’était fou. Puis ça s’est calmé, et j’ai senti qu’on n’avait plus les mêmes objectifs. J’ai perdu la foi, mon âme et mon cœur n’étaient plus d’accord, j’ai vécu une immense fracture… qui s’est manifestée par une véritable double fracture cette fois du poignet, qui m’a éloigné du travail pendant six mois. Durant cette période, je n’étais plus dans le jeu, j’ai été remplacé, point final. Tout s’est arrêté, d’abord pour moi puis très vite pour le monde entier. Nous sommes fin 2019, début 2020, c’est la crise sanitaire au niveau mondial.

Coincés à la maison, les gens se sont mis à faire du pain, pour moi c’était de l’ail noir !

Je ne dirais pas que l’ail noir m’a sauvé, mais le processus de reconnexion à une activité manuelle, de se lancer dans un long processus, qui transforme radicalement un produit aussi simple que l’ail en un trésor aux vertus infinies, ce fut une révélation.

Le processus alchimique est incroyablement nourrissant pour l’âme. Ces gousses confites deviennent molles, prennent des saveurs de réglisse, de prune, elles peuvent être consommées telles quelles pour bénéficier de tous les bienfaits santé de l’ail sans avoir de problèmes d’haleine ni de digestion.

Comme un autre monde

Sous le nom « Le Ciel d’Axel », j’ai créé des recettes de tartinables à l’ail noir : caviar d’aubergines, houmous de pois chiches que j’achète chez un producteur bio de la région, puis encore des recettes. des colorés à base de courgettes, poivrons, lentilles. Et ça marche ! La demande pour mes produits ne cesse d’augmenter, ce qui m’oblige désormais à trouver un laboratoire pour produire avec plus de flexibilité et ainsi honorer les nouvelles commandes.

Je peux utiliser ma créativité, j’expérimente toujours pour développer de nouvelles variations. J’ai découvert un autre monde.

Des fournisseurs aux acheteurs, tout le monde est gentil, j’ai trouvé une nouvelle voie qui me rend tellement heureuse. Je gagne beaucoup moins, c’est sûr, mais j’ai gagné en liberté, je peux dire non parfois, ce que je ne pouvais pas faire avant ! Je ne regrette rien de ma carrière (je déteste le mot carrière), j’ai adoré tout ce que j’ai fait, je n’ai jamais fait deux fois la même chose. D’ailleurs, qui sait, si je secoue encore la boule à neige… »

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