le paquebot à la conquête des mers et égérie du modernisme

le paquebot à la conquête des mers et égérie du modernisme
le paquebot à la conquête des mers et égérie du modernisme

Ces dernières années, plusieurs expositions ont été consacrées aux paquebots de légende, axées sur les décoratifs et l’art de vivre. Très différent, celui-ci adopte un double point de vue : le paquebot comme objet moderniste, source d’inspiration des architectes, peintres, affichistes, photographes d’avant-garde, et l’expérience du voyage à bord des navires transatlantiques dans l’entre-deux-guerres, focalisant principalement sur les plus spectaculaires d’entre eux, Normandieinauguré en 1935.

Une source d’inspiration pour les artistes

« L’aventure des paquebots couvre un siècle d’histoire, des années 1860 aux de 1962. Notre discussion se concentre sur une période étroite, de 1913, année de l’ouverture à New York de l’Armory Show, première grande exposition internationale d’art moderne aux États-Unis, jusqu’à 1942, date de l’incendie qui dévaste Normandie dans le port de Manhattan », explique Sophie Lévy, directrice du Musée des Arts de Nantes.

Le lancement de Normandie1933, huile sur toile, 116 x 73 cm, détail, Laval, Musée d’art naïf et d’art singulier. ©ville de Laval. class=”taille-moyenne wp-image-198379″ data-lazy-src=”https://en.daysid.com/wp-content/uploads/2025/01/the-liner-to-conquer-the-seas -et-muse-du-modernisme.jpg”/>La Lancement de Normandie, 1933, huile sur toile, 116 x 73 cm, détail, Laval, Musée d’art naïf et d’art singulier. ©ville de Laval. class=”taille-moyenne wp-image-198379″/> Jules Lefranc, Le lancement de Normandie1933, huile sur toile, 116 x 73 cm, détail, Laval, Musée d’art naïf et d’art singulier. ©ville de Laval.

Dans une élégante scénographie bleue et blanche, la première partie montre comment les artistes s’emparent de la silhouette, des volumes et des lignes des liners pour donner naissance à une nouvelle esthétique. A l’heure où le tourisme se développe, la concurrence est féroce entre les entreprises françaises, anglaises, allemandes, etc., qui recherchent les meilleurs affichistes pour promouvoir leurs navires. Dans la majorité des cas (Paul Colin, Albert Fuss…), l’arc remplit l’espace, vu des trois quarts et en contre-plongée pour renforcer l’effet de monumentalité. Dans son affiche emblématique pour NormandieCassandre est une des seules à choisir la vision frontale, avec une parfaite symétrie.

La poétique de la machine

Le liner stimule l’imagination des architectes. Le Corbusier – dont un projet non réalisé pour Île-de-France est présenté dans l’exposition – considère qu’il incarne un mode de vie rationnel et moderne. Après la Seconde Guerre mondiale, il s’en inspire pour développer ses Villes Radieuses. Le casino La Pergola, construit à Saint-Jean-de-Luz par Robert Mallet-Stevens en 1928, l’hôtel Latitude 43 de Georges-Henri Pingusson à Saint-Tropez en 1932, la Villa E-1027 d’Eileen Gray et Jean Badovici à Roquebrune -Cap-Martin (1926-1929), avec ses coursives, son toit-terrasse, ses aménagements fonctionnalistes et son fauteuils Transatsont emblématiques de ce que nous appellerons le “style doublure”.

Pierre Boucher, Hélice normande à l’Exposition universelle de Paris1937, tirage à la gélatine argentique, tirage d’époque, 33 x 30,3 cm. Paris, Centre Pompidou – Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Audrey Laurans

En photographie, le gigantisme induit des cadrages tronqués, des points de vue élevés (des grues des chantiers navals de Penhoët, à Saint-Nazaire, où nombre d’unités comme Provence, Paris, L’Atlantique…) ou, depuis le quai, au pied des géants. D’André Kertész à Walker Evans, de Jean Moral à Roger Schall et François Tuefferd, les grands noms de la photographie moderne se concentrent sur certains détails, dans une esthétique du fragment, en gros plan. Cheminées, ventilateurs, hélices, cordes, chaînes… tout devient sujet, jusqu’aux limites de l’abstraction.

François Tuefferd, Arc de Normandie1936, tirage gélatino-argentique noir et blanc sur papier satiné Agfa (tirage 1985), 34 x 26,7 cm. Nantes, Musée des Arts de Nantes © Musée des Arts de Nantes, photo : C. Clos.

Il en va de même pour la peinture. Dans ses représentations de Normandie en construction, Jules Lefranc s’inspire directement du cadrage photographique. Fasciné par le monde moderne et la machine, Fernand Léger puise dans l’univers des paquebots un vocabulaire graphique qui nourrit des compositions post-cubistes, structurées par des formes stylisées imbriquées, dynamisées par des contrastes colorés (Le pont des remorqueurs de 1920, chef-d’œuvre du genre prêté par le Centre Pompidou).

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Inspirés par le cubisme orphique et le futurisme, les précisionnistes américains Charles Demuth et Victor Servranckx ont simplifié le modèle encore plus radicalement. La première suggère le Paquebot parisien (1921-1922) par deux cheminées rouges, un réseau de formes obliques et tubulaires qui respirent le mouvement. Dans son magistral Port. Opus 2 (1926), le second résume le navire dans un répertoire de signes – le cercle d’un hublot de lune, le triangle d’une étrave, la ligne ondulante de la mer –, magnifiés par la poésie d’une ambiance nocturne aux tons gris, noirs et mauve.

Charles Demuth, PaquebotParis, 1921-1922, huile sur toile, 63,5 x 50,8 cm, Columbus, Columbus Museum of Art © Columbus Museum of Art, Ohio : don de Ferdinand Howald.

Les promesses du voyage

La deuxième partie du parcours vous invite à quitter la terre ferme pour embarquer. Dans une ambiance feutrée, une sélection restreinte mais éblouissante d’œuvres et d’objets évoque la splendeur intérieure des navires. Chef d’oeuvre absolu de l’Art Déco, Normandie est une nouvelle fois à l’honneur avec les vitres gravées de Jacques-Charles Champigneulle pour le grand salon et les laques de Jean Dunand dans le fumoir de première classe. Dans une vitrine, des pièces d’orfèvrerie Christofle et de verrerie Lalique témoignent du raffinement des arts de la table.

Eileen Gray, Transat1926-29, bois, métal, simili cuir, 79 x 56 x 98 cm, Paris, Centre Pompidou. ©Photo de presse RMN.

Mais le véritable sujet ici est l’aventure du voyage. ” Jusqu’au développement de l’aviation commerciale, les avions de ligne étaient le seul moyen de relier la vieille Europe et l’Amérique. Ils participent activement aux échanges culturels. Des artistes américains découvrent les avant-gardes européennes, d’autres s’émerveillent de la modernité des horizon. Avec dix-neuf traversées réalisées entre 1915 et 1955, Marcel Duchamp est sans doute celui qui incarne le mieux l’artiste voyageur, à cheval sur les deux continents. “, explique la co-commissaire Adeline Collange-Perugi.

Marcel Duchamp, La boîte à valises1966, coffret en cuir rouge contenant des répliques miniatures (reproductions couleurs, photographie, maquettes) de ses peintures, aquarelles, dessins et ready-made, représentant l’ensemble de son œuvre de 1936 à 1941, coffret ouvert : 4 × 95 × 120 cm. Lyon, Collection macLYON. Photo : JB Rodde, © Association Marcel Duchamp / Adagp, Paris 2024.

La vie à bord est documentée par des brochures publicitaires et des photographies soigneusement mises en scène par les compagnies pour attirer une clientèle aisée avide de plaisir et de divertissement (bars, salles de spectacles, piscines…). En revanche, peu de peintres ont immortalisé le voyage en mer. Il inspirera surtout le cinéma et la littérature, évoqués dans une alcôve où sont projetées des images de films de Walter Ruttmann, Buster Keaton ou Man Ray, accompagnées d’extraits de textes de Paul Morand, Colette, Louis Chadourne ou Blaise Cendrars.

Jean-Émile Laboureur, Le rouleau transatlantique1907, huile sur toile, 55 x 55,6 cm. Nantes, Musée des Arts de Nantes © Musée des Arts de Nantes, photo : C. Clos.

Si le paquebot apparaît comme une parenthèse enchantée dans l’âge d’or des années folles, il rejoint les drames de la grande histoire lors de la Seconde Guerre mondiale, devenant synonyme de fuite et d’exil. De nombreux navires sont réquisitionnés. Renommé La Fayette et transformé en transport de troupes par les Américains, le légendaire Normandie prend feu et coule dans le port de New York le 9 février 1942. Un rêve prend fin.

Anonyme, L’actrice canadienne Norma Shearer sur le pont du paquebot Normandie lors d’une traversée vers New York le 2 août 1939, épreuve à la gélatine argentique, tirage d’époque, 14,4 × 9,6 cm.
 
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