Julien Chauvin’s Concert de la Loge celebrates its tenth anniversary

Julien Chauvin’s Concert de la Loge celebrates its tenth anniversary
Julien Chauvin’s Concert de la Loge celebrates its tenth anniversary

Parmi les artistes classiques français, Julien Chauvin fait partie de ceux qui ont marqué durablement la scène baroque ces dernières années – mais pas seulement – ​​en s’illustrant à la fois comme violoniste soliste et comme chef d’orchestre. Le Concert de la Loge, son ensemble créé en 2015 en référence à un prestigieux orchestre du XVIIIe siècle, est devenu l’un des incontournables. Elle fête aujourd’hui son dixième anniversaire avec un gala au Théâtre des Champs-Élysées le mercredi 15 janvier.

Pour en parler, nous avons rencontré Julien Chauvin dans les bureaux de l’ensemble, situés à Paris, dans un quartier emblématique de l’histoire de la musique, la rue Rameau, dans le 1er arrondissement.

Franceinfo Culture : Pourquoi fêter les dix ans d’un ensemble classique ?
Julien Chauvin: Quand on crée un ensemble, il est forcément voué à grandir, à expérimenter des choses. Dans dix ans, nous aurons peut-être atteint un certain stade de maturité.

Le lieu où nous nous trouvons, au cœur du Paris musical de la fin du XVIIIe siècle, est déjà un clin d’œil à votre démarche historique…
Au niveau du patrimoine, la situation est exceptionnelle, c’est dans ce quartier qu’il y avait tous les éditeurs de musique, les luthiers, c’est ici qu’habitaient aussi les compositeurs. Nous sommes surtout à deux pas du théâtre Louvois, où se tenait l’opéra, et où le Concert de la Loge donnait des concerts à la toute fin du XVIIIe siècle. Et puis nous sommes face à la Bibliothèque nationale de , où se nichent évidemment tous les secrets, tous les trésors de l’histoire de France.

Vous avez créé votre ensemble pour faire revivre ce qu’on appelait autrefois le Concert de la Loge Olympique, né en 1783. Peut-on parler d’une sorte de voyage dans le temps que vous avez entamé il y a dix ans ?
Oui, c’est un voyage dans le temps, et pour moi une sorte de chasse au trésor. C’est vrai, je suis totalement fasciné par cette période, entre 1770 et la Révolution française, qui a vu émerger tant de nouveaux genres musicaux. Il y a eu tellement d’échanges avec des compositeurs venus d’Italie, d’Allemagne, de Belgique, et Paris a dû être un lieu d’effervescence absolue favorisant la créativité, l’émulation et l’estime d’autrui.

L’estime des autres ?
Oui puisque le sous-titre de l’orchestre du Concert de la Loge est « l’Olympique de la parfaite estime ». C’était le lieu où l’on avait le plus d’estime et de reconnaissance pour les autres : c’est la fin de ce siècle des Lumières. Lui redonner vie de manière contemporaine, pour moi, cela avait vraiment un sens. C’était une mission : on ne vient pas avec des pantoufles, toutes pleines de toiles d’araignées. Nous nous inspirons de cette époque, nous nous y plongeons, mais nous la transmettons d’une manière nouvelle, originale et contemporaine.

Dix ans plus tard, cet esprit est-il intact ?
L’esprit est totalement intact, on est en contact très régulier avec des musicologues, des historiens et on trouve encore des choses. Nous nous inspirons même de choses qui semblent parfois insignifiantes – un instrument, un objet, une médaille, une partition – pour créer notre projet contemporain pour 2025.

Nous avons parlé de voyage dans le temps. Comment vous positionnez-vous par rapport à l’approche dite « historiquement informée » ? [fidélité aux textes, interprétation sur instruments d’époque, etc.] qui dominait parmi les musiciens du renouveau baroque ?
Nous avons le devoir de nous adapter et de nous inspirer de ce qui se passe en ce moment, de ce que le public aime, tout en gardant nos standards, notre intégrité musicale, c’est vraiment le plus important.

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Parlons donc de cette « programmation audacieuse » qui est revendiquée par tous. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Cela signifie par exemple, en cette année où nous célébrons notre dixième anniversaire, que nous pouvons proposer un projet de Quatre saisons de Vivaldi avec des breakdancers. Mais aussi réaliser le premier enregistrement sur instruments d’époque deIphigénie à Aulis de Gluck, qui est un opéra ultra-célèbre et important pour l’histoire de la musique, dans son intégralité. Mais aussi organiser notre festival itinérant Dare Haydn !, car nous pensons que ce musicien est essentiel dans la vie d’un musicien et doit l’être dans celle du public. Et enfin, commencer notre année de dixième anniversaire avec un nouveau répertoire qui nous emmènera aux frontières du XIXe siècle : ce sera un opéra de Rossini que nous jouerons au Théâtre des Champs-Élysées.

Revenons sur la collaboration avec le chorégraphe Mourad Merzouki pour le spectacle Les quatre saisons avec des danseurs hip-hop. Que ressort-il de ce dialogue ? Peut-on parler d’une sorte d’expérience musicale « enrichie » ?
Oui, ça y est, c’est ça l’idée de ce projet : avoir un ressenti « valorisé » à la fois pour le public et les artistes. Nous avons réussi à toucher et à rassembler dans une même salle des publics qui ne venaient pas dans le même but : des gens qui venaient écouter de la musique baroque, d’autres voir des danseurs hip-hop. Côté artistes, l’originalité du projet est d’arriver à mélanger les deux, à nous inspirer mutuellement, et à questionner notre pratique aussi : les danseurs, cela remet en question leurs pratiques de danse, et nous, notre langage corporel. et notre liberté musicale.

Pour le spectacle, la musique de Vivaldi a-t-elle dû être quelque peu déformée ?
Je voulais avoir la plus grande intégrité possible par rapport au travail. Les gens qui venaient pour la musique étaient servis car elle était proposée en acoustique, par un grand orchestre. Il y a 2 ou 3 transitions qui se font pendant le spectacle, mais on reconnaît le Quatre saisons. Nous savons quels mouvements sont impliqués et nous n’avons pas déformé la musique pour l’adapter à la danse. Chacun reste dans son domaine de prédilection, d’intégrité et d’exigence, mais on arrive quand même à fusionner. Évidemment, nous avons fait des pas les uns vers les autres, mais le travail est donné.

Au-delà de cette expérience, quelle est selon vous la manière de toucher le plus grand nombre avec la musique classique ? C’était déjà l’ambition du Concert de la Loge Olympique, à la fin du XVIIIe siècle…
Il faut être dans une situation d’écoute du public. Cela implique de trouver les œuvres que l’on souhaite interpréter et les mots pour les expliquer. Cela implique de réfléchir non pas à la manière d’interpréter la musique, mais à la manière de la transmettre. Cela a donc aussi un impact sur l’interprétation, certes, mais le plus important est de savoir sous quelle forme nous voulons le servir. La musique, bien sûr, peut être entendue, mais elle peut aussi être vue. Et ainsi vous pouvez voir où va la musique.

C’est à dire ?
Cela m’intéresse de voir comment les compositeurs ont construit leur musique. Le public veut voir, par exemple, comment Mozart, dans sa composition, fait en sorte qu’une phrase commence au hautbois, puis passe au basson, et se termine à la flûte, et le tout sur un tapis de cordes. Je veux montrer tout cela, l’imager. C’est un peu ce que nous avons réalisé avec cette production de Don Giovanni à l’Athénée où nous avions l’orchestre sur scène et où le public pouvait suivre la musique et ses paroles avec les chanteurs.

Parlons du gala du dixième anniversaire le 15 janvier : il y aura des artistes lyriques célèbres avec lesquels vous avez collaboré, de Sandrine Piau à Philippe Jaroussky, en passant par Karina Gauvin, Marina Viotti et Stanislas de Barbeyrac. Mais au-delà des étoiles, que révèle sa programmation sur votre ensemble et votre approche musicale ?
Très clairement, ce gala raconte une grande partie de « notre » histoire, c’est-à-dire de nombreuses œuvres qui sont liées à notre orchestre au XVIIIe siècle. Nous allons recréer un très court oratorio d’Antonio Salieri [compositeur contemporain de Mozart]qui a été écrit pour la Loge Olympique. Egalement reconstitution d’une œuvre de François-André Danican Philidor [compositeur français, 1726-1795] pour coeur et soliste. Ce concert est vraiment : regardez ce que nous avons fait comme opéra, comme tragédie lyrique, d’Antonio Sacchini [1730-1788]de Christoph Willibald Gluck [1714-1787]ou ce que nous avons fait dans le domaine instrumental avec les concertos. Il y aura donc beaucoup de choses : quelques hits bien sûr, mais aussi des découvertes. Il me semble important pour un gala que les gens puissent être surpris : ah oui, il y a un Ouverture de Démophon de Johann Christoph Vogel [1756-1788]qui fut un succès absolu à l’époque et qui fut créé par la Loge Olympique. Et nous allons interpréter cette pièce pour la première fois, elle n’a jamais été rejouée ! Cela me semble être une approche très importante.

The Concert de la Loge, tenth anniversary gala, January 15, 2025, at the Théâtre des Champs-Élysées, 15 avenue Montaigne, 75008 Paris

 
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