On peut déjà estimer que la perte est considérable. Une richesse de documents issus des archives d’Arnold Schönberg (1874 -1951), compositeur autrichien à l’origine de la plus grande révolution musicale de la première moitié du XXe siècle, le dodécaphonisme, disparu dans l’incendie du quartier de Pacific Palisades, à Los Angeles . Dans un communiqué publié par Larry Schönberg, professeur de mathématiques à la retraite et fils du compositeur, on apprend lundi que « tout l’inventaire des œuvres destinées à la vente et au prêt – y compris les manuscrits, les partitions originales et imprimées – a été brûlé ». Les archives étaient conservées dans les locaux de Belmont Music Publishers, maison d’édition de l’œuvre de Schönberg, également domicile de Larry Schönberg, située à deux pas du plus ancien Starbucks de la région. « Exclusivement dédié à la préservation et à la promotion » de la musique de Schoenberg, Belmont Music Publishers est au service depuis les années 1970 « un lien vital entre l’héritage visionnaire du compositeur et les interprètes, les universitaires et les mélomanes »assurer la circulation des compositions « de ses premières œuvres romantiques à ses pièces révolutionnaires à douze tons. Ces œuvres, y compris des compositions telles que Nuit transfigurée ou le Pierrot Lunairesont les fondements du répertoire classique du XXe siècle.
Mais que faisaient les archives et la maison d’édition des œuvres d’Arnold Schönberg à Los Angeles ? Le grand libérateur de l’harmonie, né artistiquement comme un héritier flamboyant du post-romantisme de Strauss et de Mahler avant de devenir “ancêtre de l’atonalité, codificateur du dodécaphonisme, agitateur qui pratiquait la polémique comme un sport” (Alex Ross) a émigré d’Europe en Californie en octobre 1933, quelques mois après que l’Allemagne nazie ait promulgué sa loi pour le rétablissement de la fonction publique et le licenciement des fonctionnaires d’origine juive. Exclu de l’Académie des Arts de Berlin où il travaille depuis 1926, Schönberg rentre en France en avril, avant d’embarquer pour les États-Unis. Invité à enseigner des cours de solfège et de composition à Boston et à New York avant de s’installer à Los Angeles, ouvrant un cours privé (où il comptait John Cage et Lou Harrison parmi ses étudiants) avant d’être nommé professeur à UCLA. Il s’installe à Brentwood Park, en face de la maison de Shirley Temple, près des maisons de Thomas Mann, du pianiste Arthur Schnabel et du chef d’orchestre Bruno Walter, se liant d’amitié avec Harpo Marx et un autre voisin célèbre, George Gershwin, avec qui il joue régulièrement au tennis.
Nommé citoyen d’honneur de la ville de Vienne par contumace en 1949, Arnold Schönberg ne revint jamais en Autriche ni ailleurs en Europe. La maison de style « Renaissance espagnole » des Schönberg, située au 116 North Rockingham Avenue et où résident toujours Ronald Schönberg et son épouse Barbara Zeisl Schoenberg, fille du compositeur Eric Zeisl, est actuellement hors de danger. De même, la majorité des manuscrits, de la musique et des écrits de Schönberg, des photographies, des journaux intimes et des programmes de concerts, ainsi que sa bibliothèque, conservés au Centre Arnold Schönberg inauguré à Vienne en 1998.
