Cyrille de Vignemont, le photographe contemporain ébloui par la lumière d’Ouessant

Cyrille de Vignemont, le photographe contemporain ébloui par la lumière d’Ouessant
Cyrille de Vignemont, le photographe contemporain ébloui par la lumière d’Ouessant

« Le plus important est de croire en ce que l’on fait et, tout aussi important, de ne pas croire ce que l’on dit à ce sujet. » A presque 54 ans d’une vie extraordinaire, Cyrille de Vignemont garde cette conviction personnelle près de son cœur. En 2015, le célèbre Museum of Modern Art (MoMA) de New York le classe parmi les cinq artistes contemporains à suivre dans le monde. De quoi agiter les grands influenceurs du marché de l’art mondial. Mais pas le photographe. Il en a vu d’autres.

A à peine 14 ans, l’enfant bercé par Grendizer – « et tout ce truc de science-fiction » – vend le logiciel MacII à Apple. « Je n’ai pas précisé mon âge en répondant à l’appel à projets », sourit-il encore aujourd’hui. Il est moins amusé par le qualificatif quelque peu condescendant de « petit génie informatique » que lui ont réservé les médias de l’époque. « Pour les adultes, les ordinateurs n’étaient qu’un gadget. J’avais vraiment l’impression d’explorer quelque chose qui allait révolutionner le monde. » Intuition naturellement partagée avec le visionnaire Steve Jobs, charismatique directeur d’Apple, avec qui le jeune Lyonnais devait parler travail.

Steve Jobs, Mitterrand, Davos…

Un an plus tard, Cyrille de Vignemont s’entretient directement avec un autre grand personnage de l’époque. Dans un tout autre registre : François Mitterrand. « Yves Mourousi m’a laissé son fauteuil en plein entretien avec le président de la République, sur le journal TF1. Les élites et les mineurs le fréquentaient encore en 1988 lors du Forum économique mondial ultrasélect de Davos. « J’avais été invité à donner une conférence sur le thème de l’avenir de la diffusion des technologies dans les pays émergents. »

En sortant, la limousine qui le ramenait à l’aéroport glisse sur une plaque de glace. L’accident ne porte pas atteinte à son intégrité physique mais provoque un choc existentiel. « Je vivais depuis trois jours dans un univers à part, hyper sécurisé, dans lequel je n’avais accès à rien. Pas même toutes ces montagnes autour. Je ne voulais pas de cette vie. J’avais 17 ans. J’ai décidé de faire le tour du monde. Pour le voir en vrai. »

Le monde réel au cinéma

Au début des années 2000, l’ancienne étoile montante du numérique a pris soin d’emporter avec lui un appareil photo – « bloqué en mode manuel » – et quelques pellicules. « Je suis rentré en avec un sac plein de films. Beaucoup d’erreurs techniques du débutant aussi. Mais au fur et à mesure de mon évolution, de temps en temps, je tombais sur quelque chose qui me touchait. Pris dans l’instant. Une fenêtre éclairée la nuit, par exemple. »

Sa prédiction selon laquelle « tout ce qui me plaît finira par venir à moi » devient révélatrice. Il consacre sa nouvelle jeunesse à toucher le réel par la correspondance d’une sensibilité extraordinaire et d’une pression spontanée sur l’obturateur d’un appareil photo. Le résultat a retenu l’attention des programmateurs du Palais de Tokyo, temple parisien de l’art contemporain. En 2005, sous le pseudonyme de Danakil, Cyrille de Vignemont expose sa série « Comment tombe le pollen ». Un travail sur la lumière et la couleur qui interprète la transition de fin août à début septembre. «Quand l’ombre du retour entre dans le soleil. »

Coup de foudre pour Ouessant

Une métaphore des frontières entre enfance, adolescence et âge adulte que Cyrille de Vignemont n’a pas franchie comme personne. La nostalgie transparaît inévitablement dans les paysages, les visages ou les parties du corps de ses œuvres. Mais le photographe, très référencé par le MoMA – qui exerce également son talent dans la réalisation de clips musicaux ou de publicités sportives –, apprécie ses tranches de vie actuelles. Notamment celui d’Ouessant où il se retire plusieurs mois de l’année, été comme hiver, en marge de ses séjours plongés dans la frénésie anthropique de Paris, New York ou Los Angeles.

« Mon premier contact avec l’île s’est établi grâce à une carte marine étudiée lorsque j’étais à l’école de voile de Lyon. » L’imaginaire des disparus erre, s’ancre aux mystérieuses lignes bathymétriques et aux récits d’épaves. Là encore, le contact avec la réalité s’est révélé encore plus intense : « Lorsque j’ai atterri pour la première fois à Ouessant, j’ai eu un coup de foudre. » Au point d’y acheter une maison.

Lumière coupée du monde

Depuis une vingtaine d’années, il y revient en anonyme heureux, laissant fleurir dans son âme cette citation favorite d’Albert Camus : « En plein hiver, j’ai découvert un été invincible. Cela souligne une relation très forte avec la lumière et le soleil dans laquelle je me reconnais. C’est à Ouessant, de jour, de nuit, sur les plages, au bord des falaises, dans le bain de bruyère… que la sensibilité de l’artiste apparaît avec le plus d’éclat. Que sa touche de narrateur sensoriel trouve sa plus belle matière d’expression. « Toutes mes photos abstraites sont prises ici. Ouessant est l’endroit idéal pour cela : un horizon infini, une lumière qui se reflète partout, une humidité et une salinité de l’air qui la rendent encore plus particulière. » Autre avantage : « Ici, vous êtes à l’écart du monde ». Un luxe que l’on apprécie avec l’âge.

 
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