Projet sur dix ans
Nadia Vadori-Gauthier est chorégraphe et docteure en arts, esthétique et sciences de l’art. En janvier 2015, au lendemain de l’attaque contre Charlie Hebdoelle est à l’initiative du projet « Une minute de danse par jour », pour lequel elle se filme en train de danser tous les jours, dans tous les contextes. Cet « acte quotidien de résistance poétique » dépasse cependant rapidement la simple violence des attentats de janvier pour s’inscrire pleinement dans l’actualité marquante. Son projet s’inscrit donc dans les enjeux politiques de ces dix dernières années et est devenu un témoignage poétique nécessaire.
Hier soir, le théâtre de Chaillot accueillait la commémoration de ces dix années de danse et de toutes les aventures qu’elles ont vécues et recréées.
“Dansez, sinon on est perdu”
La soirée a été rythmée par plusieurs séquences de danse, en présence de divers danseurs et chorégraphes, et toujours en improvisation. Trois performances collectives étaient prévues à plusieurs moments de la soirée et entrecoupées de danses plus intimistes, portées par Nadia Vadori-Gauthier elle-même, et par la chorégraphe Johanna Faye. Improvisant d’abord en deux solos consécutifs, ils se sont retrouvés en fin de soirée en duo de complicité, sur une musique aux tonalités flamenco.
L’omniprésence de la danse tout au long de cette soirée, notamment à travers la projection continue d’extraits du projet « Une minute de danse par jour », a rapidement pris une place centrale dans la proposition commémorative de Nadia Vadori-Gauthier. Il s’agissait avant tout de mettre la mémoire en mouvement, de la rythmer, de l’incarner dans les ondulations du corps, pour compenser les cérémonies officielles, souvent trop figées et impersonnelles. Une interprétation de la mémoire rejoignant la célèbre formule de Pina Bausch, car il faut « Danse[r]sinon nous sommes perdus » : danser pour s’approprier la douleur et la violence des actes.
Mettre en avant la solidarité
Pour commémorer les événements de janvier 2015, c’est la solidarité et la mobilisation sans précédent du mouvement « Je suis Charlie » que Nadia Vadori-Gauthier a voulu souligner : un retour à l’esprit Charlie et à son énergie enthousiasmante. Durant la soirée, le poète Arthur Navellou s’est penché sur la lecture de plusieurs lettres adressées au journal Charlie Hebdo après les attentats. Parallèlement, des dessins d’enfants réalisés dans le cadre du mouvement « Je suis Charlie » étaient projetés, au rythme de la voix grave du poète, tandis que des danseurs improvisaient sur son flux léger de paroles. Un spectacle symbolisant le choix de l’innocence et de la douceur face à la peur et à la violence.
Chantez, dansez et résistez
La soirée s’est terminée par une séquence musicale, au cours de laquelle tous les spectateurs ont été invités à rejoindre la piste de danse pour réaliser une performance collective et participative. Symboliquement, Nadia Vadori-Gauthier a ainsi choisi de se souvenir des événements en réhabilitant ce que cherchaient les terroristes, en touchant Charlie Hebdodétruire : le rire, la joie, la fête, et montrer que dans l’histoire, l’esprit Charlie a et doit gagner.