Quel chemin vous a amené à étudier l’anthropologie ?
En 1967, un professeur est venu dans mon école pour nous raconter son parcours sur les traces des anciens « Garamantes », peuple de caravaniers parcourant le Sahara. Ses toboggans usés à force d’avoir été si longtemps projetés dans les écoles m’ont fait rêver, mais aussi son Land Rover. Mon chemin était tracé. J’avais sept ans et je voulais devenir archéologue/ethnologue. Le hasard a voulu que mes parents et mes professeurs m’encouragent dans cette voie. Je commence mes études à l’Université de Rennes en Histoire de l’art et Archéologie. Mon premier « terrain » d’ethnographe en 1980 lors de ma deuxième année de DEUG fut sur le dernier fabricant laïc d’hosties en Vendée avec Philippe Sagant, alors directeur de recherche au CNRS.
Ethnographie, ethnologie, anthropologie : quelles différences ?
L’ethnographie, c’est être sur le terrain avec son cahier et ses crayons. J’observe, je pose des questions, je prends des photos, j’enregistre, je vis avec une communauté pour collecter des données. Puis, à notre retour, nous analysons et synthétisons les données de cette communauté pour produire une ethnologie. L’anthropologie consiste à comparer les données de votre domaine avec les données d’autres domaines réalisées par d’autres ethnologues à travers le monde. Claude Lévi-Strauss n’a pas fait beaucoup de travail de terrain mais a su synthétiser toutes ces données. Dans cette incroyable diversité à travers le monde, nous sommes tous pareils mais tous différents. C’est la race humaine qui rassemble toutes ces communautés.
Le monde avec toute cette diversité est un sacré terrain de jeu.
C’est magnifique ! Nous observons et travaillons sur des formes d’une incroyable diversité. Je pourrais être avec les Inuits au Groenland, puis plus tard avec les chasseurs-cueilleurs en Tanzanie. Ce sont des expériences humaines intenses qui m’ont parfois fait pleurer, consciente de la chance que j’avais de pouvoir rencontrer ces êtres. Nous repartons enrichis. Après, on raisonne et on se rend compte qu’il existe de nombreux liens entre toutes ces communautés.
Que peuvent nous apporter toutes ces communautés anciennes ? Qu’ont-ils à nous dire ?
Ils sont une forme d’intermédiaires entre leurs façons de voir le monde, leur environnement, la planète face à des technocrates qui ont une influence plus macro. Les projets que j’ai pu mener avec les populations à partir de leurs besoins, en les impliquant dans les processus de décision, en montrant qu’elles développent des savoir-faire qui pourraient aussi nous être utiles afin de questionner notre propre condition . Et bien ça marche ! Une co-construction difficile à faire comprendre aux décideurs.
Au fil de ces voyages, une rencontre particulière ?
Plus d’un ! Avec les Massaï, un peuple nomade que j’ai rencontré plus de vingt fois en dix ans et ma première rencontre avec un chasseur vêtu uniquement d’une peau de bête. Il dormait paisiblement entre deux racines de baobab près de son arc et de ses flèches. Je me souviens aussi d’avoir été seul au monde sur le traîneau pour une chasse au phoque avec les Inuits sur la banquise. Des rencontres qui nous ont permis de créer des liens fraternels. Ils se poursuivent grâce à la mise en scène de Macha Makeïeff dans le spectacle « Âmes offensées » basé sur mes carnets de voyage. La pièce a rassemblé des milliers de spectateurs du musée du quai Branly à Paris jusqu’à la Criée à Marseille. Cela démontre l’intérêt du public à mieux comprendre nos origines culturelles et sociétales pour mieux co-construire ensemble.
* Sciences sociales qui s’attachent à résoudre les problèmes posés par l’arrivée des nouvelles technologies dans un environnement pour lequel elles n’ont pas été initialement conçues.