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Karol Szymanowski (1882-1937) : variations en si bémol mineur, opus 3 ; variations sur une chanson populaire polonaise, opus 10. Frédéric Chopin (1810-1849) : sonate pour piano no. 3, en si mineur, opus 58. Jonathan Fournel, piano. 1 CD des classiques Alpha. Enregistré du 28 octobre au 1er novembre 2023 dans la grande salle du théâtre populaire francophone de La Chaux-de-Fonds, Suisse. Note de présentation en français, traduite en anglais et allemand. Durée : 60:51
Alpha
Pour son troisième album avec Alpha, Jonathan Fournel livre une version exemplaire du Sonate pour piano n°3e Chopin – une interprétation qu’il a longtemps affiné et mûrie en concert – agrémentée de deux superbes cycles de variations, premières œuvres de Karol Szymanowski.
Ce récital, où le pianiste aborde de nouveaux rivages, était attendu. Et c’est une réussite tout à fait exceptionnelle et magnifiquement captée par Jean-Martial Golaz dans la célèbre salle du théâtre populaire francophone de La Chaux-de-Fonds.
Le Sonate n°3 l’opus 58 de Frédéric Chopin constitue – et dans tous les sens du terme – le centre de gravité. Jonathan Fournel nous en livre une splendide version, parmi les plus recommandables publiées ces derniers temps. Nous l’admirons au fil des Majestueux introductif, parfois si dispersé sous d’autres doigts bavards (Lang Lang chez DGG), le sens de la rigueur et de la construction, l’art mesuré des contrastes et l’élégance raffinée des déclarations ; mais cette sensation d’urgence douloureuse ou de spleen incommensurable ne s’efface jamais, impression que l’on retrouvera dans le trio central du scherzo – De plus semblable à une araignée avec une vitesse contrôlée et une rare finesse d’articulation dans ses volets extrêmes.
Mais c’est au gré d’une volonté immatérielle et incontournable largo, très calqué sur chantable et entouré d’un douceur nuit que cette interprétation atteint de nouveaux sommets. Tout y est : naturel du phrasé, superposition des plans sonores, relief des contre-chants – avec ce tintement lointain et vaporeux de l’ineffable section centrale – et surtout, entre les notes, cette suspension extatique du Temps musical. Le Finale, très dynamique d’après l’alternance de ses couplets et refrains, nous ramène ici, avec cette rage contenue et cet éclat sardonique selon les guirlandes de doubles croches ; la délivrance finale de la coda laisse plus un sentiment d’ambiguïté douce-amère qu’un pur triomphe numérique.
On l’aura compris, cette version est familière avec les anges, et, à travers sa constance enveloppée d’une douce folie, rejoint dans des voies certainement très différentes la stylisation pure d’un Dinu Lipatti (Warner), le classicisme amer d’un Nikita Magaloff (Decca ) ou la vision presque marmoréenne d’Emil Gilels (DGG).
Pour encadrer cela Troisième sonate presque idéal, Jonathan Fournel a eu l’excellente idée d’enregistrer deux cycles de variations datant de la jeunesse et de la « première manière » de Karol Szymanowski – avec une lignée chopinienne plus que pointillée…L‘opus 3 déroule en seulement douze minutes autant de variations sur un thème original sous forme de choral, avec une harmonie chromatique exacerbée rappelant Reger et Scriabine, et une variété de touches rappelant parfois Rachmaninov (variation III – tempo mazurka) parfois l’école française (la valse lente andantino de la variante X). Ce cycle méconnu, dédié au très jeune Arthur Rubinstein, – qui à notre connaissance ne l’a jamais enregistré, et l’a très peu joué – permet au pianiste français de démontrer soit sa sonorité royale (variation VII), soit sa palette expressive. selon les intentions polyvalentes de cette partition encore juvénile mais superbement écrite et conçue pour l’instrument. Le final est irrésistiblement dynamique, même si la production aurait peut-être pu corriger l’une ou l’autre imperfection minime des mesures finales avec une autre prise.
LE variations opus 10 sur une chanson populaire polonaise, dédiée par Szymanoxski à son professeur Zygmunt Noskowski sont d’une toute autre ampleur : selon nous, Jonathan Fournel surpasse la récente version de Krystian Zimerman (DGG), avec un «pianisme» presque détaché et indulgent. Le jeune Français gagne à la fois par une plus grande caractérisation de chaque plage de ses intentions – sans sacrifier la courbe globale du cycle – et par une plus grande amplitude dynamique dès les premières variations. Et plus loin, le marche funèbre, véritable point culminant du travail, est ici bien plus ennuyeuse dans sa progression dramatique que sous les doigts du maestro polonais, tandis que la vaste variation finale « quel humour » tout au long de ses multiples épisodes, notamment tout au long de ce fugato pas très drôle atteint une dimension parodique et humoristique tout à fait appropriée, qu’on cherchera en vain dans les différentes versions concurrentes.
Voilà un récital où la finition pianistique rivalise avec l’expressivité la plus gourmande de l’interprétation et une nouvelle formidable carte de visite pour l’un des pianistes français les plus passionnants de la jeune génération.
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Karol Szymanowski (1882-1937) : variations en si bémol mineur, opus 3 ; variations sur une chanson populaire polonaise, opus 10. Frédéric Chopin (1810-1849) : sonate pour piano no. 3, en si mineur, opus 58. Jonathan Fournel, piano. 1 CD des classiques Alpha. Enregistré du 28 octobre au 1er novembre 2023 dans la grande salle du théâtre populaire francophone de La Chaux-de-Fonds, Suisse. Note de présentation en français, traduite en anglais et allemand. Durée : 60:51
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