une icône de l’art brésilien exposée à Paris

Présentée jusqu’au 2 février 2025, l’exposition personnelle de Tarsila do Amaral au Musée du Luxembourg vous invite à vous immerger dans l’œuvre d’une artiste majeure dans son pays natal, le Brésil, mais encore peu connue en , malgré ses nombreux séjours à Paris et ses peinture imprégnée des mouvements artistiques français du début du XXe siècle. Retour sur son héritage en trois tableaux incontournables.

Les autoportraits de Tarsila do Amaral : une icône brésilienne à Paris

Enveloppée dans un manteau rouge flamboyant, une femme au maquillage sombre et aux cheveux tirés en chignon nous fait face, droite et fière : c’est Tarsila do Amaral (1886-1973), dans les atours que lui ont bien connus les milieux sociaux parisiens du début du XXe siècle. Trônant au cœur duexposition personnel du peintre brésilien Musée du Luxembourgà Paris, cet autoportrait de 1923 semble raviver le souvenir d’une artiste devenue icône dans la capitale française, tant par son œuvre que par son apparence. “A Paris, où l’on s’habille discrètement, la vanité de Tarsila fait sensation» ; “Nous étions en extase en contemplant le chef-d’œuvre de Tarsila, qui est sa personnalité !» murmure-t-on alors dans les allées du Théâtre du Trocadéro où certains l’ont croisée.

Né en 1886 dans une famille bourgeoise de l’État de São Paulo à la tête d’un ferme (exploitation agricole de café), la Brésilienne aspirant à une vie d’artiste échappe à un mariage imposé dans son pays en se rendant en France pour étudier à l’école Julian et suivre des cours auprès d’éminents artistes cubistes, comme André Lhote et Fernand Léger. Comme pour de nombreux artistes non européens, Paris, alors épicentre de la modernité, représentait à ses yeux une étape essentielle pour débuter sa carrière, façonner son identité et assurer sa renommée au début du XXe siècle.

Loin de son pays, Tarsila do Amaral comprend que son personnage fascine les Occidentaux et joue de cet exotisme avec son autoportraits volontairement stylisé – son plus célèbre, peint en 1924, isole son visage de tout contexte –, qui illustrera les couvertures de nombreux catalogues de ses expositions inaugurées à Paris (la première, en 1926). De son rouge à lèvres à ses longues boucles d’oreilles, en passant par ses vêtements colorés, la jeune femme fait de son apparition un porte-étendard de son pays natal, mêlant les parangons de l’élégance parisienne – on la voit souvent drapée dans un manteau Patou – l’image idéalisée d’une Brésil « authentique » et cosmopolite.

Tarsila do Amaral, Tarsila do Amaral,
Tarsila do Amaral, Carte postale [Carte postale] (1929). © Collection particulière, Rio de Janeiro / Photo Jaime Acioli. © Tarsila do Amaral Licensing et Empreendimentos SA

Un Brésil idéalisé, propice au syncrétisme

Alors qu’elle s’impose comme artiste outre-Atlantique à la fin des années 1920, Tarsila do Amaral voyage beaucoup entre Paris et São Paulo. Parmi les autoportraits qui complètent sa « mythologie » personnelle, elle produit simultanément une image du pays où il a grandi, et deviendra bientôt le sujet majeur de sa peinture. Comme en témoigne Caïpirinha (1923), tableau teinté de ses influences cubistes dans lequel elle se représente enfant, jouant dans son jardin dans la campagne brésilienne.

Lors de ses séjours dans son pays, Tarsila do Amaral commence à peindre les paysages qui l’entourent depuis son enfance, et mélange dans des toiles aux couleurs vives représentant des bâtiments urbains avec une nature abondante et des animaux tirés des croyances indigènes. Comme le sien Carte postale (1929), dont les motifs résument son vocabulaire visuel cultivé depuis le début de la décennie. La mer côtoie les cactus du désert, le Pain de Sucre, les plantes tropicales de la forêt amazonienne et les palmiers du sud du Brésil, tandis qu’un étonnant singe entre les mains des humains surplombe les habitations urbaines…

Co-fondateur de groupe des Cinq (The Group of Five) aux côtés de quatre autres artistes brésiliens, le peintre intègre les codes esthétiques rencontrés en Europe pour les réinventer et initier une nouvelle modernité artistique outre-Atlantique. Un méli-mélo pictural qui reflète une certaine idéalisation de son appartenance nationale mais aussi l’influence des discussions avec son compagnon de l’époque, le poète. Oswald de Andrade.

Dans son travail Le Manifeste anthropophage (1928), illustré par l’artiste, ce dernier incite les plasticiens brésiliens à se « nourrir » des avant-gardes européennes pour « avaler » leur propre style et leur identité, employant délibérément dans son texte des images liées au cannibalisme. L’œuvre de Tarsila do Amaral est ainsi définie comme « anthropophage », nourrie à la fois de sa formation artistique à Paris et de ses convictions nationalistes palpables toile après toile.

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Tarsila do Amaral, Ouvriers [Ouvriers] (1933). © Collection artistique et culturelle des palais gouvernementaux de l’État de São Paulo / photo Romulo Fialdini © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos SA

Réalisme social : l’engagement tardif de Tarsila do Amaral

En 1929, le renouveau moderniste qui nourrissait la jeune scène artistique brésilienne connut une interruption brutale après le krach boursier de New York et le coup d’État militaire renversant l’Ancienne République en 1930. Impacté financièrement et révolté, Tarsila do Amaral voyage ensuite en Union Soviétique, où elle découvre le réalisme socialiste et notamment le travail engagé de Valentina Kulagina. Ses nouvelles convictions politiques (et son séjour en prison en 1932) eurent un profond impact sur son œuvre, qui se transforma complètement à son retour au Brésil au milieu des années 1930.

L’artiste opte alors pour une palette chromatique plus froide, teintée de couleurs grises et ocres, et utilise son pinceau au service de la cause ouvrière, en constante rébellion depuis plus d’une décennie. Son célèbre tableau Ouvriers (1933) est à lui seul représentatif de ce nouveau tournant artistique, également influencé dans ses proportions imposantes par le muralisme mexicain (comme le peintre Diego Rivera). Dans une composition pyramidale qu’elle emprunte à Kulagina, la peintre représente les visages des ouvriers rencontrés à São Pauloface au spectateur. Leurs traits distinctifs permettent à la singularité des identités de se démarquer du groupe.

Parmi la foule d’anonymes se trouvent également de grandes figures du Brésil de l’époque, comme Grégory Warchavchikqui a révolutionné l’architecture de la ville, ou encore le journaliste Eneida de Moraesemprisonné avec Tarsila do Amaral à Union soviétiqueet l’administrateur du ferme famille de l’artiste. Si ce tableau témoigne d’un engagement tardif de l’artiste, elle s’éloigne néanmoins de cette peinture plus politique la décennie suivante, revenant à ses paysages foisonnants et à son style influencé par le cubisme de ses premières années.

« Tarsila do Amaral », exposition jusqu’au 2 février 2025 au Musée du Luxembourg, Paris 6e.

 
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