Les patrons d’un célèbre café de Saint-Gilles tirent leur révérence

Les patrons d’un célèbre café de Saint-Gilles tirent leur révérence
Les patrons d’un célèbre café de Saint-Gilles tirent leur révérence

Les yeux du patron, 71 ans, s’embuent à chaque fois qu’un client franchit le seuil ce 19 décembre. La décision est aussi fraîche que les bières qui descendent à cette heure de l’apéritif. « Ma femme et moi sommes ici depuis 36 ans. Nous avons ouvert en 89», se souvient le sympathique Fernando avec son accent portugais. « Nous étions arrivés de Lisbonne et vivions à Ixelles. J’ai travaillé un peu dans la restauration mais dès le départ, je cherchais un établissement pour nous. J’avais parcouru toute la route de l’Alsemberg, de Calvoet à la Porte de Hall.

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“C’était un endroit magnifique.”

Lorsque Fernando et Manuela Afonso ont ouvert Brumaire en 1989, le tram 55 circulait encore sur la route d’Alsemberg : « c’était un bel endroit avec beaucoup de trafic ». ©EdA – Julien Rensonnet
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« Les clients nous disent que nous servons les meilleures pils de Bruxelles. Je ne les crois pas.

Il repère alors le coin qui deviendra leur maison. «C’était un bel endroit, fermé depuis deux ans. Il y avait beaucoup de monde avec le tramway. Il s’agissait de la 55, qui remontait la route en direction d’Uccle avant le creusement du tunnel du pré-métro, ouvert en 1993. « J’ai contacté la brasserie. C’était la Chasse Royale. Nous avons dû louer tout le bâtiment et desservir le Stella Artois. J’ai trouvé ça cher mais nous avons réussi. Le couple a ouvert ses portes en janvier 1989, « nous avons tout de suite eu beaucoup de clients. Nous avons vécu de belles histoires, des amitiés mutuelles. La voirie a été refaite, nous avons agrandi la terrasse… Et c’est tout, jusqu’à maintenant ». Saint-Gilles s’embourgeoise. Les anciens commerçants du quartier se rapprochent désormais des eurocrates. « Beaucoup de Français, d’Italiens. Et irlandais : leurs parents viennent chaque année boire la première bière de leur séjour ici.

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La main sur son verre ballon, Christiane évoque les fêtes de Brumaire. « Halloween, soirée choucroute, la playa… » Le bistrot est à chaque fois entièrement décoré. « Et le réveillon ! », glisse Yvan dans les lunettes d’hiver. « Nous sommes partis le 1er janvier à 7 heures du matin et à 14 heures, nous étions déjà de retour : ils n’ont même pas eu le - de récupérer les cadeaux ! Fernando rapporte une tournée. « C’est notre famille. Ils m’ont déjà fait pleurer plusieurs fois et cela va se reproduire. Le moustachu assure également que les clients ont sauvé l’affaire pendant le Covid. « La séparation a été dure. Mais ils nous contactaient tous les jours pour nous demander ce dont nous avions besoin.

Christiane, Yvan et leurs amis ne comptent plus les soirées et apéros à Brumaire : j’y fais 25 ans de carrière”, plaisante le second. ©EdA – Julien Rensonnet
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Nous sommes partis à 7 heures le 1er janvier et à 14 heures, nous y étions déjà : ils n’ont même pas eu le - de récupérer les cadeaux !

Une règle à Brumaire : pas de politique. “Nous n’avons pas de couleur : nous sommes bien avec tout le monde.” Et aucune pancarte en vitrine : « Je ne suis pas une publicité ». Pas d’écran dans l’établissement. Pas de jeu non plus. Manuela, 72 ans, relève le nez. « Nous avons essayé un peu le bingo. Mais ça gâche l’ambiance. Cela attire les joueurs. Mes clients n’aiment pas ça : j’ai tout pris.» Conséquence peut-être : « pas une seule fois la police n’a dû entrer ! Ce qui arrivait, c’étaient des pizzas, des frites ou des raviolis provenant des lieux voisins. « Notre spécialité était les spaghettis à la bolognaise. Mais c’était trop de travail. Nous nous sommes arrêtés.

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Bières tempérées

Manu rince les canalisations à l’eau pendant que son mari change le fût de Zinnebir. « Nous avons toujours très bien entretenu les pompes. Les gens aiment la qualité », disons-nous en mouillant nos lunettes. Nando lève un sourcil : « Certains me disent que nous servons la meilleure Stella de Bruxelles. Je ne les crois pas. L’humilité, une marque de fabrique de la maison. Ce qui est sûr, c’est que la bière de Brumaire est l’une des moins chères de la capitale. Surtout dans la partie haute de Saint-Gilles. « Nous ne considérons pas les clients comme des victimes. Nous avons beaucoup de jeunes artistes, musiciens, designers : quand ils voient nos prix, ils en boivent immédiatement 33 ! Récolter le moins possible est notre politique : nous y parvenons, même si vous travaillez un peu plus.» Le couple Afonso entretient également d’anciennes habitudes de consommation. « Comme les bières tempérées : certains boivent leur Orval, leur Rochefort ou leur Duvel comme ça. Pour moi, ça leur monte plus vite à la tête, donc ils font des économies ! La bière préférée du patron ? “Plusieurs !” Parmi sa trentaine de références, il cite encore Stella, Zinnebir et, très originale, la « Witkap Stimulo », brassée non loin de là, à Ninove.

Manu Afonso assure que les jeux de hasard comme le bingo ont « cassé l’ambiance » à Brumaire. Où la police n’a jamais eu à intervenir depuis 36 ans. ©EdA – Julien Rensonnet
La bière de Brumaire est l’une des moins chères de Bruxelles. ©EdA – Julien Rensonnet
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Nous avons beaucoup d’artistes, de musiciens, de designers : quand ils voient nos prix, ils en boivent immédiatement 33 ! Augmenter le moins possible est notre politique : nous y arriverons, même si nous travaillons un peu plus.

Ce 30 décembre, 36 ans de vie se clôtureront avec les rideaux. Au-dessus des banquettes en skaï toujours impeccables, entre les émaux de brasserie, les patrons ont scotché un émouvant mot d’adieu à la cheminée. « Il est -. Sinon, on peut y retourner un an, puis un an. Et puis nous nous dirigerons vers l’avenue du Silence. Et je ne veux pas de ça : je suis déjà allé beaucoup au cimetière, mais j’en suis toujours revenu.» Le Brumaire passera donc entre les mains « d’un autre couple, qui s’intéresse au coin de la rue depuis pas mal de -. Ils veulent tout laisser à l’ancienne », révèle Fernando. « Mais nous devons partir. Nous ne voulons pas rester collés au café comme une belle voiture qu’on ne peut plus conduire.» Les Afonso vont enfin se reposer, après tant d’années sans ou presque pas de vacances. “Nous aurons le - de revenir dire bonjour aux gens que nous aimons.”

On ne sait pas encore si Brumaire conservera son fameux nom, celui d’un mois du calendrier républicain français. “Nous sommes plus ou moins novembre”, explique Fernando Afonso. « Le nom existait avant nous. Nous l’avons gardé. J’ai cherché des antiquités de la Révolution pour décorer mais je n’ai rien trouvé. Les clients fidèles espèrent désormais que les successeurs ne provoqueront pas de révolution à Brumaire.

Le nom Brumaire vient du calendrier révolutionnaire français. ©EdA – Julien Rensonnet
 
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