On sait que Jacques Tardi a dessiné de nombreuses guerres, d’abord celle de 14-18 (“Brindavoine”, “C’était la guerre des tranchées” et bien d’autres), puis la Seconde Guerre mondiale, avec sa trilogie “Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II-B ». Mais ce que les Français aiment aussi dessiner, c’est Paris. Le Vieux Paris, comme celui du début du XXe siècle, dans sa série « Adèle Blanc-Sec ».
Alors, lorsqu’il rencontre Léo Malet et que l’auteur de thriller lui dit qu’il aimerait que son célèbre détective Nestor Burma soit adapté en bande dessinée, Tardi accepte. Car la particularité de ces enquêtes, qui s’appellent « Les nouveaux mystères de Paris », c’est que chacune se déroule dans un quartier de la capitale. Tardi adapte ensuite « Brouillard au pont de Tolbiac » en 1982 avec un énorme succès. Il en a fait trois autres jusqu’à « M’as-tu vu en cadavre ? en 2000.
A cela s’ajoute un cinquième album, sorti dans un format plus petit en 1990, « A Lead Hangover », qui a la particularité d’être un scénario original du dessinateur. Malet lui avait laissé carte blanche et lui avait prêté quatre personnages : Birmanie, évidemment, mais aussi la secrétaire Hélène, le policier Faroux et le journaliste Covet.
Hommage à « Quelques rififis entre hommes »
24 ans plus tard, et alors que Malet meurt en 1996, Tardi part à la Birmanie pour une aventure originale, située dans le 20e arrondissement, non utilisée dans les romans. Le choix ici est simple : Tardi y habite. «Je pensais que ce serait bien de faire quelque chose non loin de chez moi», raconte l’auteur dans le dossier de presse de l’album. Surtout parce qu’il aime repérer avec son appareil photo, passer ou passera la Birmanie. “Et puis ce qui m’a vraiment décidé, c’est de revoir “Du rififi chez les hommes”, dont la dernière scène se déroule rue de la Bidasoa.”
Il s’est également inspiré du titre du film de Jules Dassin pour intituler son récit, « Du rififi à Ménilmontant », récit qui rend également hommage au moyen métrage d’Albert Lamorisse de 1956, « Le ballon rouge », qui se déroule sur les hauteurs de Ménilmontant. . Souvent en effet, dans les livres birmans dessinés par Tardi, le protagoniste est Paris. Ici on ne se lasse pas d’admirer ces rues qui ne sont pas celles de la capitale actuelle, l’action se déroule en 1957. « Mme Hidalgo a tellement défiguré Paris que je suis obligé d’éliminer un certain nombre de choses ces dernières années, et de retrouver des gens qui n’ont rien à voir avec eux. , grâce à ma documentation, telle qu’elle était dans les années 1950. » Mais ce qui est étrange, c’est que cette aventure ne montre qu’un panneau d’un des lieux les plus célèbres du XXe siècle, le cimetière du Père-Lachaise. La Birmanie a sans doute assez à voir avec les vivants et les cadavres qu’elle croise sur son passage.
Les voitures sont évidemment de l’époque, bien plus intéressantes à concevoir pour Tardi que les voitures actuelles. Dans ses récits de Birmanie, Tardi peut exprimer sa colère : ici, il est notamment contre les tests sur les animaux, le détective enquêtant sur une société pharmaceutique dont le sous-sol est une chambre des horreurs. Plus tard, il est devenu végétarien et déteste quiconque fait du mal aux animaux. Alors que dans les romans de Malet les relations entre Birmanie et le policier Faroux sont tendues mais cordiales, ici le détective est bien plus en colère contre le policier.
Et Tardi adore visiblement rabaisser la Birmanie puisque dans « A Leaden Hangover » le détective portait une migraine tout au long de l’album, ici c’est une vilaine crise qui lui fait éternuer de vils glaviots verdâtres. Car cet album a la particularité, contrairement aux précédents, d’être légèrement coloré, avec notamment une touche de rouge pour le ballon inspiré du film ou pour trois étranges Pères Noël, une touche fantastique qui rappelle les aventures d’Adèle Blanc-Sec. . Et là aussi l’album est au format bande dessinée.
La dernière Birmanie de Tardi ?
Étant son propre quartier, Tardi attire de vrais commerçants locaux, mais aussi ses scénaristes, comme Daniel Pennac ou Didier Daeninckx. L’intrigue est tortueuse, plus folle que celles de Malet, la fin compliquée comme cela arrive souvent, mais encore une fois ce qui compte le plus, c’est l’ambiance. Le lecteur est satisfait sur ce plan, pour ce qui pourrait être la Birmanie définitive de Tardi. « J’avais envisagé d’adapter « Les eaux troubles de Bleach », mais je ne le ferai pas. Disons simplement que ce n’est plus mon plan. Enfin, je sais qu’il ne faut jamais fermer complètement la porte…”